Lenox Avenue Shuffle - "Bubber" Miley, James Wesley

Par Olivier Douville

Lenox Avenue Shuffle - "Bubber" Miley - James Wesley (1903-1932) - 78t - New York, 1924-07-10, Vocalion Orchestre : The Texas Blues Destroyers : Bubber Miley (cornet) ; Alvin Ray (orgue)

Bubber Miley est né en Caroline du Sud. Ses premiers essais le montrent peu soucieux de s’approprier le jeu des maîtres de la Nouvelle-Orléans qu'il connaît de loin. Son apprentissage se fait en imitant les musiciens de Harlem, formés à la rude école d’un ragtime adapté aux conventions d’un grand orchestre. C'étaient des clients sérieux et considérés, et leur jeu assez sec et rigide pouvait impressionner en raison de l'autorité mécanique qui le caractérise. Un de ses premiers modèles est le vétéran Cricket Smith, un pilier de l’orchestre de Jim Europe , il travaille alors sous l'égide de Johnny Dunn (ce musicien a servi en France en 1917 et 1918 comme clairon) qui joue le rôle de directeur musical du groupe de la chanteuse Mamie Smith.

En 1922, c’est l’illumination. En compagnie du clarinettiste et saxophoniste Garvin Bushell, Miley, alors à Chicago, s'il est sous le charme de la chanteuse Mamie Smith et sous le coup de l’audition de la musique du roi Joe Oliver.

Bushell raconte « … à Chicago, Bubber et moi allions écouter King Oliver au Dremland toutes les nuits. C’était la première fois que j’écoutai du jazz de la Nouvelle-Orléans.… Les trompettes et les clarinettes de l’est possédaient un jeu plus orthodoxe, mais leur sonorité à eux était plus émouvante. C’était moins cultivé mais plus proche de la manière dont le gens ressentaient les choses… Buber et moi en restions bouche bée… Après que nous les ayons entendu Oliver etDodds devinrent notre inspiration unique ».

Miley est devenu, en 1923, membre de l'orchestre du banjoïste Elmer Snowden, groupe qui deviendra rapidement le premier noyau de l'orchestre de Duke Ellington.

Dans cette face enregistrée deux ans après cette révélation "oliverienne", la musique de Miley est en train d’édifier sa construction. Ses deux principales influences successives, Dunn, puis Oliver, étaient des maîtres de la sourdine. Du premier, il conservera la netteté de l'attaque, de l'autre, le sens du lyrisme et du tragique. Si la charge émotionnelle est là, l’articulation du musicien est plus souple et plus capricieuse que celle de ses maîtres louisianais. Des possibilités de brisures et se sinuosités s’accordent avec l’urgence d’exprimer tout le suc, toutes les perles de voix qui gémissent dans son instrument et que fait vibrer la sourdine "wa wa". La vitalité de Miley est extrême il lui manque encore une destination, une maison, celle que Duke est en train de lui bâtir.

Bubber Miley avait déjà gravé quelques 78 tours, dès 1923, il était alors le second cornettiste de la petite formation de Thomas Morris et n'avait pas encore un style bien défini.

Olivier Douville