Une apostrophe « muette ». Éléments de transfert et contre-transfert avec des analysants sourds

Par Martine Dethorre

« Il y a le même abîme entre "connaître les phénomènes" et "être la réalité" qu'entre "avoir une connaissance de la psychanalyse" et "être psychanalysé"».

W.R. Bion, Transformations.

Au long de son œuvre, Freud désignera successivement le transfert comme le danger majeur pour le travail analytique, puis, comme son « meilleur outil ». Il lui reconnaîtra également de constituer le champ dans lequel l'analysant peut « revivre » le passé, le repasser sur le métier, à la double lumière de ses fantasmes infantiles et actuels, au travers de la relation à l'analyste et à l'ensemble de la situation analytique.

Quelques années après Paula Heimann, dans un article écrit en 1953 intitulé "The meanings and uses of Countertransference", Heinrich Racker, propose de reprendre l'avancée de celle-ci sur l'étude du contre-transfert conçu comme dynamique pour la compréhension de l'analysant. Il identifie trois significations au contre-transfert : celui ci, nous dit-il, peut être considéré comme le danger majeur et un important outil pour la fonction d'interprète de l'analyste. De plus, « il intervient dans la manière d'être et le comportement de l'analyste, c'est à dire en tant que celui-ci est l'objet dans le revécu de ce nouveau tronçon de vie qu'est la situation analytique ».

Sans entrer dans une discussion sur les définitions possibles du contre-transfert, nous retiendrons autour de ce terme l'idée d'une élaboration chez l'analyste de la fusion du présent et du passé, d'entrelacs continus de la réalité et du fantasme, de l'externe et de l'interne, du conscient et de l'inconscient, qui donne au concept une dimension qui embrasse la totalité de la « réponse » psychique de l'analyste à l'investissement transférentiel du patient, dans l'asymétrie de la situation analytique.

En termes plus généraux, que se passe-t-il pour l'analyste face à un analysant ? Que vit-il, ressent-il, crée-t-il, avec lui-même et avec l'analysant, grâce ou à cause de cette relation et des fantasmes qu'elle ravive en lui ? Et nous ajouterons ici : qu'en est-il si l'analysant est sourd ? Et si la cure se déroule en français et en langue des signes ?

Une situation singulière

Si nous avons d'emblée introduit cet article par l'évocation du contre-transfert, c'est qu'il nous apparaît un passage, une brèche où nous faufiler pour rendre compte, de la place de l'analyste, d'une situation analytique inhabituelle, et ceci à plus d'un titre.

Singulière, cette situation l'est tout d'abord, comme toute relation analytique peut l'être pour un analyste avec chaque analysant, dans ce qu'elle remémore et re-crée autour de son propre matériau psychique, son refoulement, ses clivages.

Singulière, car elle suppose une certaine connaissance de la langue des signes, de l'histoire des sourds en tant que minorité linguistique et de leur culture, afin de mieux comprendre les enjeux identitaires et identificatoires des analysants, connaissance utile mais dont il sera nécessaire de se déprendre ensuite dans les séances. Savoir dont on s'imprègne pour pouvoir l'oublier…

Singulière aussi cette situation, car elle crée un entre-deux où la consistance, la texture des corps et des langues tiennent une grande place.

Singulière encore, car si l'analyste qui se risque sur des chemins nouveaux semble toujours « seul » avec son patient, cette solitude n'est jamais qu'apparente ; l'analyste est toujours encordé à d'autres, pères et mères, maîtres et pairs, analystes eux aussi, déjà passés par des terra incognita analytiques. Ces expériences constituent un héritage transmissible dans les transferts, grâce aux mots et à leurs limites, mais aussi par l'évocation de la pratique analytique de chacun.

L'encordage transférentiel de l'analyste qui travaille avec des sourds est plus lâche ; la pratique est récente, à peine une vingtaine d'années, les pairs sont peu nombreux, les maîtres absents.

Certes, Freud, Ferenczi, Lacan et Dolto ont fait référence ponctuellement aux sourds, mais aucun n'a tiré ses théorisations d'une pratique directe auprès d' analysants sourds.

Aussi l'écriture sur cette pratique prend-elle parfois valeur d'ancrage symbolique, de lignage : elle permet de communiquer et de transmettre pour rendre compte d'une expérience particulière, en aval, certes, mais aussi, d'écrire pour « s'assurer » en amont, pour constituer une chaîne dans le temps et l'espace qui permette de planter quelques pitons et de continuer d'avancer…

La métaphore de l'ascension évoque ici assez justement le vertige ressenti parfois face à la surdité et à la langue des signes, l'impression de perte de repères voire d'insécurité qui peut s'en dégager. Elle rend également compte de la difficulté et de la lenteur de la progression de la psychanalyse et des analystes dans une élaboration autour du travail avec les sourds.

