Remarques sur les mélancoliques persécutés

 Olivier Douville [1]

 

Cet article veut rencontrer et exposer quelques-unes des questions de la psychiatrie « classique» au sujet de la folie mélancolique. Bien que le socle étiopathogénique des conceptions dès la fin du siècle dernier soit de nos jours, tout à fait caduc, l’acuité de la spéculation proposée il y a longtemps mène à des considérations sur la mise en corps et la topologie de la psychose qui, en elles-mêmes peuvent encore faire avancer notre regard et nos modèles cliniques.

Dans notre travail, la référence à l’approche psychanalytique est constante. Ce parti-pris, qui n’est ni original ni neuf, provient, tout de même d’une inquiétude: celle de voir un réel dessèchement de la clinique psychiatrique lorsqu’elle se veut une pure discipline d’observation et de prescription. Y-a-t-il une clinique psychiatrique et une clinique psychanalytique ? C’est possible mais ce n’est pas établi en ce qui concerne la psychose.

 

Actualités de la mélancolie

 

La mélancolie est en vogue, cependant la discussion clinique est vive quant à l’opportunité d’user encore de ce terme fascinant et équivoque pour rendre compte d’un certain nombre de troubles psychiques. La mélancolie et le délire mélancolique peuvent-ils encore figurer dans une nosologie psychiatrique ? Cette localisation est problématique, puisqu’elle est tributaire de l’acceptation donnée à la mélancolie d’une part, et au délire de l’autre. Un premier point est essentiel, on ne peut faire entrer en totale coïncidence les deux termes de psychose et de délire. Outre qu’il nous est impossible de qualifier de psychotique toute expérience délirante, il nous faut encore distinguer au sein de la clinique des psychoses, la psychose comme état du délire comme phénomène. Un délire psychotique est une tentative de guérison et, à ce titre il rend compte d’une sidérante perplexité. Cette tentative délirante procède comme si le sujet était névrosé. La conviction paranoïaque est un « pseudo-axiome », le mélancolique procède comme s’il était endeuillé, comme s’il était cannibale etc.

 

Actuellement, la clinique de la mélancolie ne s’attache pas à distinguer avec autant de rigueur les registres de la psychose du champ de la névrose, selon que les auteurs s’attardent plus sur la métapsychologie et la phénoménologie du discours mélancolique — ainsi le fait Marie-Claude Lambotte — ; tandis que d’autres comme Marcel Czermack, prolongent l’enseignement de Lacan sur la forclusion psychotique à la lumière de nouvelles approches des « passions de l’objet». D’où un regain d’intérêt pour la clinique dégagée, il y a plus d’un siècle, par Jules Cotard[2], celle où e sujet se conjoint avec l’objet réel, sans aucune médiation imaginaire possible.

 

Mélancolie, deuils et mort

 

Enfin tout abord de la psychose mélancolique comme complication d’un deuil fait aporie. Car il faut également ajouter que, dans la psychose, le registre de l’avoir fait problème. Regarder et les allégations mélancoliques et les thèmes de préjudices. Ils disent des dommages qui sont situés sur l’axe de l’avoir. Mais ce n’est pas tout. Ce n’est pas même à partir de l’avoir que l’on peut comprendre la structure du délire, et donc les points de bascule qui vont éventuellement s’y faire jour. C’est l’être qui est concerné, qui est visé, qui est accusé ou qui s’auto-accuse. A entendre des patients mélancoliques quand ils vont si mal après une perte réelle[3], on s’aperçoit assez vite qu’à la ruine de l’image spéculaire correspond aussi une désaffectation : « les affects » écrit M. Czermack « sont passés dans les autres »[4]. De là, l’aspect poignant et typique de ce qu’un mélancolique peut dire des relations qu’il entretient avec son entourage. Ce sont toujours les autres qui souffrent, qui sont en péril, qui endurent, de sa faute.

Dans la mélancolie se joue un processus qui empêche tout investissement d’objet, et laisse le sujet en prise à une tension psychique insupportable « tension érotique psychique» selon Freud[5].

