psychologie clinique
Plate-Forme de la revue Psychologie Clinique
Parue dans le N°1, 1996 -1 "Clinique (s) : tensions et filiations"
Les objectifs de la revue visent à préciser les fondements et les enjeux principaux de cette discipline notamment en ce qui concerne sa rigueur ; celle-ci reposant sur des stratégies de validation et de cohérence spécifiques.
Née dans la première moitié de ce siècle, la psychologie clinique met en œuvre des méthodes d'analyse et d'intervention appropriées à l'étude des objets qui sont les siens : écoute, construction et analyse des processus de subjectivation, et aussi de leurs malaises et de leurs symptômes. Le terme "clinique" rappelle cette exigence et cette spécificité.
La psychologie clinique est sollicitée pour répondre à des questions cruciales qui traversent et parfois déchirent le champ social. De sorte que les différents domaines d'exercice et de recherches des psychologues cliniciens rencontrent, tôt ou tard, une dimension politique. La psychologie clinique, objet d'une forte demande sociale, interroge cette demande jusqu'à ses aspects technologiques et anthropologiques
Comment la psychologie clinique se spécifie-t-elle aujourd'hui ?
• Ayant vu son destin historiquement croisé avec la psychanalyse, elle la rejoint quant à l'exigence où se conforme sa rigueur de faire droit à une investigation de la singularité des situations d’implications des individus et des groupes . Elle construit alors des modèles théoriques multi-référencés qui doivent beaucoup à la psychanalyse, mais s'appuient aussi sur d'autres approches. Elle s’articule aux disciplines voisines (sociologie, ethnologie, linguistique, philosophie, histoire, psychiatrie, anthropologie, médecine ) pour dégager les fondements d'une démarche non dogmatique. Elle œuvre à une redéfinition des interfaces : pulsionnel/symbolique, subjectivité/altérité, intériorité/ institution, affects/représentations, en forgeant des instruments conceptuels répondant à cet objectif, et en s'intéressant à ce qui configure le malaise collectif aux symptômes des sujets et des institutions.
• Elle se réfère, d'une manière constante, aux pratiques d'intervention, de thérapie et de prise en charge, sur lesquelles elle s'est fondée et dont elle cherche à théoriser les éléments tenus pour "incontrôlables" par une démarche expérimentale ( en particulier ce qui relève de la demande et du relationnel )
• Elle s'insère dans le champ social et dans les institutions dont elle tente de repérer le fonctionnement, et de conceptualiser les problématiques. Elle étudie les modalités d'articulation du psychique et du social ( ce qui la fait travailler sur les notions de symbolique, d'idéologique, de culturel et de pulsionnel ).
• Elle pose le problème épistémologique des sciences humaines en tentant de définir le rapport sujet/objet qui y prévaut. Elle prend en compte la tension sujet/objet, notamment par l'analyse de l'implication du chercheur pour construire ses objets et son rapport à la connaissance.
• Faisant l’analyse préalable des classifications idéologiques et scientistes qui ont cours dans certains secteurs du champ social, elle tente de se garder de toute normativité, en construisant une clinique du lien social en rupture avec les préjugés du sens commun.
Cette rigueur épistémologique repose sur des engagements éthiques :
• Demeurer attentif aux processus de subjectivation, tout en refusant la psychologisation des contradictions sociales.
• Dégager le dispositif et l'éthique de la psychologie clinique des postulats des sciences de la nature. La psychologie clinique ne peut se dispenser de faire la critique radicale du point de vue qui réduit l'humain aux lois de la nature.
• Éviter la réduction du sujet aux catégorisations et aux nosographies préalables dont il est l'objet ; la complexité de ce sujet n'étant pas non plus réductible à certaines de ses caractéristiques. La complexité résulte d'une construction.
Cette position épistémologique s'est vue renforcée et légitimée par la mise en place d'un statut reconnu dont le psychologue clinicien dispose depuis quelques années. La profession s'organise, met en œuvre des pratiques multiformes qui demandent éclaircissements, approfondissements et débats. Le psychologue clinicien a sa place dans les secteurs de la santé, de la santé mentale -et notamment la psychothérapie- de l'éducation et de la formation, de la justice, du travail et de la vie quotidienne. Il est praticien, chercheur, chercheur-praticien ou enseignant-chercheur. La psychologie clinique couvre donc un champ très vaste. Cependant, la psychologie clinique est l'objet de controverses et de variations d'interprétation, suivant les contextes doctrinaux et les politiques scientifiques.
C'est sans doute parce que son rapport à la scientificité porte débat sur deux fronts :
• La rigueur de la démarche clinique se construit dans la confrontation à des contraintes réelles qui viennent de la résistance propre de l'objet, avec la nécessité d'en prendre acte par une construction de la complexité et par la prise en compte de l'implication du chercheur. La psychologie clinique comporte une autre définition de la rigueur que celle qui prédomine dans les instances scientifiques officielles de la psychologie.
• De plus, elle est liée à une pluralité de terrains et, au regard du discours psychanalytique, clinique, méthode et théorisation ne se correspondent pas toujours étroitement.
Dans cette perspective la psychologie clinique se distingue d'une démarche qui réduit le sujet à un objet d'étude diversement désigné ou qui le coupe de son histoire et de ses symptômes pour l'appréhender principalement en termes de facultés , de comportements ou de cognition.
La revue Psychologie Clinique est ouverte aux praticiens et aux chercheurs.
Le terme de « clinique » connaît une véritable inflation. C'est un phénomène qui est vraiment à interroger et à explorer. Qu'est aujourd'hui la démarche clinique ? La tradition en France, de la clinique n'est pas univoque. Elle eut plusieurs fondateurs et est riche de courants variés. En outre, la référence à la clinique a peu de liens avec d'autres utilisations du terme «clinique», ainsi par exemple pour les pays anglo-saxons. Dans d'autres pays, ce n'est pas toujours au sein de la psychologie qu'une démarche clinique en sciences humaines se fait jour. L'ethnographie clinique américaine est davantage proche de nous que la psychologie dite clinique qui prévaut là-bas. Comment s'y repérer ? La revue Psychologie Clinique interrogera régulièrement l'histoire et l'actualité de la psychologie clinique en France et dans quelques pays étrangers (U.S.A., Canada, Brésil, Pays du Maghreb, Grèce, Japon ...).
Précisons un autre de nos enjeux : faire de cette revue un organe de lien entre des psychologues cliniciens engagés dans une démarche d’élucidation des pratiques, de théorisation et de réflexion méthodologique. Nous tenons à contribuer à un regroupement et à une extension des débats qui animent notre communauté scientifique.
Psychologie Clinique est engagée dans un projet scientifique de déchiffrement du sens, en sa double inscription intrapsychique et sociale. Elle s'attachera à fonder une recherche sur la démarche clinique à la rencontre des contraintes du terrain et des exigences de conceptualisation et de validation.
La parution est de deux fois l'an. Nous proposons des numéros à thèmes pris en charge et organisés par un ou plusieurs responsables. Chaque numéro s'enrichira également d'une rubrique "varia" où paraîtront des contributions originales et de plusieurs analyses de livres. Le Comité de rédaction assure la continuité du projet éditorial. Assumant la fonction de Comité de Lecture, il fait appel au Comité scientifique sur tous les points qui requièrent la compétence de ses membres.
Le Comité de rédaction est à l'écoute de toutes les propositions de thèmes de numéros ou d'articles, et sollicite les réactions des lecteurs aux articles publiés.