Serait-ce un temps nécessaire pour s'imprégner et apprendre d'une expérience plus particulière qu'elle ne semble l'être ?

La langue des signes ne s'écrit pas ; elle s'évapore… ou pèse dans les cures. Comment prendre en compte sa face linguistique, mais aussi celle de sa consistance (corporelle, spatiale et kinétique) sans exclure l'une ou l'autre de ces dimensions ? Corps et langue, image de couple parental…

Comment inscrire psychiquement en soi la langue des signes, arrêter son mouvement ? Comment écrire à propos d'une langue qui ne s'écrit pas ?

Écrire comme pour s'arrimer à la langue française, à sa voix contenante et à son écriture ancestrale…

Mais l'essentiel se situerait-il dans le rapport au français, ou dans l'usage d'une langue, quelle qu'elle soit ? Dans l'universel ou dans le particulier, le familier ou l'étranger, le contenant ou le contenu ? Ou dans leur articulation spécifique dans le transfert, alliage particulier que crée la psychanalyse entre corps et langage.

La langue des signes est une langue, elle possède donc les capacités symboliques de transmission de toute langue. Même si celles-ci s'effectuent selon des modes de transmission « orale », sans écrit, d'où me viendrait cette sensation d'aléatoire, de disparition possible, d'absence de conservation de la langue des signes ? Une trace de pas sur le sable… fugace, fugitive.

Images d'une langue comme hors le temps car sans liens familiaux : pas de parent signant et transmettant sa propre langue à l'enfant sourd, c'est le cas de la majorité des enfants sourds isolés dans une famille qui entend et parle ; pas d'écriture pour se l'approprier… Sans griot ni scribe…

Les sourds seraient-ils orphelins d'une certaine transmission ?

Fantasme d'absence ou de disparition du côté des origines ? Miroir de la solitude de l'analyste ? De son impuissance face à une langue qui échappe à l'inscription et questionne ses capacités de mémoire, de transmission, de transfert, de passeur ?

Impuissance renvoyant à la toute-puissance d'un ethnocentrisme consciemment mis en cause et pourtant toujours prêt à resurgir ?

La vitalité de la langue des signes qui s'exprime par le mouvement, les gestes et la mimique, contraste avec cette absence de traces repérables.

Fantasmes, projections, clivages

Des attitudes inconscientes marquent les rapports entre les sourds et les entendants : des unes on pourrait dire qu'elles sont empreintes d'une « phobie » de la surdité, ce manque qui ne cesse de parler à la langue et au corps de ceux qui entendent, les interpellent si fort qu'ils auraient le fantasme de le faire taire en forçant les sourds à parler, à se faire appareiller ou implanter, en niant la langue des signes. « Phobie » de la LSF également, cet ensemble de gestes et de sens, de langue et de mouvements, si évocatrice et secrète en même temps. Objet incessant d'attaques, mis en cause dans ses valeurs linguistique et culturelle, et qui ne cesse de fasciner.

D'autres attitudes encore, marquées par une identification-collage aux sourds et à leur souffrance supposée, une envie massive envers leur langue corporelle, manifestations inconscientes souvent enveloppées dans un discours empreint d'idéalisation presque mythique envers ceux-ci.

Au-delà d'une phobie, les projections envers les sourds et ce qu'ils représentent, le déni de leur existence en tant que sourds sont souvent massifs et des clivages à l'œuvre. Les attitudes ou fantasmes qui en découlent montrent soit la tentative de suppression de la surdité (et de tout ce qui s'y rapporte) en s'efforçant de faire de l'enfant sourd un enfant entendant, soit l'incorporation fantasmatique de la surdité et de la LSF, en « devenant sourd à la place des sourds ».

Ces mouvements défensifs sont présents dans les cures, tant dans le vécu des analysants « rejoué » dans le transfert que dans les résistances de l'analyste. L'analyse de l'identification projective se révèle précieuse pour les explorer, les révéler et les comprendre.

Une situation-limite

Si toute rencontre avec une personne sourde provoque un certain nombre d'émotions, d'attitudes, de représentations et de questions, la rencontre analytique avec un enfant ou un adulte sourd confronte, de plus et directement, aux interrogations fondamentales et fondatrices de la psychanalyse.

Entre un analyste entendant et parlant et un analysant sourd et signant, qu'en est-il du setting ? Du rapport à la parole et à la/aux langues ? Du rapport à la règle fondamentale et aux tabous « sensoriels » de la cure ?

Si chacun de ces éléments ne peut prendre sens que replacé (comme toujours en analyse) dans une dynamique intra-psychique et inter-subjective, elle prend sens à chaque fois pour l'analyste entendant et parlant, dans un contexte, un cadre, que l'on pourrait dire « limite ».

