La formation à la psychopathologie en faculté de médecine

POURQUOI LA PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUE ?

Psychologie Clinique 20

janvier 2006

La formation à la psychopathologie en faculté de médecine

Par Bernard Golse

Résumé

L’auteur expose les enjeux actuels de la formation en psychopathologie dans les facultés de médecine. Il convient de distinguer un enseignement qui donne des bases solides en psychopathologie d’une véritable formation à la psychothérapie.

Mots clés

Enseignement ; Faculté de médecine ; psychothérapie ; psychopathologie.

Summary

The author explain the current stakes in the forming psychopathologie in Faculties of Medicine. It is advisable to distinguish an education which gives solid bases there psychopathologie of a real training to the psychotherapy.

Key-Words

Education ; Faculty of Medicine ; psychotherapy ; psychopathology.

En tant que Professeur de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent à l’Université René Descartes (Paris V), en tant que coordonnateur du DESC[2] de Pédopsychiatrie pour la région Ile-de-France, et en tant que chef du service de Pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), la question de la formation à la psychopathologie dans le cadre des Facultés de Médecine m’importe et m’intéresse évidemment au plus haut point. Il y va en effet de l’avenir de la dimension clinique et psychothérapeutique de la formation des (pédo)psychiatres de demain, ce qui représente – sans conteste – un enjeu tout à fait considérable. Considérable, effectivement, dans la mesure où la tentation actuelle de la psychiatrie, et également de la pédopsychiatrie, est clairement de se rabattre sur des modèles biologiques plus ou moins linéaires et de type médical, avec le risque concomitant d’évacuer purement et simplement la dimension psycho-pathologique et poly-factorielle de la réflexion, ce qui ne serait bien sûr pas sans effet sur la nature et sur la qualité même des soins proposés aux patients, si tant est qu’on puisse alors encore parler, dans le cadre d’une telle dérive, de soins au sens propre du terme. Après quelques rappels sur l’état des lieux dans le cadre des études médicales, j’aborderai la question du cursus de base des (pédo)psychiatres au regard de la formation en tant que psychothérapeute, et je conclurai enfin sur quelques remarques concernant l’avenir de cette problématique.

La formation à la psychopathologie dans le cadre des études médicales

En dépit d’une certaine tentative d’uniformisation, force est d’abord de constater que les choses demeurent relativement disparates d’une faculté à une autre, soit d’une région à une autre. Durant la première année du premier cycle des études médicales, un certain nombre de cours sont consacrés à l’évocation d’un certain nombre de grands problèmes psychologiques abordés, en général, sous l’angle des sciences humaines et de la relation médecin-patient. Ces cours, assez généraux, fournissent aux étudiants une première approche intéressante de certains aspects de la psychologie et de la psychopathologie, mais ils n’ont évidemment qu’une vocation de sensibilisation globale et, étant donnés en grand groupe, ils ne permettent guère un réel approfondissement des notions envisagées, approfondissement qui serait d’ailleurs, sans doute, quelque peu trop précoce.

La réforme récente du deuxième cycle des études médicales a donné lieu à la mise en place d’enseignements par pôles transversaux, conjointement au maintien de certains modules (handicap, maturation et vulnérabilité, périconceptologie…) au sein desquels la pédopsychiatrie se voit enseignée sur un certain nombre d’heures, mais un nombre hélas un peu restreint. Cela ne permet donc pas dans l’état actuel des choses, une véritable approche en profondeur de la psychopathologie, et il y a là, sans nul doute, une question qui devra être reprise au cours des réflexions à venir quant à l’ajustement progressif des maquettes d’enseignement. On peut noter par exemple que ce deuxième cycle des études médicales ne permet pas d’offrir aux étudiants une réflexion véritablement approfondie sur la question de la psychopathologie et on peut regretter, par exemple, que ne soit pas instaurée dans le cadre de ce cycle d’études, une approche épistémologique des disciplines psychiatriques et pédo-psychiatriques.

C’est seulement au niveau du troisième cycle que l’étude de la psychopathologie se déploie véritablement en tant que telle au sein du DES[3] de Psychiatrie et du DESC de Pédopsychiatrie. Il resterait sans doute encore beaucoup à faire pour améliorer encore l’état de la situation, mais il est cependant juste de constater que les différents séminaires offerts aux étudiants qui ont choisi de devenir psychiatres ou pédopsychiatres sont, théoriquement tout au moins, à même de leur permettre une approche authentique de la psychopathologie susceptible dès lors de leur servir de référence au regard de leur formation. C’est à ce moment de leur trajectoire professionnelle que sont ainsi abordés les concepts d’après-coup, de temps circulaire, de modèle polyfactoriel, de processus de pensée inférentiels et non pas seulement déductifs, tous éléments évidemment essentiels pour les futurs (pédo)psychiatres soucieux de définir la spécificité de leur discipline, et désireux de pouvoir dialoguer, de manière sécure et féconde, avec les autres disciplines sans confusion ni amalgame épistémologiques nocifs.

