Freddie Redd, The connection

Par Olivier Douville

Freddie Redd (1928) - Hackensack (New-jersey) - 15 février 1960 - Blue Note records

Jackie Mac Lean (saxophone alto) ; Freddie Redd (piano) ; Michael Mattos (contrebasse) ; Larry Richie (batterie)

Thèmes :Who killed Cock Robbin ; Wigglin’ ; Music Forever ; Time to Smile ; Theme for the sister Slavation ; Jim Dunn’s Dilemna ; O.D.

Ce disque est la musique, composée par le pianiste Freddie Redd, d’une pièce de théâtre de Jack Gelber que le Living Theater de Julian Beck créa le 15 juillet 1959 et qui sera portée à l’écran. Cette musique qui était jouée sur scène est ici captée en studio – Redd l’enregistrera plus tard sous le pseudonyme de I. Ching avec le trompettiste Howard Mc Ghee. Les grandes lignes du synopsis de la pièce « The Connection » son les suivantes : quelques drogués (on dirait maintenant « addicts ») attendent dans une tour de béton -qui n’est pas sans évoquer le cadre du « Dépeupleur » de Beckett- l’arrivée de leur prochain approvisionnement d’héroïne. Ils attendent et attendent encore et doivent endurer les boniments d’une bonne sœur de l’Armée du Salut, puis ils mettent au parfum un cave de passage, le tout se terminant par une overdose (initiale de l’overdose, O.D. titre du dernier morceau). L’argument touche à une réalité de la vie de nombreux musiciens de jazz, et non des moindres, qui eurent souvent recours à la drogue –, sans jamais prétendre qu’elle leur donnait la moindre once de talent supplémentaire. Ce disque plonge dans ce qu’a eu de plus « crade », de plus désespéré et de plus auto-destructeur aussi l’existence de certains des plus grands créateurs de cette musique. Une indication du metteur en scène était que la musique de la pièce devait être jouée dans le style be-bop de Charlie Parker.

Ce que réussit extraordinairement bien Mc Lean, lequel, loin de n’être qu’un suiveur de talent, transcende cette commande avec des accents droit venus de l’école de la West-Coast.

Le pianiste, lui, élévé à Harlem et autodidacte, a connu une formation jazz tout à fait exceptionnelle, ayant joué avec Cootie Williams, Coleman Hawkins, Jo Jones, Art Farmer, Joe Roland, Oscar Pettiford, puis Charles Mingus et Sonny Rollins. Grand voyageur on le rencontre souvent en Europe. Esprit libre et donc ouvert il aime les rencontres, ainsi il tiendra l’orgue dans le premier album de James Taylor, enregistré à Londres, en compagnie de Paul Mc Cartney, bien connu des amoureux du pop.

Freddie Redd est un compositeur original et un improvisateur que caractérisent l’usage d’attaques très nettes et rudes parfois de la note, une mobilité impressionnante sur l’ensemble du clavier et le goût de longs développements mélodiques. Son jeu extrêmement précis, construit, et que ponctuent des passages entiers joués des deux mains en accord audacieux, fait merveille avec le côté déchiré et tranchant de Mc Lean, dont le jeu a rarement été aussi tendu et « angoissé » qu’en ce disque. Cette musique ne laisse pas l’auditeur indemne. Soulignons enfin que le batteur, L. Richie, assez mal connu, s’il n’est pas un virtuose irréprochable, n’en est pas moins à la manière d’un Sonny Greer chez Duke Ellington, il ponctue avec musicalité le dialogue du piano et du saxophone au point, par moments de constituer une troisième voix, un contre-chant très pertinent.

Olivier Douville