Y-a-t-il une actualité de la notion d’ « enfant-ancêtre » ?

Par Olivier Douville (Psychanalyste, Paris, membre de l’Association française des anthropologues, directeur de publication de Psychologie Clinique, Laboratoire CRPM, Université Paris 7)

Introduction

Le propos de cet article est de situer l’actualité du lien entre des épisodes de psychoses puerpérales et la notion d’enfant qui part et qui revient ou en enfant « nit ku bon » pour les Wolof, les Lébou et les Sérères du Sénégal. Souvent les thèmes d’allure délirante de tels épisodes psychopathologiques expriment l’effroi qu’une mère ressent à avoir donné jour à un enfant qui ne serait pas d’accord pour se ranger du côté des enfants. Il se peut aussi que cette catégorisation de l’enfant comme encore ou irrémédiablement assolé au monde des ancêtres vienne en un second temps. Le lecteur fera rencontre de la complexité de ces modes de désignation. Toujours est-il que, dans un premier temps nous explorerons les liens possibles entre les complications psychiques de l’accouchée et cette représentation tétanisante de l’enfant donné pour une part potentiellement malveillante de l’ancestralité. Des « croyances » traditionnelles établissent aussi qu’une femme enceinte est objet de convoitise pour des esprits gourmands (Bonnet, 1994), on ne s’étonnera point qu’elles fleurissent comme hantise lorsque certaines femmes vivent dans la coupure avec les solidarités coutumières, pour des raisons très diverses (exil dans les mégapoles, brouille familiale, crise dans les équilibres polygames , …) et qu’elles soient alors activées par les effets anomiques des modernités. Enfin nous tenterons de préciser en quoi cette désignation, non un diagnostic au sens strict, reste comme un matériel culturel latent qui sera utilisé par les sujets en fonction de leur singularité et de leurs histoires, ce qui impose à la démarche d’écoute et de soin psychique de ne pas le réifier en modèle culturel univoque et symboliquement clos.

L’enfant « nit ku bon »

Nous partirons de la notion d’enfant « nit ku bon » soit l’enfant « qui part et qui revient » trop vite désigné de nos jours comme « enfant-ancêtre ». Un tel terme connaît plus d’une variation et plus d’une déclinaison. Entré il y a peu dans la mémoire de l’anthropologie de la santé et de la psychologie interculturelle du développement, il a donc une histoire qu’il est possible de résumer. Tout commence au Sénégal à la fin des années 1960. Cliniciens et psychanalystes sont capables de mener à bien des échanges féconds, à Dakar, dans le sens voulu par le médecin psychiatre de la section de psychiatrie de l’Hôpital de Fann, le Professeur H. Collomb. D’une part Collomb était un des pionniers de l’ethnopsychiatrie fondamentale, celle de G. Devereux, discipline à l’époque en plein essor et aujourd’hui en totale régression intellectuelle, et d’autre part, il était fin connaisseur des dispositifs de soin liés aux avancées de la psychiatrie communautaire. Son parcours n’est pas sans évoquer celui de Frantz Fanon en Algérie et en Tunisie (Cherki, A., 2000). Convaincu que les cultures traditionnelles africaines ont su élaborer des conceptions de la maladie mentale intégrée dans les ordres cosmiques et les strates du social, il plaidait pour une reconnaissance de la dimension sociale de la “ maladie mentale ” (Collomb, 1979, 1985).

L’œuvre de Collomb est celle d’un bâtisseur institutionnel et d’un inlassable chercheur. Sa plus grande réussite - j’entends par là une tactique en même temps qu’une construction de problématiques - fut de rassembler autour de lui un véritable laboratoire transdisciplinaire qui permit de penser l’énigme de la folie avec et contre tout modèle strictement médical.. Le Dakar des années 60 et 70 était déjà une mégalopole en pleine phase de mutations. Les symboliques atemporelles et les dettes coutumières étaient loin de réguler l’ensemble des liens sociaux et des constructions psychiques des Africains vivant dans cette grande cité. Déjà les adolescents qui se présentaient ou qui étaient adressés dans les consultations à Dakar présentaient des symptômes inédits ou inquiétaient par des agirs qui jamais ne pouvaient se laisser décrypter dans les termes d’un modèle coutumier d’inconduite. Ouvrons, par exemple, le classique livre des Ortigues “ Œdipe africain ” et nous voyons qu’il fourmille d’une clinique de l’adolescence qu’on chercherait en vain dans ce que définissent les nosologies traditionnelles.

C’est bel et bien à une clinique des effets des déracinements et des transplantations rapides que le service de psychiatrie, ses soignants et ses savants, avaient affaire. Flambaient alors les dites psychoses puerpérales, qui de psychose n’en avait que le nom (Douville, 1996; Douville et Galap, 1999).

Des jeunes mères dépliaient un onirisme halluciné, ce d’autant qu’aucun rituel d’accueil du nouveau-né dans le monde venait les signifier comme actrices et passeuses de filiations. La figure réciproque et emboîtée de l’enfant qui ne donne pas lieu à la mère et de la mère qui ne donne pas lieu à l’enfant résonnait dans l’effroi. Il faut souligner ici qu'à Dakar, comme ailleurs, le taux de psychose puerpérale était plus important concernant les mères primipares, les décompensations diminuant progressivement selon le nombre de maternités (Gueye, 1976, Durand-Comiot M.-L., 1977 ; Menick, 2005)

Une mère face à son enfant, terrifiée ou péniblement indifférente et perdue. Un enfant né à peine et déjà ailleurs dans un monde pas encore humain, dans des limbes où grimacent les aïeux et où les ancêtres redoublent de férocité : c’est dans un tel contexte que A. Zempleni et J. Rabain ont évoqué puis décrit la situation de l’enfant-ancêtre ( dit le plus couramment selon les termes Sérères ou Wolof l’enfant “Nit ku bon”).

Précisons les définitions. La figure de “ l’enfant qui part et qui revient ” est, en 1968, une pièce maîtresse de la thèse de A. Zempleni. La description précise est cliniquement hétérogène. S’y rassemblent des dysharmonies, sans nul doute quelques cas d’autismes, des phobies archaïques. Si nous nous penchons sur les stratégies thérapeutiques, certes toutes traditionnelles, dont ces enfants sont les objets, une grande diversité dans les savoirs faire et dans les techniques saute aux yeux. Le travail de Zempleni est passionnant, il montre non pas ce qu’est un “ enfant-ancêtre ” mais plus ce que libère comme possibles stratégies de soins individuelles et collectives l’établissement coutumier d’un diagnostic d’enfant-ancêtre. Il ne semble pas même que le terme de diagnostic soit si justifié. Qualifier un enfant de la sorte est au fond l’étape première, celle qui permet la mise en place de ritualités ou, mais ce n’est pas une constance, de consultations traditionnelles diverses.