On avancera l’idée qu’il existe ce que C. Melman appelait un deuil essentiel[6]. Il est deuil d’une espérance essentielle selon laquelle ce qui viendrait organiser les rapports du sujet au monde serait réglé par la boussole d’un bon objet et d’une bonne présence apte à colmater toute exigence de satisfaction. Ce deuil est conjoint à l’émergence de l’excitation et du désir. Plus encore, il en est la condition.

Mais comment matérialiser l’objet premier ? Dans le mythe (qu’il soit borobo ou jungien), on en saisit l’énigmatique présence sous les masques

des figures de l’oblativité primordiale, dans le rituel il se prélève du corps[7] et il s’incarne ; mais dans la structure, il n’a aucun support réel.

En deçà et en delà de la rencontre du manque dans l’autre : la folie ou la souffrance métapsychologique du désir. Le mélancolique n’a pas affaire à la mort comme symbolisée. Ce à quoi le mélancolique se coltine c’est à la mort comme pur vide, comme trouage sans bord, catastrophe d’avant le manque, destructivité lancinante et infinie. Le néant, non le manque, le trou non le bord, l’impossibilité de l’invention de la chair, ce luxe de la névrose. Dans la mélancolie psychotique l’objet est pur réel, condensateur de jouissance. Et c’est bien de cette collusion de leur corps à cet autre type d’objet rebelle à toute identification narcissique, que les délirants mélancoliques ne cessent de parler, quand ils trouvent grâce à s’immiscer dans ce qui nous incombe : la dignité d’un dialogue.

 

Relisons une des plus fameuses observations de Cotard.

Mme F., âgée de cinquante-huit ans[8], placée à Vanves au mois d’août 1879, est dans un état de mélancolie anxieuse qui date déjà de plusieurs mois.

Mme J. s’imagine qu’on va lui couper les nerfs, la rendre sourde, muette et aveugle et lui faire subir toutes sortes de tortures ; elle passe des journées entières à gémir et à implorer la Vierge et les saints.

Paroxysmes d’agitation très intenses avec tentatives de suicide. Mme J. refuse les aliments, elle est perdue, damnée ; elle est bourrée de pétrole, on va lui faire subir les plus affreux supplices et cependant elle ne pourra jamais mourir.

Fréquents paroxysmes pendant lesquels Mme J. se roule par terre et fait toutes sortes de grimaces et de contorsions. Mme J. répète constamment les mêmes phrases, souvent tout à fait absurdes et inintelligibles, mais se rapportant à des idées de transformation et d’anéantissement de sa personne et de tout ce qui l’entoure. Mme J. répète: « Il n’y a plus rien, rien n’existe plus, tout est en fer, etc. », elle est elle-même transformée, elle est un petit poulet, une mouche, un chiffon de laine qui parle, elle n’est plus rien, elle ne mange jamais, elle n’a plus de corps ; les personnes qui l’entourent ne sont que des ombres.

 

Ainsi cette patiente se prend pour un reste qui n’appelle jamais sa recomposition, son replacement dans le dénombrement des biens de ce monde. Et s’étant façonnée en tant que tel, elle souffre de devenir un morceau du réel, morceau de viande déqualifiée, purulence dispersée et grouillante d’une pure jouissance, elle est un petit rien dont s’émonde le vivant en se vidant aussi de la trame de vraisemblance charnelle qui le constituait jusqu’alors. Elle est un petit rien, errant dans un réel sans temps ni repères métriques.

Enfin, devenue objet, elle parle.

 

De tels objets, restes, déchets ou scories diverses et obstruantes sont, dans la psychose construits indépendamment de leur valeur phallique.

Autrement dit ils se caractérisent par le fait d’être hors semblant et hors castration, n’incarnant pas plus le manque qu’ils ne l’anticipent. La relativité propre au signifiant s’abolit. L’objet du désir vint immédiatement en opposition au sujet, sans qu’il puisse se raccorder à lui avec le sentiment d’une continuité du langage et d’unification de sa corporéité. De la parole, il lui revient un reste externe qui l’intime en tant que voix, le corps est increvable.