Il y maintenant deux ans, j’ai eu le plaisir, avec mes collègues les Professeurs A. Vanier et D. Brun, de créer un DEA cohabilité par Paris 5 (UFR Necker-Enfants malades) et Paris 7 (UFR Sciences Humaines Cliniques) et permettant ainsi d’offrir, soit à des médecins soit à des psychologues, une voie d’accès à un doctorat de Psychologie et de Psychopathologie fondamentale, dans le cadre de l’Ecole Doctorale Recherches en Psychanalyse dirigée par le Professeur S. de Mijolla-Mellor. Ce DEA intitulé Médecine scientifique, Sciences du vivant et Psychopathologie qui a maintenant été intégré au nouveau schéma LMD, réhabilite ainsi la psychopathologie psychanalytique au sein d’un troisième cycle d’études ouvert à des médecins, et rend ainsi possible un authentique courant de recherches aux interfaces de la médecine somatique et des disciplines psychiatriques. On ne peut que souhaiter que cet exemple fasse école, ce qui est possible mais encore à venir.

(Pédo)psychiatre et/ou thérapeute : constats et projections

À l’heure actuelle, il est tout simplement honnête de dire et de proclamer, que le cursus de base des psychiatres et des pédopsychiatres ne leur donne aucunement, ipso facto, le label de psychothérapeutes ni même la compétence théorico-clinique pour l’être. C’est ce qui a été rappelé avec vigueur par le groupe de travail réuni par le CNUP[4] et l’Association Française de Psychiatrie il y a deux ou trois ans, sous la présidence du Professeur G. Darcourt, groupe auquel j’avais eu l’honneur et le plaisir, alors, de participer. Le cursus de base des psychiatres et des pédopsychiatres leur donne incontestablement les bases d’une réflexion psychopathologique, une sensibilisation à la question du processus psychothérapeutique, et une ouverture sur les différentes techniques psychothérapeutiques aujourd’hui disponibles, éléments susceptibles de les amener ensuite, et au-delà du cursus de base, à se donner les moyens de devenir de véritables psychothérapeutes dans la perspective d’une technique choisie par eux (psychanalytique, cognitivo-comportementale ou autre). Il me semble qu’il faut tenir bon sur cette formation en deux temps : cursus de base de sensibilisation d’une part, formation technique spécifique ensuite. Se faire croire qu’au sortir du troisième cycle des études médicales, les psychiatres ou les pédopsychiatres fraîchement émoulus seraient d’emblée capables d’être psychothérapeutes relève au mieux d’une simple naïveté, au pire d’une authentique hypocrisie ! À l’inverse, il est cependant honnête d’insister sur le fait que, me semble-t-il, le cursus de base des psychiatres et des pédopsychiatres leur apporte, par le biais du troisième cycle de leurs études essentiellement, un bagage psychopathologique à peu près suffisant pour leur permettre ensuite d’entamer leur formation spécifique à la psychothérapie sans avoir à se doter au préalable de bases qui leur feraient encore défaut. Ceci est important à rappeler dans la perspective des décrets d’application qui devront être pris dans la mouvance de l’amendement Accoyer.

Telles sont les principales remarques que je souhaitais faire, ici, quant à la formation à la psychopathologie au sein des facultés de médecine. La situation est loin d’être parfaite, mais elle n’est pas désespérée si l’on prend bien garde de ne pas considérer le cursus de base des psychiatres et des pédopsychiatres comme une formation qui donnerait, per se, le label officiel de psychothérapeute.

[1] Pédopsychiatre-Psychanalyste. Chef du service de Pédopsychiatrie de l'Hôpital Necker-Enfants Malades. 149 rue de Sèvres, Professeur de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Université René Descartes (Paris 5). bernard.golse@nck.ap-hop-paris.fr

[2] Diplôme d’Etudes Spécialisées Complémentaires.

[3] Diplôme d’Etudes Spécialisées.

[4] Collège National des Universitaires de Psychiatrie.