Ce vocable désigne celui qui, dès son plus tendre âge, est absorbé dans une forme de conversation obstinée avec le monde des ancêtres, au point qu’il est supposé qu’un ancêtre reparle à travers lui. Les observations de Bonnet, qui datent de 1994, renseignent sur le fait que lorsque l’enfant a acquis le sevrage et l’autonomie alimentaire, et qu’il apparaît de la sorte comme « coupé » de la mère, les interprétations qui le réfèrent à l’ancestralité sont moins usitées, le sevrage reproduit aussi une coupure entre le monde terrestre et son au-delà, tant pour la mère que pour l’enfant. En deçà de ce moment tournant, les ancêtres seraient les partenaires privilégiés de l’enfant insevré , qui se chargent parfois de revenir à travers lui se manifester aux vivants. Il est parfois noté que ces enfants cherchent à se regrouper entre eux, formant des sous-groupes minoritaires, mais il faut tout de suite rajouter que de telles unités de repli n’ont pas fait l’objet d’observation spécifique ; c’est un produit de l’imaginaire social qui va produire la représentation d’une même classe d’âge rebelle ou juste indifférente aux procédures coutumières de l’apprentissage et du façonnage corporel. La théorie “ africaine ” ainsi exposée et définit l’enfant ancêtre , non sur le modèle d’un déficit mais en lui attribuant des qualités psychiques spéciales. De plus, il me fut souvent confirmé au Sénégal ou en Guinée le fait qu’il est redouté qu’un tel enfant ne meure aisément et de façon inexpliquée, sans que l’on ait pu repérer des signes précurseurs nets de ce décès. L’anthropologue A. Zempleni avait, il y a longtemps, fait le même constat sur lequel nous reviendrons. Déjà nous conviendrons que l’exportation de la catégorie d’enfant-ancêtre dans le domaine de la psychopathologie des familles et des enfants relève ici en France d’un véritable tour de force, très peu justifié.

Pour intéressante que soit la donnée anthropologique et pour nécessaire aussi que soit rappelé que la désignation d’un diagnostic suppose des interactions et parfois des négociations entre des systèmes de représentations autochtones et allogènes (Douville et Galap, 1999), il n’en reste pas moins vrai que la mention de l’enfant-ancêtre, tout en partageant un certain nombre de traits communs d’une culture africaine à une autre (notamment les troubles du sommeil, le retrait et l’absence de prise en charge du jeune par les systèmes éducatifs et/ou initiatiques) n’en renvoie pas moins à des chaînes associatives et à des champs sémantiques très divers. De plus, ce terme ne désigne pas seulement un enfant vivant posant un certain nombre de problèmes sanitaires et éducatifs à ses parents et à son entourage. En effet, l’appellation d’enfant-ancêtre (qui est plus qu’un syndrome en ce qu’elle désigne aussi l’attitude collective que le groupe doit observer par rapport à de tels enfants) peut être aussi un scénario explicatif post-mortem. Ce terme peut donc subsumer des situations d’enfance et des destins de lignée assez divers. Entre l’enfant qui se présente comme le parent de ses parents et l’enfant qui meurt et revient, il y a plus d’une nuance, il y a toute l’épaisseur d’un fossé métaphysique. L’aspect funèbre de cette appellation (qui transcende et rend dérisoire toute réduction syndromique et comportementale) est particulièrement mis en lumière dans le très beau texte de H. Collomb, paru en 1974, “ L’enfant Dji ” (autre nom donné à l’enfant qui part et qui revient). S’y désigne ce rapport particulier à la mort des enfants (et, de ce fait, à l’enfant mort) chez des mamans sénégalaises qui perdaient plusieurs enfants de suite. La théorie consolatrice réduisait cette succession de décès à la présence d’un même enfant qui faisait la navette entre le monde des vivants et le monde des morts. Dans le même ordre de constat N. Amani, professeur de médecine et psychiatre en Côte d’Ivoire, utilise l’expression d’ “ Enfant Houphouët ” pour désigner celui qui meurt et qui revient. Les cultures étudiée sont ici les cultures traditionnelles ivoiriennes Baoulé et Akan.

À compulser les écrits des psychiatres ou des psychologues, car de nos jours très peu d’ethnologues travaillent cette question, on rencontre un véritable éparpillement terminologique et sémantique de cette notion d’enfant-ancêtre; à chacun son enfant-ancêtre, serions-nous tenté de dire ! Amani toujours note, sans s’y attarder, que les Serer du Sénégal utilisent encore le terme de Da Paxer.

“ Da Paxer ”, “ Nit ku Bon ”, “ Dji ”: les vocables se succèdent les uns aux autres, les terminologies se côtoient. Aucune analyse linguistique poussée n’a été tentée, du moins à ma connaissance. Ce modèle s’hypertrophie. On voit même, chez T. Nathan, dans un effet de généralisation qui donne le vertige, des cas d’enfants kabyles décrits comme des enfants-ancêtres.

Parvenu à ce point de généralisation où tout s’essouffle à force de s’équivaloir, la catégorie considérée se démembre et se redistribue sur deux plans :

soit la tautologie selon laquelle est enfant ancêtre tout enfant à propos de qui on puisse affirmer qu’il est “ parent de ses parents ”.

soit une analyse fine, mais alors strictement anthropologique des rites coutumiers dont bénéficie une mère qui a l’infortune de perdre plusieurs enfants de suite, le dernier-né survivant a alors la “ réputation” évidemment métaphorique d’incarner les enfants aimés et perdus. Ces recherches anthropologiques qui portent sur ces rituels de réparation (Eschliman, 1982, Lalleman, 1993) sont utilisées sans grande prudence par les psychiatres et les psychologues africains qui tentent encore de parler d’enfant ancêtre.

Dans un cas comme dans l’autre la cohérence syndromique se volatilise au point que l’on peut se limiter à une définition, très vague et bien trop floue mais au moins exacte et prudente, que nous tenterons de cerner.

