“Stuff” Smith, Where is the Sun ?

“Stuff” Smith

Par Olivier Douville

Hezekiah Leroy Gordon “Stuff” Smith (1909-1967) And his Onyx Club Band - New York, 4 mai 1937, 78 T marque Brunswick

Stuff Smith (violon); Jonah jones (trompette); Buster Bailey (clarinette); Clyde Hart (piano) ; Cozy Cole (batterie)

L’« Onyx Club », l’une des boîtes de jazz les plus connues de New York, et donc du monde jazz en son ensemble, située dans la rue la plus jazz, la 52°St, et qui resta en activité jusqu’en 1960. L’exiguïté des lieux était propice à l’expression de petites formations qui rivalisaient dans l’esprit d’un public populaire et averti avec de nombreuses attractions et fantaisistes.

Avec le groupe du violoniste Stuff Smith, la surprise était inévitable. On eut dit que quelques grotesques figures avait fugué de la parade d’un cirque pour venir déloger les musiciens de la maison et leur rafler leurs instruments. Un trompettiste qui changeait sans cesse de galurin, une courte et vie silhouette qui tire de son violon des sons râpeux, véhéments, interrompt ses solos virtuoses pour adresser des mimiques à un petit singe juché sur son épaule ou pour saluer l’arrivée d’une jolie cliente !

De fait, ce sont tous de grands musiciens qui compose cet orchestre que fait respirer un des plus grands batteurs de son époque, Cozy cole (vedette de l’orchestre de Cab Calloway et plus tard partenaire de L. Armstrong) un pianiste, Clyde Hart, qui sera un « pont » vers le be-bop, un des meilleurs clarinettistes de jazz classique, fluide et virtuose, figure tutélaire de l’orchestre de Fletcher Henderson, Buster Bailey, ancien compagnon du vétéran King Oliver ; mais c’est surtout l’alliance entre la fougue et la puissance du trompettiste – Jonah Jones, lui ausssi vedette de la maison Callaowy- et l’art singulier du violoniste qui sera la marque de fabrique de cet orchestre qu’on dirait issu d’un chapitre envolé d’Alice au pays des Merveilles.

Enfant, Stuff Smith reçoit un violon des mains de son père, boxeur amateur. Il ne prend pas trop de gants pour en jouer. Mais en fait un usage tellement inventif qu’il est vite engagé par Alphonso Trent (il grave au sein de cette phalange injustement oubliée un bon St James Infirmary) puis par Jelly Roll Morton ; esprit libre, il vole au plus vite de ses propres ailes. Installé à l’Onyx il apportera à son jeu de violon deux innovations techniques majeures. D’une part, il l’électrifie, d’autre part il prend soin de n’utiliser qu’une faible longueur d’archet, ce qui donne un son « cuivré » à son jeu.

Surnommé « The mad Genius of the violon », Smith est certes un personnage excentrique. C’est aussi et surtout un pionnier capable d’audaces que con,trebalancent de réelles tendresses mélodiques. Sa rage rigolarde fait dans ce « Where is the Sun ? « Place à une mélancolie très prenante.

Une autre face de cette même séance, « Twilight in Turkey », contient un bel échange entre Jones et Smith.

Deux enregistrements dont l’audition est aussi nécessaire à qui veut se faire une idée de al situation de la musique de jazz à New York à la fin des années trente. Les lieux tels l’Onyx ayant aussi servi de véritables laboratoires d’expérimentation musicale.

Olivier Douville