 

Questions de méthode

 

Mais alors, peut-on encore penser qu’il est des psychoses mélancoliques ? Il y a certes des variétés de psychoses, où les rapports du sujet à leur corps ont leur part. Mais peut-être le délire mélancolique est-il le plus irréductiblement psychotique des délires. C’est-à-dire qu’en envisageant la place du sujet et de la corporéité dans la mélancolie, l’hypothèse serait que la mélancolie contiendrait l’invariant de la psychose: l’évanouissement de la possibilité de néo-création d’une altérité. Façon également de parler de la « mort du sujet» comme fait de discours de nos patients et conséquence logique du plus radical d’une forclusion sans suppléance: situation d’un sujet toujours aussi vif que trépassé, jamais advenu au jour de la symbolisation du corps et du verbe. Il faut examiner à nouveau la valeur structurale des descriptions de J. Cotard et, ensuite, envisager l’existence d’autres reversements de la mélancolie que ceux par lesquels elle vire à la manie. A cet égard le binôme « paranoïa-mélancolie» est le fruit d’un débat ancien, au XIXe siècle dans la psychiatrie et tout particulièrement en France.

 

Bien d’autres, avant nous ont donné des analyses pointues de la mélancolie, en refusant la facilité qui consiste à l’inclure systématiquement dans le renversement manie-mélancolie. Ainsi M.C. Lambotte parle-t-elle de « confusion peut-être abusive de la mélancolie avec la P.M.D. »[9].

 

Historique du binôme « paranoïa mélancolie », ou « des mélancoliques persécutés »

 

D’Esquirol à Séglas, en passant par Baillarger l’examen de la mélancolie « persécutée» au regard d’un autre renversement que celui qui infléchit la psychose vers les tourments de la

manie, n’a cessé de donner un point d’ancrage excentré par rapport à la découverte de la bipolarité des troubles de l’humeur dans la psychose mélancolique, à partir duquel des perspectives nouvelles pour la compréhension psychanalytique du sujet dans la mélancolie sont apparus (Lacan puis Czermack à la suite duquel on cite les travaux de Frignet et de Cacho). L’accolement de la persécution et de la mélancolie constitue une innovation propre à la psychiatrie. Au-delà de ses élaborations, le travail de Cotard, fondé sur une compréhension des mécanismes typiques des discours mélancoliques, dégage une perspective d’ensemble concernant la mélancolie et la place et l’enjeu du corps dans la psychose.

 

Bien avant lui, Esquirol, abandonnant la dénomination de mélancolie un peu trop flottante entre le langage des poètes, des gens du monde et celui des médecins, créa le terme de lypémanie où il rassembla tous les délires partiels qu’escorte une exagération du sentiment dépressif, auquel il oppose la monomanie réduite à un délire partiel expansif. La lypémanie d’Esquirol est singulièrement élastique. L’existence d’hallucinations ou d’illusions amène des interprétations diagnostiques délicates ; et l’hypochondrie, parangon du délire lypémaniaque n’occupe pas une situation précise. La lypémanie d’Esquirol diffère encore peu de la mélancolie des anciens. Peu après, on regroupe tous les cas d’aliénation sous deux ordres : les folies générales atteignant les grandes fonctions mentales dans leur universalité et les folies partielles s’étendant elles, à la diversité des sentiments issus de la perception, de la morale, de l’affectivité et de l’instinct et constituants alors autant de variétés regroupées à leur tour en cinq genres de la façon suivante :

— Lypémanie: délire sur un objet ou un petit nombre d’objets avec prédominance d’une passion triste et dépressive;

— Monomanie, dans laquelle le délire est borné à un seul objet ou à un petit nombre d’objets, avec des flamboyances de l’affect marquées par la prédominance de passions gaies et expansives;

— La manie, pour laquelle le délire s’étend à toutes sortes d’objets et s’accompagne d’un affect

réduit à de l’excitation ;

— La démence, dans laquelle les insensés déraisonnent parce que les organes de la pensée ont perdu leur énergie et la force nécessaire pour remplir leur fonction ;

— L’imbécilité ou idiotie, dans laquelle les organes jamais ne furent suffisamment conformés pour qu’aient pu ou puissent raisonner juste les malades considérés.

La lypémanie d’Esquirol n’est plus alors qu’une catégorie trop vaste, collection hétéroclite de petites monomanies et de délires partiels.