Résumons. Les rationalités traditionnelles se centrent sur la façon dont une famille accueille son enfant, dont un lien social accueille et les enfants et les parents. De plus, elle se doit d’imaginer et de figurer la façon dont le tout nouveau-né accueille et adopte le Monde. Ce croisement entre deux actes d’adoption figurés par les rituels peut ne pas s’effectuer, l’enfant refusant sa mise au Monde, par exemple; le monde incapable de le protéger contre des sorts, encore un autre exemple. Alors ce “ trou ”, cette faille de l’office d’un tiers faisant passerelle entre la mère, l’enfant et la mort, devient l’objet d’une nomination. Le nouveau-né, ou l’enfant ensuite grandi (et il faudrait mieux comprendre les âges et les temps de cette nomination, la mise au travail préalable à cet acte de nomination) est désigné comme enfant ancêtre. Cette opération est souvent le prélude à la mise en scène de ritualisations qui surdétermine la force et la générosité de la puissance adoptante. Il en est ainsi du rituel Kagan décrit par Eschliman où une “ vieille ” qui a parlé à l’enfant, l’a scarifié discrètement puis a fait mine de le brutaliser et de le menacer de mort, consent peu après cette mise en scène à le vendre à une autre femme qui va racheter l’enfant pour le ramener, enfin, dans la maison de la mère. D’autres rites consistent à isoler transitoirement l’enfant et à le “ placer ”, d’autres encore, à attribuer à l’enfant un nombre conséquent de “ marraines tutélaires ” qui font mine de l’insulter et de se moquer de lui pour conjurer le mauvais œil. L’énumération serait longue et non probante Elle rassemblerait, dans le désordre, des gestes prescrits et des vocables différents selon les champs culturels et qui renvoient à des univers sémantiques difficilement renversables les uns dans les autres. On voit quel effet d’accélération assez risqué va venir positiver cette notion, qui n’est le plus souvent rien d’autre qu’un mot-valise, dans le sens d’un diagnostic applicable à de nombreux enfants de familles issues pour la plupart de divers pays africains, de divers peuples de ce continent, et qui sont loin de donner la même acception à cette notion, ni la même centralité.

J’ose cependant proposer un premier repérage. L’enfant ancêtre est bien une nébuleuse pratique qui désigne :

Des particularités psychologiques et physiques très composites (allant de signes d’autisme à la phobie précoce) ;

- un rapport précis entre la présence du nouveau-venu qu’est l’enfant et celle du dernier parti qu’est le dernier mort de la famille. On trouve là un fond de théorie à rationalité traditionnelle qui boucle le temps de la génération qui vient sur celle des générations précédentes. Cet axiome correspond à une logique qui suspend le temps et découpe l’ordonnancement des parentés et des lignées (Lutz-Fuchs D., 1994), il ne convient pas de l’aborder avec un surplus d’imaginaire qui renverrait à des modèles propres au fantastique “ gothique ” européen ;

- une disposition du groupe qui, par le prisme de l’enfant, tente de s’adresser sur le mode du sacrifice de réconciliation à l’ancêtre peut-être mal honoré qui fait ainsi retour. Le groupe, en sur-codifiant les mondes auxquels appartient l’enfant, re-désigne les opérations de passage entre mort et vie, entre matrie et famille puis entre famille et lignages, entre lignages et sociétés, enfin.

- Une théorie consolatrice dans des processus de deuil lorsqu’il y a succession de morts d’enfants. Bien évidemment la façon dont chaque mère adopte et fait de ses théories le matériel de construction d’un ouvrage de deuil est loin d’être identique d’une femme à une autre même si elles sont de la même culture, du même village, de la même famille etc. Il est nécessaire, où que ce soit, de disjoindre le pattern culturel de la causalité psychique, sauf à retourner à des pratiques d’influence et de suggestions mortifères. On se rend aisément compte que le bénéfice de cette théorie, qui fait des enfants morts une figure récurrente de l’enfant revenant, brise la relation duelle mère-enfant, interposant entre elle et eux la tiercité de l’ancêtre.

Nous sommes instruits par la prodigieuse habileté des cultures africaines à faire jouer, dès les premières relations de l’enfant, du manque et du symbole, et avertis de la de leurs stratégies de séparation et de coupure/lien entre une jeune accouchée et son bébé. Les rituels de naissance peuvent souvent avoir des incidences sur le psychisme. Il est à craindre que si l'accouchement n'est vécu que comme une rupture débouchant sur une dépossession, alors l'angoisse de mort s'exprimera par une projection sur l'enfant et se dira sur le mode de la persécution. L'interprétation de cette séparation par le rituel ne suffit pas, il faut de plus que l'expression d''une construction psychique soit favorisée par le rite. Ainsi peut s'expliquer le lien fréquent que constatent les cliniciens entre psychose puerpérale et thématique de l'enfant-ancêtre. On créditera alors la crise puerpérale, si elle est entendue et interprétée, de permettre à la mère de reconnaître comme sujet l'enfant qu'elle a mis au monde et de pouvoir se représenter son absence à l'intérieur de son corps.

Les fonctions psychiques que les rituels étayent visent à distinguer et articuler les opérateurs généalogiques, non seulement en séparant puis reliant l'enfant à sa mère mais en séparant celle-ci de sa propre mère. Elle devient une mère parmi d'autres. En ce sens les dites psychoses puerpérales seraient le contre-jour des opérations psychiques que le rituel évoque, et notre hypothèse seraient bien qu'elles ne valent pas pour un épisode visant à appeler le marquage de ces différentes places, voire à appeler une distinction de celles-ci. Quelle figure du féminin et de la transmission peut se symboliser lors de la résolution de tels épisodes ? En quoi l’enfant s’il est pris d’abord pour une étrangeté de hantise devient une altérité qui peut s’inscrire autrement que des filiations coutumières ? Quelle place faire alors à la supposée culture d’origine afin de mieux situer notre écoute sans pour autant céder à ce qu’aurait de réducteur, ou même de cruel des assignations obligées à des prescriptions supposées traditionnelles. Ces questions se posent encore aujourd’hui dans les contextes des grandes villes africaines où les rapports à l’ancestralité sont en plein bouleversement mais aussi et encore dans des contextes d’immigration, comme le montrera l'exemple ci-dessous.