Le travail de l'analyste est ici concerné, stimulé, entravé, enrichi, remanié… par certains éléments comme le rapport au silence (un certain silence…) et à l'absence de voix, l'usage d'une langue « étrangère » et gestuelle, un face à face de corps en mouvements, le fait de regarder pour dire, d'être regardé pour écouter, de bouger mains, bras et visage pour s'exprimer, de penser visuellement et spatialement, de changer son rapport à la lumière, à l'espace et au temps… qui l'amènent à ressentir et explorer, certains aspects psychiques personnels, mais aussi, d'interroger les éléments du cadre analytique mis en cause par la spécificité de ce dispositif particulier. Le face à face systématique, la captation des regards, les corps mis en mouvements dans la langue, le passage de l'oral interne au gestuel dans la relation… donnent à certaines règles habituelles de la cure un relief nouveau, du fait de leur modification, de leur amplification ou de leur disparition.

Qu'en serait-il de l'analytique dans ces conditions ? Qu'en resterait-il, diraient certains ?

Peut-être retrouvons nous ici les questions déjà adressées dans le passé aux analystes d'enfants ou à ceux se confrontant au plus près à la folie… questions qui pouvaient parfois confondre un dispositif analytique, devenu immobile et presque réifié, avec le réel travail d'analyse qui considére le cadre comme l'émanation directe de l'analyste et de son inconscient, comme une création psychique en mouvement, (même si elle résiste au changement).

Et pourtant, des questions restent posées : qu'en est-il de la « capacité de rêverie » de l'analyste, de son attention flottante, de sa liberté d'association, dans une situation d'inconnu tant psychique (jusque-là, rien que de très normal pour un analyste…) que linguistique (même, et c'est souhaitable, s'il signe bien et se sent à l'aise dans cette langue), mais aussi, sensoriel, physique, temporel, spatial… dans leur dimension non seulement « concrètes » (et ce n'est pas négligeable), mais bien sûr et surtout, dans leur traduction psycho-affective ? Cette situation pourrait-elle modifier l'essentiel de ce qui fait le travail d'analyse par son excès, son trop-plein de présence ou son trop-vide d'absence mêlés ? Par son emprise, voire son effet d'effraction ?

Les mouvements internes de l'analyste sont imprégnés de ce contexte particulier et se transforment parfois, avec certains analysants ou au cours de certaines séances, en réelles séquences de migration voire d'exil, un en-soi/hors-soi. Cette dimension de déplacements et de passages, m'apparait particulièrement prègnante avec des analysants sourds, tant dans le domaine du temps que de celui de l'espace.

J'ai eu l'occasion de dire, dans des articles précédents, à quel point me semblait présente aussi, dans les manifestations inconscientes des patients, la question des traces individuelles d'un passé (question des origines et de la sexuation révélées ou brouillées par la surdité, de l'étiologie et de l'origine de la surdité elle-même, de l'Héritage et de la Dette qui s'y rattachent) mais aussi celle de l'absence de mémoire (et d'oubli) des histoires collectives des sourds, et le poids de leurs résonnances sur les histoires personnelles, en particulier chez les enfants.

Trop de manques d'histoire, de langue, de liaison interne entre le capté-ressenti et un possible formulé, d'indicible et de non-dit, trop d'errance, peuvent rendre violente la vie, parfois même traumatique.

L'absence de repérage de la vie des sourds dans le temps, ce qui marque habituellement la reconnaissance identitaire groupale (et constitue l'Histoire d'un peuple) et dans l'espace (rapport au pays d'origine, aux voisins…) résonnent avec les impressions contradictoires et paradoxales d'apesanteur ressentie lors de certaines séances (et au type de silence qui y règne) et/ou à celles d'engluement dans le corps signant présentes à d'autres moments ou dans d'autres transferts.

Qu'elle soit repérée ou inconsciente, une dynamique de présence-absence est ici régulièrement en question : présence-absence de l'audition, de la voix, de la langue, de l'objet, du fantasme… Une dynamique marquée par l'altérité, mais aussi par l'universalité de l'inconscient, des langues et la profonde résonnance des corps, ce qui en fait un mélange truffé de paradoxes et psychiquement difficile à lier.

Présence-absence de réel, de symbolique et d'imaginaire…

Près de la fenêtre, à l’étage supérieur

Y., 12 ans, regarde par la fenêtre. Elle vient depuis sept ans en séance plusieurs fois par semaine. Avant notre rencontre, elle m'avait été décrite par certains professionnels comme une enfant sauvage tel Victor de l'Aveyron, comme une enfant autiste par d'autres, et par d'autres encore, comme une enfant sourde en grande carence affective, et sans langue.

