Stock Yard Strut - Freddie Keppard

Par Olivier Douville

Stock Yard Strut - Freddie Keppard (1889-1933) - 78t Chicago, 1926-07-26, Paramount Orchestre : Freddie Keppard's Jazz Cardinals : Freddie Keppard (cornet et leader) ; Eddie Vincent (trombone) ; Johnny Dodds (clarinette) ; Arthur Campbell (piano) ; Jasper Taylor (percussions)

Certaines musiques créoles de la Nouvelle-Orléans contiennent une mélancolie particulière, qui tient sans doute à la fragilité du matériel mélodique et des harmonies qui les composent, à ce silence aussi qui les a recouvert après tant d’opulence et de fanfares, à leur splendeur immobile et vieillie. Il en va ainsi des enregistrements de Freddie Keppard, et qui nous touchent plus par ce qu’ils évoquent que par ce qu’ils recèlent encore. Des horizons de voluptés tranquilles se figent, graduellement. Rien de ce que nous entendons n’a la puissance de nous convaincre. Si ce n’est les sinuosités fraîches et tendres de Dodds.

La légende de Keppard restera une rumeur. Tenace et précieuse, à raconter un peu. Ce trompettiste dont chacun vanta la puissance et l’audace, natif de la Nouvelle-Orléans, constitue sont premier orchestre en 1906 avec le clarinettiste Picou. Il joue pour la société créole aisée. En 1912, il part pour la côte ouest et est le premier musicien à exporter l’art créole de la Nouvelle-Orléans. Son orchestre dissout, recomposé, remanié au gré des villes et des années, se fixe à Chicago, jouant aux côtés de King Oliver, en 1922, (lequel lui ravit sa couronne dix ans auparavant) et de Jelly Roll Morton(tout heureux de jouer avec un autre créole).

Il est demandé dans de nombreux orchestres dont ceux d’Erskine Tate et du très bon arrangeur, l'audacieux Charles "Doc" Cooke. On dit aussi qu’il refusa, en 1916, d’enregistrer le premier disque de jazz qui soit, de peur que l’auditeur de la cire lui vole son doigté, sa sonorité, ses idées, bref, son âme. Dix années plus tard, il reste des états d’âme dans cette musique curieusement alanguie et mécanique qui vaut pour souvenir-écran.

Olivier Douville