La rencontre clinique, ici

Il va de soi que l’exportation du modèle de l’enfant-ancêtre dans des contextes d’immigration ne va pas de soi. Et des familles en exil qui désignent (c’est heureusement rare) ou entendent et voient désigner leur enfant comme un enfant-ancêtre sont, plus qu’ailleurs, sensibles à l’impact morbide que charrie aussi une telle notion, dans la mesure où un enfant ancêtre est aussi un enfant donné aux morts plus qu’aux vivants . S’il est à noter que la désignation d’un enfant comme “ enfant-ancêtre ” est très rare en Afrique (sauf lorsque les modifications pathogènes du lien social et les anomies favorisent des vécus dépressifs et persécutifs s’accompagnant de stigmatisation), en France, le terme d’enfant-ancêtre fait l’objet d’une promotion ethnopsychiatrique de choc. Au point que cette désignation, patiemment recomposée par les recensions ethnographiques et toujours manipulée avec les plus extrême prudence chez les tradipraticiens, est en passe de devenir un cliché sous lequel on range au plus vite très et trop aisément les enfants de migrants africains en retard dans leur mode d’expression et de socialisation. Le succès assez important que rencontre l’ enfant-ancêtre ici et tout particulièrement en banlieue parisienne - bien plus donc qu’auprès des cliniciens et des tradipraticiens africains travaillant en Afrique de l’Ouest, par exemple - m’amène à tenter de préciser en quoi cette notion fourre-tout peut fonctionner comme un véritable piège pour la réflexion et l’action thérapeutique. Je prendrai ici comme argument que le plus souvent l’enfant dit enfant-ancêtre est le dépositaire de l’infantile maternel, qu’il est en quelque sorte la part non traduite, non transcrite du rapport à l’origine que tentent de tisser de nombreuses mères africaines en terre d’exil, que ce soit l’exil extérieur vers des pays européens ou “ intérieur ” vers des mégapoles africaines. Il est à regretter que la catégorie “ enfant-ancêtre ” soit souvent positivée sans prudence aucune et prenne tant une valeur d’argument. Tiendrait-on enfin un tableau clinique intact de toute influence occidentale, rendu compréhensible par des termes hérités des nosologies traditionnelles et devant être envisagé et traité comme tel ? La continuation de l’héritage de Devereux aurait pourtant pu être plus intéressante intellectuellement et davantage prestigieuse. La visée restait celle des idéaux des Lumières: participer, tant du côté du soignant que du côté du soigné, à une mise en acte d’une culture universelle qui s’exprimerait localement par des codes particuliers mais susceptibles de se reverser les uns dans les autres, de se traduire, bref, de se faire signe. La clôture identitaire n’était pas tenue pour un bien ni pour une condition de travail mais bel et bien pour une obscénité. Pour Devereux, chaque être humain s’il est un échantillon complet de “ sa ” culture devient, en raison de ce présupposé, un représentant de l’humanité entière.

Le vœu, dont nous n’avons pas à nous gausser, que les connaissances anthropologiques puissent aider des soignants dans leur travail clinique avec des patients qui leur seraient étrangers peut aujourd’hui sembler assez naïf. Un psychanalyste ne peut entièrement concevoir que son acte renvoie à des spécifications, à des différences, il ne saurait, non plus, tout à fait accréditer l’idée qui réduit l’étranger à l’exotique

Je plaide ici pour une conception “ œdipienne ” du sujet qui en fait aussi l’héritier d’histoires singulières composites où des lignées et des références plurielles se rencontrent, se croisent et luttent parfois l’une contre l’autre. Je ne tiens pas d’un point de vue clinique à réduire l’enfant venu au Monde nouveau à un élément absolu d’une cosmogonie ancestrale. Ceci est, bien entendu, un point de vue cliniquement engagé. Il est, en revanche, parfaitement compréhensible et même souhaitable qu’un anthropologue cherche, lui, à objectiver la place de l’enfant mythique comme carrefour des représentations cohérentes au regard de la structure mythologique et cosmique.

De retour d’une de mes nombreuses missions à Bamako, je faisais remarquer à mes étudiants à quel point il est fréquent que dans des familles bambaras on nomme un enfant, souvent le dernier-né, “ père ” ou “ mère ”; cela ne fait nullement de lui un enfant parasité par le redoublement de gourmandise d’un ancêtre venant dérober son fonctionnement psychique au fonctionnement banal caractéristique de la communauté des vivants.

Mais ceci ne peut être qu’un détail, et qui n’apporterait pas grande objection, si sur des faits aussi ténus, on ne parlait pas si aisément en France d’ “ enfants-ancêtres ” !

Il nous faut aussi, afin de poursuivre l’examen critique de cette notion, nous orienter vers l’anthropologie clinique et politique. En 1968 donc, Zempleni décrit avec minutie et rigueur les modèles étiologiques et thérapeutiques propres aux Lébou et aux Serer qu’il a su rencontrer. La thèse est passionnante et mérite d’être lue in extenso. Nous examinerons ces thèses au regard d’un point d’importance pour l’anthropologie de l’Afrique Noire : l’apport de Balandier. Selon Balandier, les faits observés par l’ethnologue ne sont pas des manifestations atemporelles du trésor de la tradition, ils ne viennent pas de la nuit des temps, ils ne surgissent pas telles des floraisons d’une structure introuvable et profonde, mais sont entièrement pris dans des contextes coloniaux. De même qu’avec Bourdieu, qui substitue à la notion de règle celle de sens pratique, les règles de la parenté de Lévi-Strauss deviennent des stratégies matrimoniales et des usages sociaux. Je signalerai toutefois que ces travaux ont relativisé grandement la thèse qui fait des structures élémentaires de la parenté une structure première. Les formes de la parenté dépendent aussi des contextes économiques et politiques. Dans le droit fil de cette anthropologie il a pu être établi que la position de l’enfant est plus complexe encore que ce qu’une lecture des logiques traditionnelles des croisements de lignée pouvait déduire.

L’enfant et la violence politique

Résumons alors :

Il n’est pas question de supposer la moindre correspondance directe entre un mythe et un rite. C’est là l’enseignement structurel indépassable. En d’autres termes le code culturel qui désigne tel ou tel enfant comme “ enfant-ancêtre ” ne donne pas ici ou là la même prescription thérapeutique. De même que les mythes d’une aire culturelle s’articulent à des rites propres à une autre aire et s’expliquent en tenant compte de cette dissémination, de même le code culturel étiopathogénique ne renvoie pas à une même ritualité thérapeutique ici ou ailleurs. C’est dans une constante ignorance des données de l’anthropologie structurelle qu’il peut être postulé une unité de lieu et de temps faisant se jouxter solidairement mythe et rite, diagnostic coutumier et soin spécifique.

Enfin, si la notion d’ “ enfant-ancêtre ” désigne une façon d’inversion des générations, c’est alors une notion qui va très vite connaître une inflation ne renvoyant en rien à l’expression d’un fonds traditionnel. L’amplification du phénomène de réduction de la génération qui vient à celle des ancêtres prend son essor avec les coups fatals portés à la vie coutumière. Elle accompagne les violences urbaines, les guerres, les désocialisations, les éclatements des régulations anciennes. Il serait naïf et sot de notre part d’espérer remonter conceptuellement à l’ordre symbolique propre à une communauté villageoise stable, du moment où il nous est présenté un supposé enfant-ancêtre, pour comprendre et soigner ce dernier. Aussi, le premier et principal problème que nous pouvons rencontrer en Afrique, à propos des enfants stigmatisés, est celui de l’évolution pénible de la catégorie d’enfant-ancêtre vers celle de l’enfant sorcier.