Y. poussait des cris lorsqu'on l'approchait, ne supportait pas qu'on la touche, semblait apeurée par tout ce qui l'entourait. Ses cris seront d'ailleurs à l'origine du nom que lui donneront les sourds un peu plus tard en langue des signes, « la criarde » ou même, étant donné l'ampleur du geste utilisé à ce moment-là, « la gueularde »…

Y. regardait alors déjà dehors, « ailleurs », dans une posture de biais près de la fenêtre qu'elle ne quittera pas pendant plusieurs années et reprendra ensuite périodiquement. Elle semblait se déplacer toute entière à l'extérieur, laisser son enveloppe auprès de moi comme elle retirait son manteau en arrivant. Une double enveloppe déposée le temps de la séance et qu'elle me demandait de remettre à son départ avec grand soin (remonter la fermeture, fermer les boutons, hermétiser la jonction entre l'intérieur, le sien et celui des séances, et l'extérieur hors transfert). La suite de la séance consistait ensuite, rituellement, à accoler deux plaques de Lego en y intercalant de petits éléments… hermétiquement.

Les deux arbres plantés devant mon bureau, en rez-de-chaussée, ont ponctué nos saisons psychiques ; branches ou feuilles qui poussent, mais aussi, élagage à l'improviste, ont d'une certaine façon donné un espace psychique commun à nos rencontres. Regarder ensemble le changement…

Y. est une enfant psychotique, mais elle est aussi sourde, et issue d'une famille algérienne, kabyle et religieuse. Sa mère, lors de notre première entrevue, m'avait paru en grande souffrance, mélancolique et lointaine, voyant en Y. une enfant marquée par le destin, à « reléguer » afin d'éviter une « contagion » ressentie comme maléfique. Personne ne « savait » et ne pouvait parler à Y. dans la famille ; seuls des actes de soins minimum quotidiens lui étaient donc destinés. J'appris plus tard qu'elle passait, petite, ses journées chez sa mère (le père ayant quitté la famille à la naissance de Y.), près de la fenêtre, fenêtre sans vue ni dégagement mais d'où elle pouvait apercevoir parfois un piéton. Y. reprenait cette situation d'observation d'un extérieur vivant dans le transfert et dans la situation même de mon bureau situé en rez de chaussée au bord d'une rue piétonne…

Bien que travaillant avec des enfants psychotiques, des enfants sourds et d'autres enfants psychotiques et sourds, je me sentais déroutée par Y.

J'étais incapable de me formuler les émotions et sensations qui prenaient place en moi pendant les séances. Je n'accédais pas à mes langues intérieures ; encore moins, bien sûr, au langage dans sa fonction de communication : je ne pouvais pas parler d'elle. Les séances de contrôle analytique auxquelles je m'essayais, tablant sur l'émergence d'affects, émotions, images, fantasmes au sein d'un transfert qui me serait propre, restaient blanches… ou annulées de mon fait.

Je connaissais certains des tumultes et secousses que peuvent provoquer la rencontre avec la psychose ou la surdité, mais ne saurais décrire, aujourd'hui encore, plusieurs années après, l'immobilité totale qui m'envahissait, parfois, puis de façon répétée, avec cette enfant. Ma pensée était envahie de ce suspens pendant les séances, je ne pouvais rien penser non plus après les séances, hors de sa présence, mais mes rêves disaient l'ampleur infinie et terrifiée de ce qui se jouait là.

Le temps passait, Y. venait tout à fait régulièrement aux séances et nous nous installions dans un rythme qu'elle avait repéré très rapidement. Elle vivait la semaine dans une famille d'accueil sourde signante, rentrait dans sa famille le week-end. Elle semblait profiter de cet accueil, semblait moins chétive d'ailleurs, moins repliée sur elle même. Elle venait à mon bureau sans se « perdre » dans tout autre espace se trouvant entre la porte d'entrée et mon bureau, espaces de taille et fonction diverses qu'elle avait auparavant mille fois eu besoin d'explorer (placards du couloir, toilettes, autre bureau…).

Après avoir beaucoup lutté contre cet état presque « protozoaire » et « d'extra-territorialité » inquiétant, j'acceptai peu à peu de le vivre en le considérant comme un effet de l'identification projective massive dont j'étais l'objet ; en analysant les sensations qu'elle provoquait en moi, je pus détecter un élément qui me semblait alors nouveau et « parlant » : je captai, à fleur de peau, une exaspération, une irritabilité lorsque des bruits provenaient de l'étage supérieur pendant les séances. Je repérai que « l'immobilité » interne commençait avec ces sons et me donnait une sensation de vide et d'effraction mêlés créant un cumul inconnu.

Au bord d’une catastrophe…

Le silence, élément qui m'était habituellement familier pendant les séances avec les enfants sourds, semblait crevé par ces bruits « étrangers » aux séances, ou supposés l'être. Surprise par leur dimension parasitique, j'interrogeai un collègue sur la réalité de ces bruits et le vis s'étonner grandement de ma réaction « hyperacousique » là où il n'entendait, lui, qu'une légère mélodie et quelques inflexions de voix au-dessus de nos têtes.

