You're Such a Cruel Papa to Me

Lizzie Miles

Par Olivier Douville

Lizzie Miles (1895-1963) - 78t - New York, 1928-06-30, Columbia

Orchestre : Lizzie Miles (vocal) accompagnée par Joe "King" Oliver (cornet) ; Alerto Soccarras (flute ) ; Clarence Williams (piano)

Native de la Nouvelle-Orléans, Lizzie Miles quitte sa ville natale à l’âge de 14 ans pour jouer et chanter dans un cirque ambulant puis dans des spectacles de music-hall (aux U.S.A. on désigne ce genre par le terme de « vaudeville). . Comme tant d’autres musiciens louisianais elle rejoint Chicago, où, en 1919, elle joue avec le trompettiste Freddie Keppard.

À partir de là, sa carrière est lancée. Personnage robuste et truculent, Lizzie Miles est dépourvue de la moindre fibre tragique. C’est une commère pleine d’esprit et d’humour qui sait faire rire. Et ce qu’elle raconte n’est pas toujours conforme aux enseignements des prêcheurs religieux ; ce qui ne l’empêchera nullement de terminer son parcours terrestre dans des bigoteries acharnées. On se réjouit qu’avant cette retraite - que d’aucuns jugeront salutaire et d’autres regrettable- elle ait pris le temps de chanter avec une force et une santé admirables les joies des cœurs et les bonheurs des corps.

Ayant enregistré avec des musiciens aussi représentatifs de la plus haute expression du jazz louisianais dont Jelly Roll Morton, Clarence Williams et King Oliver elle a droit à rentrer la tête haute dans cette discographie du jazz.

De plus, cette face qui renseigne sur les plus saignants des reproches qu’une femme noire pouvait faire à son homme à la fin des années 1920 (et le tout en trois minutes ! ) contient une curiosité musicale des plus réussis. Il s’agit d’un des premiers essais de jazz à la flûte par le cubain Soccarras (cf photo n°2)– après les tentatives réussies de Bertin Depestre Salnave au sein de l’orchestre du « Southern Syncopated Orchestra » de Will Marion Cook en 1919. Le duo que ce musicien réalise avec King Oliver est tout d’entrain et de fraîcheur.

Beaucoup de musiciens de l’est des U.S.A. se montrèrent surpris de constater à quel point un musicien cubain pouvait si aisément s’intégrer à la musique orléanaise, or, cette adaptation si aisée, outre qu’elle est la marque d’un bon musicien témoigne bien de l’assise caribéenne de la musique créole de la Nouvelle-Orléans

Olivier Douville