La situation problématique de cet enfant stigmatisé, dans nombre de grandes villes africaines, est, aujourd’hui, une réalité préoccupante pour les politiques de santé. Ainsi, la stigmatisation d’un enfant comme enfant sorcier si cet enfant est errant, s’il est mal inscrit dans son périmètre d’existence, est-elle trop courante à Kinshasa, comme en attestent les travaux de J. Le Roy et d’A. N’Situ. Les repères s’affolent et les mythes s'effilochent. En effet qu'est-ce qu'un mythe ? A ne considérer le mythe que comme un récit on en oublie qu'il est avant tout un modèle logique pour résoudre une contradiction. Les logiques des constructions des mythes sont les suivantes. Tout mythe procède en intercalant des termes moyens entre des termes diamétralement opposés. Le mythe présente le chevauchement des frontières entre les mondes masculins et féminins entre les vivants et les morts, entre les humains et les grands esprits mais afin de bien faire consister, in fine, les antinomies. Tout passage d’un vivant dans des espaces contrastés, et d’abord la naissance qui fait passer, du dedans au dehors du corps maternel se raconte par une solidarité du mythe et du rite ; ainsi nous n’observons pas de rite de naissance qui ne se double d’une célébration narrative et /ou chorégraphique d’un mythe d’origine, et donc de séparation. La parole des mythes, la voix des mythes plus précisément séduit les humains et les prépare aux sacrifices (par exemple, l’enterrement du placenta et l’attribution d’un nom possiblement donné au placenta). Le mythe qui est un « pousse-au-rite » invite à un retour à l’indistinction originaire entre les morts et le vivants, les animaux et les humains, afin que se rejoue dans le rituel la mise en séparation et en distinction de ces registres autrefois condensés. On verra alors que célébrant la naissance par une inhumation, il fait du vide le lieu d’accueil du placenta, ce qui signifie alors que le ventre maternel ne saurait être confondu avec ce vide, que le ventre de la mère n’est pas la sépulture du double de l’enfant mis au monde. De là un aspect puissamment anti-mélancolique de cette conjonction entre rite et mythe. Venons en maintenant à l’actuel. Le mort et le vif sont en état d’instabilité et presque de contagion. C’est ce qu’on peut ressentir lorsqu’on a le sentiment que sa vie ne vaut rien car celui qui peut vous tuer sans raison apparente peut le faire en toute impunité. Souvent, et nous sommes là bien au-delà de la seule dimension de la naissance, les zones sociales ou culturelles soumises à la violence de la guerre civile, à la menace génocidaire, connaissent pour figurer ce traumatisme de la disparition des traces de l’humanité de l’homme la tentation d’exhumer par l’occulte et le funèbre ces figures où vie et mort confondent leurs eaux dans l’étreinte, sorcière. Les pratiques violentes de sorcellerie valent comme une quête désespérée et parfois jouissante de s’approprier le pouvoir de la mort, de figurer le travail de la mort dans son aspect le plus réel. Aspect qui fait de la mort non un horizon ou un au-delà, mais un objet, une force de contagion. Cette forclusion du symbolique interdit toute anticipation et tout travail de génération, tant elle obère la pensée de l’absence comme bien symbolique. En ce sens les générations sont comme repliées les unes sur les autres. Confusion du vif et du mort et impossibilité de compter trois génération, cela va ensemble. Aussi cette contagion entre la vie et la mort fit que des termes qui organisent les espaces traditionnels, l’ancêtre et le sorcier, se confondent et se condensent en une synthèse qui accable l’enfant. L’enfant d’ancêtre, devient sorcier. Le glissement est d’importance, car un ancêtre ça se nomme, ça peut représenter un fragment de l’histoire des lignées. On peut l’évoquer et entreprendre avec lui un dialogue, des médiations. Il ne désire pas fatalement la destruction de qui l’a reconnu à travers les traits de l’enfant, dit Nit Ku Bon. Le sorcier, non. Il est la part inimaginable, maudite, sans espoir qui colle aux malheurs des lignées. L’accolement de ces termes d’enfants et de sorciers est la résultante d’une catastrophe dans la fabrique et al transmission symbolique des mythes car ce que le mythe écarte le plus, la différence entre le mort et le vif, soit une différence soutenue par celle qui oppose « normalement » le sorcier et l’enfant. C’est alors qu’une logique de l’étendue qui associe les humains et les génies se trouve télescopée avec une logique de la durée qui associe les humains et les ancêtres. Des familles désarrimées, des rivalités non médiées sont des facteurs qui impliquent des “ pannes ” dans la transmission culturelle. De plus, des partitions anciennes, propres à régir et conforter les fondations de l’espace et de la durée, s’effaçant, le groupe familial ou sociétal ne se vit plus dans le reflet du monde. La génération qui vient surgit comme antagoniste.

L’ancêtre et le génie sont alors confondus, de plus en plus fréquemment. À Kinshasa, Le Roy repère des mutations du principe d'ancestralité. Aujourd'hui prolifèrent autour des enfants, le plus souvent, un accroissement morbide et inquiétant des thèmes d'enfants-sorciers, possédés, anthropophages. Or, l'accusation d'anthropophagie est la plus redoutable de toutes, elle peut frapper post-mortem. Chez les Bamiléké étudiés par de Latour tout comme dans l'ex-Zaïre, à Douala tout comme à Kinshasa, cette accusation est terrible et terrifiante. Pourquoi donc assistons-nous aujourd'hui à une telle variation morbide de ces thématiques de dédoublement, de possession et à propos d'enfants ? La question est très ouverte.

Enfin, nous pouvons nous demander si cette profusion d’enfants-ancêtres déjà constatée en 1968 à Dakar n’est pas dépendante d’un contexte politique et social global qui met à mal les équilibrages lignagiers et coutumiers. Les recherches en anthropologie politique mènent à considérer que ce que représente l’enfant, comme nouveauté, et comme rappel de ce qui est refoulé dans chaque lignée peut être différemment insistant selon que les familles et les groupes se vivent comme réglés et apaisés par une stabilité programmatique à la tradition, ou non.

D’autre part, nous devons considérer comme symptomatique non seulement le fait qu’il y a de l’ancêtre dans l’enfant, mais aussi et encore du sorcier et que cette cohabitation inédite est alors le signe d’un affolement des sujets par rapport à ce qui organisait le rapport à la naissance et à la mort. Les ancêtres ont une fonction continue. Ils deviennent ancêtres après leur mort et fonctionnent dans un monde qui est en reflet du monde des humains. À l’inverse les sorciers occupent une fonction discontinue. Ils font brèche et sur-individualisent celui qui les porte au risque de la folie.