Ces manifestations d'hypersensibilité ne se répétaient que pendant les séances avec Y.et je me mis donc à associer sur ce que pouvais représenter pour moi cette intrusion sonore, vocale, musicale dans ma relation avec elle… et avec certaines parties de moi… et probablement d'autres.

Sons, musique, voix amenaient une troisième présence dans nos séances : celle de l'existence de la voix humaine. Mais l'apparition du familier créait ici de l'inconnu, dans un paradoxe total, où la voix et la musique se faisaient menaces… sans que je n'y entende quoi que ce soit. À coup sûr, je n'entendais rien à ce temps du transfert, ne pouvais ou/et ne voulais rien entendre de ce lieu où je sentais Y. m'entraîner. Je me sentais à la fois complètement investie dans le transfert, et hors lui. Au bord. Mais de quoi ?

Jusqu'alors, j'avais toujours signé à Y. ce que je commentais, associais et interprétais pendant les séances. Elle ne me regardait pas signer et, parfois, l'impression de lui « parler » s'évanouissait. Mes signes me semblaient n'atteindre aucun but, « atterrir » nulle part, ne toucher personne. Je sentais le risque de voir se reproduire dans l'analyse la situation familiale d'une absence de réelle adresse à son égard, par épuisement psychique de ma part. Ces séances, jour après jour, à signer dans le silence et l'absence m'avaient donné parfois une impression de dé-réalité, de flottement.

Je voyais mes mains signer mais je m'éloignai d'elles, puis revenai. Clivée, morcelée, dans un va et vient intérieur entre « me sentir une » et « me sentir seulement des mains ». Situation qui me laissait sans voix.

C'est dans cette même période que je me mis à parler à Y. à voix haute. Situation nouvelle et étrange après deux ans de rencontres régulières dans le silence et les signes, mais pour moi naturelle, habituelle et affectivement « vraie » dans le rapport à une langue chargée d'expériences affectives privées, d'expériences transférentielles antérieures aussi. Je ne peux pas dire avoir pensé, décidé de procéder ainsi et de changer ma façon de communiquer avec Y., je le fis.

Je découvrais cette situation avec la double sensation de me retrouver « chez moi », et ce, avec un soulagement d'une ampleur imprévisible. Ayant un rapport d'assez bonne qualité avec la langue des signes, un plaisir certain à l'apprendre et à la pratiquer, une curiosité linguistique renouvelée à son égard, je m'étonnai de la délaisser ainsi comme poussée par une « évidence » psychique interne à le faire. De plus, en cessant de signer, je craignais d'ôter à Y. un espace que j'identifiais « d'abord » comme le sien, celui d'une langue que pratiquait la famille d'accueil sourde dans laquelle Y. avait été placée, celui de la Communauté des sourds. J'analysai donc ce changement d'attitude comme le sceau d'une résistance, d'un refus d'aller plus avant dans l'épuisement. J'avais la sensation que quelque chose d'essentiel de ma vie se jouait à chacune des séances et me posais de sérieuses questions quant à l'éventualité de passer la main (c'est le cas de le dire) à un autre analyste…

Pendant ce temps, Y. continuait de venir avec détermination aux séances, allait droit vers mon bureau, refusait la fin des séances.

Le déroulement des séances qui suivirent marqua un changement important dans son analyse. Alors que je me posais la question d'arrêter mon travail avec elle, elle s'installait davantage dans le transfert. Probablement touchée par l'expression d'émotions présentes en moi alors que je lui parlais, verbalement, elle se mit à me jeter des coups d'œil. Ces émotions étaient-elles nouvelles, ou au contraire plus enfouies, plus proches de mes émotions d'enfant (et des siennes) car formulées dans ma langue, avaient-elles été tues en LSF, non traduites à mon insu, informulables en langue « étrangère » ? Le fait d'entendre ma voix aurait-il rassuré quelque chose en moi nécessaire à la contenance de cette enfant ? Ces voix venant d'en haut (!) auraient-elles fait tiers en réintroduisant un espace symbolique que j'aurais inconsciemment déserté en « abandonnant » le français pour la LSF « au nom » du transfert, clivant quelque chose en moi et me barrant l'accès et l'usage de ma propre langue ? (blanc de la pensée, sensations de morcellement…) Accès barré au corps de la mère ? Accès barré à la langue de ma lignée ? Accès barré à un statut d'être de parole, au symbolique ?

Parler avec des mots m'aurait-il « simplement » restaurée dans la position d'être humain et dans ce cas quelles représentations inconscientes m'en auraient précédemment délogée ? Ce passage hors la langue ou plutôt hors ma langue, plongée dans celle d'un « autre », diffuse, lointaine, incompréhensible et pourtant omni-présente (la langue de l'étage supérieur) ne m'aurait-elle pas fait vivre une expérience de surdité tant sensorielle que psychique ? Étais-je sourde ou l'autre était-il sourd envers moi, ou les deux ? Parler m'aurait-il restitué une identité d'être humain, de femme, d'entendante et de parlante ?… Entendre ma propre voix s'adressant à Y. l'aurait- elle elle-même restaurée dans une position de sujet de parole, indépendamment de la langue utilisée, y compris si celle-ci lui était incompréhensible ?

