The Missourians

Prohibition Blues

Par Olivier Douville

Lockwood Lewis (leader) ; Roger Quincey Dickerson, Lammar Wright (trompettes) ; E.B. de Priest Wheeler (trombone) ; William Thornton Blue, George Scott (clarinettes et saxophones alto), Andrew Brown (saxophone ténor) ; Earres Prince (piano) ; Morris White (banjo) ; Jimmy Smith (tuba) ; Leroy Maxey (batterie); New York 3 juin 1929

Saint-Louis (Missouri) au début des années 1920 eut son orchestre de jazz, les Bostonians (qui devinrent les Syncopators dès 1923) où jouait le trompettiste R.Q. Dickerson. Le groupe connut un vrai succès, il joue pour la danse une musique rude et parfurmée, assez proche de ce que prosuisait à l’époque l’orchestre de Bennie Moten, à Kansas City. Sa réputation le mène en Californie. Puis à New york où l’orchestre enregistre et se fixe en 1924. Aimé des danseurs harlémites, il bénéficie d’engagements prestigieux, dans cette ville qui résonne aussi des musiques de Duke Ellington et de King Oliver. Avec quelques modifications, l’orchestre prend le nom de Missourians. Il joue au Savoy Balrrom et accompagne parfois la chanteuse Ethel Waters. Peu habitué à la « frime » des orchestres locaux, dont celui de Cecil Scott, il a du mal à conquérir les faveurs d’un public soucieux d’ambiance et de distraction en ces années économiquement et socialement cruelles.

Il est aujourd’hui oublié ou juste mentionné dans la mesure où il sera repris par Cab Calloway dès 1930. Pour autant ce qu’ont gravé les Missourians avant de servir d’écrin aux prouesses vocales du Cab est des plus intéressants. Tout particulièrement ce Prohibition Blues au tempo très sûr et à la mise en place impeccable. Ambiance assez sombre, mélancolique, comme nombre de morceaux gravés à la fin des années 20. Et surtout un solo expressionniste à la trompette, jouée avec sourdine par Roger Quicey Dickenson que précède une improvisation acide et débridée de William Thornton Blue – ce clarinettiste était reconnu par ses pairs comme un des plus brillants et des plus inventifs solistes des années 1920. Un de ses petits joyaux du jazz ancien qui exprime au mieux l’adéquation entre un peuple, son époque et sa musique.

Olivier Douville