Clinique : Coumba et l’ancestralité

Coumba est une fillette de huit ans. Je la reçois avec ses deux parents, dans mon cabinet de psychanalyste parisien. Le trio me fut adressé par des amis restaurateurs que j’ai, à Barbès-Rochechouart, dans le XVIII° arrondissement de la capitale. Il n’y a, bien évidemment aucun co-thérapeute, stagiaire, ethnologue d’occasion à m’assister dans ce travail. Je fais le pari audacieux que je peux recevoir des patients africains sans créer le moindre dispositif “ spécial ” à leur attention. J’affirme assez résolument que je ne partage pas la conception qui réserverait aux seuls patients occidentaux la possibilité d’avoir un accès à leur division subjective et à leur incomplétude. Je ne pense pas non plus que l’interprétation ait fonction de restaurer le sujet dans une mythologie spécifique.

J’avais affaire à un couple divisé, comme bien des parents le sont, où que ce soit. L’enfant est décrit comme un peu isolé des autres, constamment accroché à la main de l’adulte et il serait violent. Madame est d’origine guinéenne, Peuhl du centre du pays, et elle a rencontré Monsieur, qui malien habitait la Sierra Léone. La petite fille est fragile, frêle, elle parle peu, sourit beaucoup, et se blottit dans un coin de mon bureau. On parle de sorcellerie et de sort jeté, sans doute pour deux raisons : d’une part c’est une façon assez ordinaire d’aborder le récit des difficultés et des soucis, d’autre part, la plupart des patients africains connaissent bien le voyeurisme occidental et la gourmandise de nombreux psy à absorber des histoires un peu exotiques et un peu funèbres. Comme de nombreux patients africains, les deux parents ne réagissent en rien par de l’effroi à l’idée qu’un sort est tombé sur l’enfant et l’a rendu enfant-ancêtre. Allez vous promener dans un village d’Afrique de l’Ouest et vous constaterez aisément que la personne à qui l’on annonce qu’il est victime d’un mauvais sort ne réagit pas par un traumatisme, mais par des réactions d’indignation, assez sthéniques, furieuse le plus souvent, contre l’injustice qui lui est faite. Dans le cas de la petite Coumba, une condensation a produit cette désignation d’un sort jeté. Un guérisseur du Fouta Djallon (centre de la Guinée) a parlé d’un sort. Ici selon ce que me disent ses parents, une clinicienne convertie à la nouvelle ethnopsychiatrie des banlieues a convoqué la figure passe partout de l’enfant-ancêtre. Un stagiaire africain a reconnu le sérieux de la désignation - “ l’enfant-ancêtre ” fait partie des lectures obligatoires. La science a donc tranché.

Une stigmatisation de plus au risque que l’histoire singulière soit noyée sous la présentation d’une nosologie typique. Ce que rajoute immédiatement Monsieur, revenant aux aléas de sa propre existence, est que le sort est tombé sur l’enfant alors que c’était un sort destiné qui lui était destiné, lui le père. Comment le sait-il ? Certainement pas au terme d’une enquête, ni par de compliquées déductions fondées sur l’observation précise de son enfant. Un secret l’accable, c’est-à-dire un secret encore impartagé. Ce qu’il me dit là et qui surprend son épouse est qu’il se croit voué à un châtiment et qu’il redoute que ce sort ne soit que momentanément posé sur la tête de l’enfant. Qu’avait-il transgressé ?

Depuis qu’il a quitté la Sierra Léone, il est sans nouvelles de son jeune frère. Où est-il ? A-t-il été pris dans les terrifiantes violences de la guerre civile ? Son frère fantasmé comme possiblement mort (et c’est loin de n’être qu’une supposition furtive et infondée) peut être mis à la place d’un enfant donné pour mort. Un sort aurait été jeté sur Monsieur, qui frapperait le premier de ces enfants à venir. Ce sera la petite Coumba. Poursuivant son récit, le père raconte qu’il aurait été forcé d’épouser sa femme, qu’il fallait ainsi qu’il construise une union, à peine était-il rentré au Mali. Qui l’aurait forcé de la sorte ? Un oncle paternel répond-il, sans certitude aucune. Il n’est pas question de discuter plus avant avec lui les relations de parenté et d’autorité “ bambaras ”. Lorsque cet homme raconte cette décision, il exprime nettement à quel point lui, l’exilé, le fugitif, aurait bien eu du mal à nouer alliance avec une femme tout à fait autochtone. Une liaison avec une étrangère lui permettait de ne pas se vider du vécu de son propre exil, du vécu de sa propre étrangeté. Nous en restons là avec lors du premier entretien.