Une langue dans un brouillard, peu importe laquelle, pour peu qu'elle exprime une parole de sujet, l'intention humaine de se parler.

Traductions en série

Cette séquence de l'analyse de Y. nous permet de questionner quelques aspects des liens entre transfert, contre-transfert et surdité. Nous ne reprendrons pas ici l'ensemble des associations et interprétations qui nous ont permis d'avancer dans cette cure, la lecture en serait astreignante. Notons pourtant le travail ultérieur effectué autour des positions et espaces spatiaux investis par Y. et rejoués dans le transfert : vue d'en haut-voix du haut, regards vers l'extérieur, voie piétonne, enveloppes diverses…

L'exemple choisi peut sembler compliquer les choses pour notre raisonnement et pourtant il s'est imposé à moi dans l'écriture avec une certitude à laquelle je me suis fiée.

Y. est une enfant, en grande difficulté psycho-affective, de famille et de langue maternelle étrangère ; les cartes ne seraient-elles pas brouillées ?

Si, bien sûr, pourrait être une première réponse, mais de toutes façons, les cartes du transfert le sont toujours, et il me semble que la mise en évidence de certains cheminements, si elle apparait plus nettement ou plus difficilement ici du fait de la psychose et de l'âge de Y., n'en reste pas moins significative du point de vue des espaces psychiques créés autour de sa surdité dans le transfert et le contre-transfert.

Je me représentai dans les premiers temps de cette cure, qu'un enfant psychotique entend ce qui l'entoure même s'il n'y est pas attentif, comme à son insu puisqu'on ne peut se fermer les oreilles, alors qu'un enfant sourd qui détourne le regard, lui, n'entendrait plus rien et se trouverait brutalement coupé du monde. Y. m'a par la suite démontré qu'il n'en était rien, mais ce fantasme et la culpabilité qui en découle étaient ici à l'œuvre. Effets d'impuissance devant la surdité, de toute-puissance pour s'en protéger. Priver un enfant de sa langue comme je me sentais privée de la mienne ? De quelles langues parlons nous ? Celles du transfert, celles de l'enfance ?

La place que peuvent prendre certaines composantes liées à la parole et à la surdité (silence, sons, voix, hauteur, intensité, rythme…) dans les séances, peut être comprise comme un signal faisant partie du transfert, donc à repérer, à prendre en compte et intégrer, à interpréter dans le transfert. Utiliser son corps et sa langue comme lieux privilégiés du cadre, considérer le sensoriel apparent comme trace à suivre, à la fois reste du passé et présence actuelle.

Le sensoriel se réveille dans le transfert, réveillant à son tour du psychique, du fantasme, du corps mais aussi de la langue, de la relation, du transfert… Mais ce circuit associatif peut fonctionner dans de tout autres sens, c'est à dire fonctionner autrement ou disfonctionner et barrer alors l'accès au sensoriel, aux représentations, au passé, au transfert…

L'ordinaire du psychanalyste, c'est l'excès, nous dit Rodolphe Bydlowski : « L'excès qui sidère la psyché-soma de l'autre, et qu'il se doit de lier, relier, délier. Réunir, assembler, accorder, restaurer, contenir, panser, penser… tous ces verbes actifs face à ce qui a disjoint, désintégré, fragmenté, disséminé, disloqué l'autre. Car ce qui fait effraction chez l'autre et qui reste actif agit sur la psyché-soma de l'analyste ». L'inconscient agit, il est actif, en actes (effraction, infraction, transgression, abus, abusif… se conjuguent en actes).

Mettre en mots, c'est ça la pratique de l'analyste. Pour y parvenir se joue tout un travail de métabolisation des effets de certaines traces dans le corps et la psyché de l'analysant et de l'analyste. Une contagion doit tout d'abord s'opèrer ; les émotions, vécues ou craintes par l'analysant, ressenties en lui ou chez un autre (parent) se transmettent à l'analyste. Leur identification passe par un éprouvé de l'analyste… pour peu qu'il n'en soit pas débordé, physiquement fragmenté et psychiquement « délié » (c'est-à-dire en proie à la déliaison). Pas trop… Or, justement, la surdité aurait tendance à créer un bombardement sensoriel, pulsionnel et un parasitage du corps, de la langue et du travail psychique, qui s'allient volontiers à ceux de l'inconscient. Cette métabolisation se fait aussi par les mots, dans le va et vient interne chez l'analyste de ce qu'il vit, revit, et en élabore, dans la rencontre de ses langues passées et actuelles.

