Mama's Gone, Goodbye - Thelma Terry (1901-1966)

Par Olivier Douville

Chicago, 1928-03-29, Columbia - 78t - Orchestre : Thelma Terry and her Playboys : Thelma Terry (contrebasse et leader) ; Johnny Mendel, Carl Rinker (trompettes) ; Floyd O’ Brien (trombone) ; Bud Jacobson (clarinette), Mike Platt (clarinette et saxophone alto), Phil Scowin (clarinette et saxophone ténor) ; Bill Otto (piano) ; Ray Campbell (banjo) ; Gene Krupa (batterie)

Voilà un orchestre bien sympathique et original. Voici neufs bons garçons bien rangés, du moins pour l’enregistrement, sous les indications d’une jeune et jolie femme, contrebassiste de son état, mais sachant faire vibrer et résonner la plupart des instruments à cordes. A la fin des années 1920, cela pouvait étonner quelque peu. De fait la tâche de Thelma Terry était plus que rude. Accablée des indisciplines énervantes de ses hommes de main, elle devait souvent dissuader des avances sexuelles assez lourdes de la part de certains de ses « Playboys » (on ne dira pas qui).

Nous savons peu de chose de Thelma Terry (née Combes). Les deux photos dont nous disposons laissent voir une douceur où la charme se pose et se repose. Une chevelure gominée, ondulée, balaie un sourcil frondeur, les yeux qui nous regarde sans détour, la pâte d’un visage un peu plein épanoui par un sourire nonchalant : son allure à quelque chose d’une fidélité plus qu’agréable à l’esthétique de son époque.

Contrebassiste au tempo souple, à l’attaque franche et à la sonorité pleine (les premières mesures de cet enregistrement en donnent une image favorable et nette), cette bonne instrumentiste a joué avec Eddie Condon et a compté le jeune Gene Krupa, qui avait enregistré ses premiers disques en 1927, et le tromboniste Floyd O’ Brien parmi ses musiciens.

La musique chez les Combes c’est une histoire de femmes. La mère de Thelma qui travaille dans une famille richement investie dans la musique, encourage sa fille à faire partie de l’Orchestre Symphonique Féminin de Chicago. De plus, Thelma suit ses études à l’Austin High School, véritable pépinière de futurs musiciens dixielands : Jimmy Mc Partland, Bud Freeman, Frank Teshmacher et Bud Jacobson.

C’est en 1927 que, selon Eddie Condon, elle forme son groupe des « Playboys » qu’elle maintient en activité durant deux années. L’amour lui fait signe. Elle dissout en 1929 un groupe qui commençait pourtant à faire parler de lui en bien et pour lequel une tournée européenne est envisagée sérieusement, et convole avec un parfait gentleman d’apparence.

Las ! Sa belle romance n’a qu’un temps. Mère d’une petite fille, elle divorce de son mari. Un « come-back » musical la tente, mais la grande « Dépression » économique ruine ses espoirs de trouver un emploi. Il est erroné d’affirmer qu’elle ait pu trouver un engagement durable au « Golden Pumkin » de Chicago pendant cette période.

Son nom s’efface des mémoires. Un film sera tourné sur Gene Krupa qui ne mentionnera nullement Thelma Terry. Aujourd’hui, il nous reste ces quelques cires, versions agréables de chansons à la mode alors. O’ Bryen y est à son avantage. Terry y apporte un soutien de grande qualité, ce qu’elle joue peut évoquer le travail de Joe Tarto, à la même époque, mais semble de meilleure assise.

Le jeu sec et bruyant de Krupa annonce tous les penchants au spectaculaire et la lourdeur dont il ne sera pas avare.

C’est dans un anonymat total qu’elle est décédée d’un cancer de la gorge cette bien aimable pionnière qu’il n’est que temps de redécouvrir.

Olivier Douville