Par la suite, c’est-à-dire deux jours plus tard, je les reçois à nouveau. Je parle au tout début de la séance et énonce à la fillette « j’ai compris qu’il y a quelque chose qui t’agite Coumba, c’est ce qui fait peur à ton Père et aujourd’hui ta mère va nous dire comment elle a entendu ce qui s‘était dit la fois dernière où vous êtes tous venus me voir, moi je serai là et je vais demander à tes parents la permission pour toi que tu puisses dire ce que tu veux à n’importe quel moment ». Les liens vont se tresser autrement entre cette femme et son époux. Elle objecte sur le terme de “ forcé ” pour désigner l’union. Elle rajoute alors que l’oncle n’a pas forcé monsieur à faire un enfant « cette fille là, tu l’as bien fait cette fille là » dit-elle nettement. Réagissant au quart de tour, Coumba se laisse tomber assez rudement sur le tapis, me décrochant un regard. Sa mère et moi la relevons, le père est figé et il semble pris d’inquiétude. Vivement, Coumba se tourne vers lui sourit et balance à ses pieds un morceau de tissu qu’elle tenait jusqu’à présent serré contre elle. J’incite Monsieur à ramasser ce morceau de linge, un mouchoir torsadé en tous sens. La mère me semble alors cette personne et ce corps dont l’enfant chute vers un vide sans fin jusqu’à ce que quelqu’un, un tiers, soit mis en place de séparateur : ici un homme est mis en place de celui qui trouve son compte d’avoir fait un enfant à cette mère. Entre une mère complète, trop complète, Autre peu entamé et une absence radicale, Coumba se perd, un vide : et sont geste se coalise en surgissement d’appel. La mère dans son appel au Père présente le fait qu’elle est divisée. Et elle parle, très émue. Elle confie alors, ce qui est tout à fait bouleversant aussi compte-tenu des vives réserves de pudeur qui existent dans la civilité africaine, qu’elle a toujours eu peur de perdre l’enfant quand Coumba était “ endormie ”dans son ventre. C’est là une expression très courante. Rares sont les mamans africaines qui parlent d’emblée des mouvements de l’enfant dans leur ventre. Toutefois, et à partir de cette expression qui ne doit pas alarmer le clinicien occidental, il est possible de dialoguer sur le vécu de la mère pendant la grossesse. Aussi je demande à la mère de Coumba « et vous quand vous dormiez, Coumba restait endormie aussi dans votre ventre ? » La réponse ne se fait pas attendre « Elle devait bouger, je rêvais d’elle, je rêvais qu’elle me parlait, qu’elle chantait ». J’associe « Comme si elle vous berçait », la maman rit « Un peu oui… mais ensuite je n’ai plus rien entendu, plus rien senti pendant des semaines avant qu’elle sorte » Nous pouvons alors parler de la naissance de l’enfant, de ses premiers cris, de ses premiers rires. La petite Coumba écoute, c’est même qu’elle est formidablement concentrée sur ce flot de parole, plus qu’happée par lui. Notre entretien va durer au moins deux longues heures. Madame revient sur la désignation d’enfant ancêtre. De retour à la maison et repensant à ce verdict asséné sans médiations, elle fut prise d’intenses nausées. Et de vertiges. Tout en craignant de faire preuve d’un manque de tact flagrant, je lui dis, à ce moment là, Coumba étant venu se poser contre mon fauteuil et chantonnant un peu une douce mélopée de bercement, que ses vertiges et ses nausées évoquaient ce que ressent une maman qui attend un enfant. Madame de poursuivre alors que c’était précisément l’absence de toute perturbation de cette nature qui lui fit peur à la fin de sa grossesse. Elle se tourne vers moi et me dit qu’elle se demandait si une maman qui ne sent pas trop bouger l’enfant qu’elle attend dans son ventre et n’a pas de nausées ou de vertiges peut fabriquer un enfant-ancêtre. Il me fallait faire entrer le père dans les échanges. Aussi demandais-je à Monsieur si sa femme lui racontait ses rêves. Et là, soulagement pour un psychanalyste, ni l’un ni l’autre n’avaient renoncé à l’habitude de se dire ses rêves. Moi qui avais le sentiment d’être sans boussoles aucune, je me sentis autorisé à demander si l’un ou l’autre se souvenaient des rêves que faisaient la maman pendant la grossesse. Viennent des rêves simples et presque limpides que Madame va narrer, tout en demandant à son époux s’il se souvient qu’elle les lui confia naguère. Ce qu’il confirmera. Rêve dont le plus typique est celui-ci. La mère se vit d’abord comme une adolescente perdue dans une piste de brousse qu’elle ne connaît pas. On lui a demandé d’aller puiser de l’eau. Elle s’égare. Et entend une voix enfantine qui parle une langue incompréhensible. Ce qu’elle sait c’est que c’est un appel. La voix est présente, obsédante presque. Elle lutte contre le réveil. Un rêve lucide, dit-on, pour désigner ces sortes de rêves où si le rêveur sait qu’il rêve il se pose la question de son réveil, soit pour le hâter, soit pour le retarder. Là elle lutte pour ne pas se priver de ce qu’elle attend des fruits de son onirisme, elle rêveuse et rêvante, soit, en la circonstance, toucher et prendre contre elle ce corps qui se lamente ainsi. Un corps d’animal aux yeux clos, qui finit par se transformer en nourrisson savant et humain. Ce n’est pas tant la transformation d’un corps souple et animal en corps de nouveau-né qui la rassure que le passage clair qu’opère le rêve en faisant passer la plainte continue et obsédante au registre de la parole, de l’articulation.

J’interprète ainsi, en précisant tout d’abord que, dans mon métier, on porte une grande attention aux rêves - ce qui les fait rire, car cela existe aussi dans les villages et les villes africains des hommes qui portent une vive attention aux récits de rêves, c’est même une vieille tradition - j’interprète donc : « Vous rêviez à partir de ce que vous entendiez et ressentiez physiquement de cet enfant qui n’était pas endormi alors quand vous dormiez », puis « après quelques échanges autour de cette phrase de bon ton : « Ce qui vous fait peur dans ce rêve, mais il y a la force d’aller au bout de cette peur, c’est que la parole de l’enfant est incompréhensible comme s’il n’était pas né dans le berceau de la parole ». Et là Madame de dire que c’est bien elle enfant qui était restée mutique longtemps, et qu’autour de sa famille – et je suppose dans sa famille même- on pensait que son esprit avait été enlevé par un esprit. Il n’était pas « sorcier » ou plus exactement « ethnosorcier » de se rendre compte, à ce moment-là, à quel point le fait d’épouser un étranger, de repousser plus encore les frontières tempérées d’une exogamie coutumière, était prendre appui sur non seulement le stéréotype « viril » que pouvait incarner son mari, mais aussi sur un rapport à un autre féminin qu’elle trouvait chez cet étranger de mari. J’avance ici l’hypothèse que se savoir ou du moins se dire choisie par un homme étranger est aussi se savoir accepter par le féminin de l’homme qui n’est pas réductible dans le féminin des matries de sa propre lignée à elle. D’où l’importance de se savoir choisie, car c’est ainsi que débuta cette seconde séance. Je laissai encore flotter la conversation sur ce qui avait permis à l’un comme à l’autre d’avoir laissé place à du féminin non réductible à du maternel, après la naissance de Coumba, puisque, et je tourne là le dos aux stéréotypes sur la « mama africaine », il est fondamental que le féminin de la femme ne disparaisse pas entièrement sous l’évidence de l’accouchement. Coumba, tranquillement, s’était à la fin de la séance assoupie.

Au troisième entretien, le couple abordera les ententes et les mésententes du quotidien, puis les reproches très longtemps tus. Monsieur dit de son épouse qu’elle reste toujours prisonnière de son pays, qu’elle est constamment en nostalgie et qu’en douce elle parle Peuhl à l’enfant, que lui ne comprend rien. Le voilà exclu d’une complétude de bouche à oreille. Il se “ fatigue trop ” à vouloir que sa fille le salue en Bambara. Bien sûr il surnomme sa fille Coumba “ La vielle ? ” (Moussokoroba) comme c’est souvent le cas au Mali mais il s’indigne qu’on ait pu prendre cela comme le signe que sa fille était contaminée par l’esprit ancestral. Il faut dire qu’à la différence de bien des choses écrites actuellement -et certainement pas à l’époque de Zempleni- nos amis africains savent faire la différence entre la transmission symbolique et la contamination imaginaire.