« Psychiser » le sensoriel, l'émotionnel, pour le retraduire en soi-même et le restituer à l'analysant dans le transfert, le métaphoriser.

Mais aussi, « corporiser » les mots, la langue, la garder vivante en soi quand le mortifère gagne, lui donner chair, ne pas l'assigner à devenir une langue morte. Ne pas perdre la langue ni la pensée. Fantasmer les corps et les langues, laisser circuler le vivant et le mort, se laisser défaire pour se refaire à nouveau suppose d'accepter d'être affecté. Être soi-même affecté de ce qui a gravement affecté l'autre pour transformer ce qui n'a pas pu l'être, tenir ce qui n'avait pas tenu, soutenir par la présence, le cadre, la traduction.

La surdité, ou plutôt les phantasmes qu'elle renvoie, peuvent avoir un effet de déliaison et ramener des mots au balbutiement, au cri. Sans voix. Sans vie.

À l'étage supérieur, les mélodies et les inflexions des voix chantantes se révélaient être arabes ; les chansons, des chansons populaires, les rythmes plutôt joyeux et vifs… Une enfance arabe et gaie en somme… Celle, rêvée, probablement jamais connue, mais perdue et reperdue à travers sa fille par la mère de Y. ? Celle que ne connaitrait pas Y. ?

Je ne pus entendre (au sens propre du terme) la réalité et le détail de ces sons de voix que bien plus tard. Ce qui « crevait l'écran » avait disparu à mes oreilles. La mélodie et les voix chantantes avaient fait résonner mon intérieur au point d'en recouvrir l'espace entier. J'avais dû devenir incapable de signer, puis sourde à la langue parlée de l'autre (l'arabe) et à la mienne (le français) pour avoir accès à certaines traces inconscientes vécues par Y. et sa mère, traces effractives en moi, manifestées par la force de ces disparitions successives de langue, qui n'étaient pas sans rappeler des terreurs enfantines personnelles… ressenties à la suite de disparitions.

Seuls mes rêves restaient emprunts d'une certaine vie psychique.

J'appris plus tard que cette posture près de la fenêtre inquiétait grandement la mère de Y., qui voyait là le signe d'une intention de défenestration de la part de son enfant. Cette projection mortifère maternelle avait pris place dans le transfert au niveau où Y. pouvait le ressentir, c'est à dire sans mots, dans la confusion entre réalité et fantasme, comme dans l'attente d'un drame imminent. Cette mère, probablement envahie par un souhait de mort inconscient à l'égard de Y. comme elle l'était envers sa propre mère, mère merveilleuse dont le deuil était impossible. La perte de cette mère rêvée de son enfance, elle était bien sûr dans l'incapacité d'en parler, de donner forme à cette souffrance. Elle l'avait pourtant traduite aux professionnels de l'action sociale en évoquant la peur que Y. ne se jette un jour par la fenêtre, et ces professionnels l'avaient à nouveau traduite, sans comprendre la projection maternelle mais en sentant avec intuition son caractère vital et d'appel à l'aide, par la proposition d'un placement de Y. en famille d'accueil (qui plus est sourde et signante, associant donc sans le savoir le risque de mort et l'absence de langue).

Drame imminent aussi car Y. n'était vue que comme sourde, ce qui, pour sa mère, équivalait à devenir un être humain sans faculté de compréhension, hors d'atteinte de toute langue et de toute religion. Drame imminent car Y. se trouvait hors-relation, abandonnée par son père, maudite pour sa mère, lâchée de toute part, sans corps entourant, sans parole de vie… tout près de la fenêtre ouverte, c'est-à-dire de la mort psychique. Une disparition qui se confond avec celle de l'autre, de parties ou de fonction de l'autre : mère, grand-mère maternelle, père, langue, pays d'origine… Cumul de pertes de contenants et contenus souvent emboités (mère-langue-pays, pére-langue-religion…), inextricables car inconscients et sans mots.

Juste après cette période de changement de langue de ma part, Y. s'est éloignée du carreau de la fenêtre, a pu se tourner vers moi, comme si son corps changeait d'orientation peu à peu. Moins envahie par le besoin de sortir d'elle même pour échapper à un danger qu'elle m'avait fait expérimenter, moins envahie par le désir-terreur de mort de sa mère puisque je restai en vie et en paroles, elle put regarder autre chose que la fenêtre. Fenêtre à double sens d'ailleurs, lieu de défenestration, mais aussi lieu d'où elle apercevait des gens en vie marcher, avancer.

Je me remis à signer, en accompagnant mes signes de voix et de mots en français dans un premier temps, puis en LSF par la suite. Une avancée pas à pas.

Succession et passages de langues mortes et vivantes entre Y., sa mère et moi, entre les parents de mon enfance rêvée ou cauchemardée et mon Moi actuel, les langues que j'utilise et celles de l'inconscient, décalages et remaniements incessants du temps et des espaces internes et relationnels…

Cacophonie des identifications croisées qui permet parfois « la création d'un nouvel espace, un espace autre où analysant et analyste puissent se réunir et distinguer pourtant fantasmes et rêveries de l'un et de l'autre, un espace où la séparation devienne possible, un espace pour faire effraction dans la spécularité imaginaire qui se produit à l'intérieur de l'espace de transfert » (Berta Roth).

Mort psychique-mort réelle pour Y. et sa mère, disparition de la langue et du père, ce vécu au bord de la vie s'est traduit par des projections massives de Y. créant en moi un effacement de toutes mes langues, internes et externes (langues au sens linguistique du terme, pensée blanche, souvenirs…) laissant place à l'effroi et me faisant vivre une expérience psychique de la limite.

L'année qui suivit, Y. se mit à dessiner des arbres. Deux arbres sous toutes sortes de formes, avec toutes sortes de matériels, de couleurs, de dimensions. Des arbres qui se transforment, l'un toujours plus grand que l'autre. Elle se mit aussi à me regarder, puis à répéter tous les signes que je lui adressai en échopraxie, mais refusait toujours que je la regarde dessiner. Elle m'ordonnait d'écrire pendant les séances, de remplir des pages et des pages d'écriture pendant qu'elle dessinait, l'une en face de l'autre assises à mon bureau. Y. me rappelait à l'ordre lorsque je jettai un œil par dessus son épaule vers la fenêtre située derrière elle. Obligée d'écrire pour qu'elle prenne son espace. Interdit de regarder dehors, un dehors encore dangereux mais aussi un dehors qui me distrairait de la relation avec elle.

Elle signe un peu à présent, se nomme et me nomme en langue des signes, sait que j'entends et elle non, regarde « nos » deux arbres en arrivant et en partant, remet seule son manteau.

Son nom en langue des signes s'est un peu transformé, la bouche n'est plus qu'entr'ouverte, le mouvement de la main en coque près de la bouche semble dessiner une voix qui en sort, non plus des cris, la mimique est plus douce.

Les traumas se sont transformés ; entre inconscient et langage, le travail peut continuer.

Associations…

Au moment de conclure, une image s’impose à moi : celle des « portraits du Fayoum ».

Ces portraits montrent des peintures d'hommes et de femmes, tous de face, immobiles, en-deçà de toute expression, de toute volonté expressive. Leur origine est complexe, métisse, errante entre plusieurs civilisations : égyptienne, grecque, romaine. Ils représentent sans doute l'un des plus anciens témoignages existants du contact et de la fusion entre ces aires culturelles différentes.

Ils touchent et déroutent par leur regard pénétrant. Muets et sérieux sur la toile, et pourtant criants.

Visages singuliers déclinés dans l'unité mythique d'un langage des regards…

Fantasme d'une humanité qui voudrait bien se passer de langue pour se comprendre, dans l'illusion d'un originel maternel à jamais perdu.

Peur de s'y perdre aussi…

Les portraits du Fayoum sont fixes, interrogatifs, sans affects, ni désirs. De là où ils sont, ils semblent côtoyer la vie et la mort, ils se taisent.

Leur universalité, c'est le silence. Et cette tension extraordinaire émeut. Ils sont, sur le seuil, des passeurs. Ce ne sont pas des portraits d'orants, mais de témoins, chacun en suspens, comme au bord de dire un secret qu'il ne connait pas.

Une apostrophe muette.

L’image des projections des entendants-parlants envers les sourds ?

Silences, regards, traductions. Taches aveugles…

Martine Dethorre

Références

Bailly J.-C., L'apostrophe muette, Essai sur les portraits du Fayoum..., Ed. Hazan, 1997, Paris.

Dethorre M.,- "Surdité : facettes d'histoires, de corps et de langues", La parole des sourds, Psychanalystes, n° 46-47, 1993.

- "Psychanalyse et surdités", PTAH, n° 1-2, 1997.

Fédida P.,Corps du vide et espace de séance, Ed. Universitaires, 1977, Paris.

Ferenczi S., Psychanalyse 1,2,3,4, Payot, 1982, Paris.

Freud S., La technique psychanalytique, PUF, 1967, Paris.

- "L'esquisse", La naissance de la psychanalyse, PUF, 1986, Paris.

- "Au-delà du principe de plaisir", Essais de psychanalyse, Payot, 1981, Paris.

Heiman P., “À propos du contre-transfert”, Le contre-transfert, Navarin, 1987, Paris.

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“Logiques du corps”, Che vuoi, n°7, 1997.

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“La psychanalyse et son establishment, les paradoxes de la transmission”, Psychanalystes, n° 48, Hiver 1993-94.

Racker H., Études sur la technique psychanalytique, Ed. Cesura, 1997, Meyzieu.

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