Le sort est tombé sur l’enfant, c’était un sort destiné qui m’était destiné dit le père à nouveau. En vérité, un vague climat sensitif qui s’est renforcé suite à la fuite de la Sierra Léone se cristallisa en scénario “ persécutif ” grâce à l’entremise d’un charlatan sénégalais du quartier de La Chapelle. Dans la vie de cet homme presque tout ce qui fait rupture est rapporté à la contrainte et à l’emprise. J’apprendrai dans les deux entretiens ultérieurs que si Monsieur aurait été forcé d’épouser Madame, il a vite dû partir en France trois ans après le mariage, deux ans après la naissance de Coumba. Or, la grand-mère paternelle de l’enfant, qui était resté à Bamako durant l’exil Sierra Léonais, et très proche de l’oncle en question, ne voulait pas de l’installation du couple en France ; selon elle, pour avoir des enfants en bonne santé il fallait, au couple, aller dans un autre pays limitrophe. Mais où cela ? Burkina ? Côte d’ivoire ? Rien n’est facile aujourd’hui en ce qui concerne les migrations internes à la sous-région de l’Afrique de l’Ouest. Par chance, le voyage en France a pu avoir lieu. Qu’est ce qui fait limite ? Bord ou passerelle entre deux frontières, entre deux sites. L’enfant lui, est la proie et la blason des nostalgies de l’un et de l’autre. Il condense ce qui doit être laissé au lieu que l’on quitte. L’exil en France ravive la perte du lieu, qui est plus que la perte d’un objet ou d’un être, l’abandon du site qui contient le familier des objets et des êtres. Pourtant les sites d’origine même étaient frappés de délabrement. Madame avait dû quitter la Guinée, la misère y était trop forte. Monsieur avait dû quitter la Sierra Léone, la violence s’y annonçait trop sévère. Nous savons tous ce qu’il en est devenu : l’un comme l’autre abandonnent un lieu frappé de non-retour. À ce moment-là, les ancêtres redoublent de virulence et d’appétits captateurs. Et l’exil ne relie pas les lignées, il les met en antagonisme. L’enfant a pris le sort à la place du père. Autrement dit, la métaphore paternelle reste erratique. La part inaccessible de l’enfant reste encore menaçante. Nous allons voir comment il se produit une traversée de cette part dangereuse.

Parler oui c’est nécessaire, mais c’est aussi déplacer le sort et perdre la sécurité que représente le mutisme de Coumba, la sécurité que la fille soit possédée à la place du père. Au cours de l’avant-dernier entretien, la mère pleure et dit que sans en avoir jamais parlé à son époux ni à qui que ce soit, elle envoie régulièrement à Conakry, des cassettes de magnétophone où elle parle de Coumba. Elle les adresse à un marabout. Ce dernier –ce qui ne surprendra que ceux de mes lecteurs qu’avertissent de l’Afrique une seule littérature psychologique- ne sermonne pas et ne donne aucunement d’indication relative à un statut d’ enfant-ancêtre. Il commente, donne des conseils éducatifs, préconise la visite à des psychologues blancs.

Lors du dernier rendez-vous, enfin, nous écoutons les cassettes qu’en retour envoie le marabout, la mère les traduit. Peu à peu Coumba, jusqu’alors refermée sur elle-même et prenant appui sur l’angle du mur ou sur les bras de mon fauteuil se détend, se met à rire, se détache résolument de cet angle de la pièce où de ce meuble, tout de même par mon présence et ma voix occupé, elle trouvait un refuge et un axe. Il sera question d’un sacrifice à accomplir pour régler cette question de sort, et c’est l’objet de négociation entre les deux parents, là encore sans le moindre horizon métaphysique ou occulte manifeste. Ce pan de réalisation symbolique se déroulera sans que je participe à la prescription là n’est pas mon rôle. De me mettre ainsi de côté par rapport aux tractations, aux négociations et aux commerces coutumiers est la seule attitude possible. Je n’entre pas ici dans le système des prescriptions et des dettes infinies. Coumba lors des dernières séances a demandé à écrire. Elle décida une fois d’écrire ce qu’elle nomme « une lettre ». Elle fait une enveloppe avec une feuille de papier, gribouille, et si je lui demande ce qu’elle a écrit, elle me dit qu’elle sait pas le lire (de fait ce sont de simples tracés). Puis elle plie en six cet écrit qui, comme toute lettre va trouver son destinataire. Cette lettre en main, elle va d’abord la donner à son père, puis à sa mère, finalement elle me la met d’autorité dans la poche de ma veste et me dit “ elle est pour toi, ”. “ Tu me la donnes donc ” fut ma réponse ce qui me permit d’indiquer ensuite qu’il y avait “ deux ” Coumba : Coumba qui s’était laissé tomber et Coumba qui prend et donne un objet. Il n’est plus uniquement question de corps captif ou de corps miroir, mais d’un jeu avec de la rature, de la lettre et de l’écrit, d’un jeu avec la trace, c’est-à-dire avec ce qui déchire l’imaginaire du miroir, le divise et l’oriente. Comprenons que ce sujet qui se vivait comme délaissée et chue de l’autre s’est repris en une signature, en un jeu de présence et d’absence, de mise en “ représentation ” donnée à l’autre. Je reverrai ensuite ce couple et l’enfant, puis parfois la mère et la fille, parfois le père seul –il est venu une fois avec Coumba.

Nous n’avons plus fait mention d’un enfant-ancêtre. Coumba est vivante et bien partante pour faire cheminement dans le monde des vivants. Continuer sur ce thème de l’enfant ancêtre aurait été pour ma part affilier la fillette à une seule lignée, à une seule ancestralité dont je serai devenu, la squattant, le représentant blanc, l’auxiliaire surmoïque.

Coumba était une présentification d’une nostalgie mélancolique, de cette part de l’infantile maternel et paternel qui n’avait pas été “ sacrifié ” symboliquement par l’un et l’autre parent. Ils ont renoncé très vite à croire à cette désignation, ce qui a pu contribuer à ce qu’ils affrontent eux-mêmes ce qui, de leur propre infantile les captivait bien trop. Coumba fit son chemin, elle inventa son système de signes, ses localisations de la peur, ses phobies.

Coumba a grandi, je l’ai revue pour la dernière fois il y a quelques mois, sa mère et elle passaient me saluer. Elle oubliera doucement, peut-être, le rêve où elle se trouvait enclose. Plus tard, dit-elle, elle sera chanteuse ou sportive de basket, ou chanteuse ou infirmière. Une petite fille tournée vers les clairs jours des rêveries de son âge.

Olivier Douville

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