Les élèves du Maître forment une énergique pléiade d’aliénistes et, sous leur impulsion, la classification est, une fois de plus, remaniée. Georget admet un autre état dans lesquels l’intelligence est suspendue (la stupidité) et la classification adoptée devient celle-ci :

- Délire partiel avec excitation et gaîté : Monomanie

- Délire partiel avec abattement et tristesse : Mélancolie

- Délire général: Manie

- Suspension de l’intelligence: Stupidité.

 

Ensuite, Baillarger dans une communication en 1853, à la Société médico-psychologique, substitue le terme de lésion au mot de délire général. Il fait passer la mélancolie de la classe des délires partiels à celle des délires avec lésion générale, et marque ainsi le début du démembrement de la lypémanie. On le voit aussi, se penchant sur la catégorie de la « mélancolie avec stupeur» combattre les doctrines de Georget, considérant la stupidité comme la plus haute expression d’une variété de mélancolie. C’est la fin du lien fait, depuis Pinel, entre le terme de stupeur et l’unique description des arriérations mentales avec des phénomènes d’hébétude propres aux idiots. Affranchissant la clinique de la stupeur de celle des formes d’idiotie ou d’imbécilité, Baillarger décrit ceux des malades qui subissent leurs délires comme tétanisés, en proie à un cauchemar.

La stupeur est le signe d’une désubjectivation anxieuse et triste. Delasiauve, décrit à son tour l’ancienne stupidité sous le nom de « stupeur mélancolique».

Telle est, trop vite résumée, l’histoire du démembrement de la lypémanie d’Esquirol.

 

Nous sommes en 1852, Lasègue crée son « délire des persécutions »[10]. Se cantonnant à la période d’état des malades, n’attachant que peu d’importances aux prodromes et aux périodes consécutives, sa catégorie clinique, de fait, fait se rassembler une foule hétérogène composée de tous ceux qui, dans leurs délires, présentent des éléments persécutifs. Elle embrasse alors un trop grand nombre de formes, qui devaient en être peu à peu détachées. Il appartiendra à Lasègue quelques années plus tard d’isoler le délire de persécution de l’alcoolisme subaigu, et pour les persécutés non hallucinés, il crée les persécutés persécuteurs. Cette nouvelle entité morbide est consacrée par les recherches de Falret, Foville, Garnier et Christian et de quelques autres. Toutefois la place même que le délire de persécution devrait occuper dans la nosologie est encore loin d’être clairement établie. Aussi le retrouvons nous placés parmi les dégénérescences avec Kraft-Ebbing, il est encore compté dans le groupe des lypémanies hallucinatoires par Luys, tandis que Bail, en précurseur, le rapproche de la mélancolie. 1885, Régis dès la première édition de son manuel, baptise ce délire du nom de folie systématisée progressive. Il lui reconnaît trois stades :

— Folie hypochondriaque, qui est la période d’analyse subjective

— Folie de persécution

— Folie ambitieuse, laquelle coïncide avec une période de transformation de la personnalité.

C’est à peu de chose près le « délire chronique » de Magnan. Désormais le délire de persécution est admis par les psychiatres de l’époque. Les auteurs les plus autorisés s’efforcent d’établir la constellation de traits et de caractères qui permettront de ne pas confondre le mélancolique négateur et le persécuté, alors que l’existence de délire à formes mixtes de persécution et de mélancolie donne lieu à beaucoup d’observation.

 

D’un côté on redoute l’erreur de diagnostic, la confusion pouvant infléchir et le soin et le pronostic. C’est, du moins l’opinion de Régis: « On ne saurait attacher trop d’importance à cette distinction entre la mélancolie et le vrai délire de persécution ou folie systématisée essentielle. Pour ma part, en dehors des autres signes d’ordre intellectuel et physique... je considère que l’élément capital de cette distinction réside dans un état moral spécial à chaque catégorie de malades qui les fait sentir et réagir de façon tout à fait différente »[11].

 

Par des travaux, aujourd’hui plus obscurs, Meilhon et Christian publient des observations de persécutés mélancoliques en leur reconnaissant une physionomie particulière. Puis, en 1888, Séglas (Annales médico-psychologiques, janvier) publie un cas de vésanie combinée, délire de persécution et mélancolie anxieuse. Il rappelle qu’un sujet peut présenter plusieurs espèces de délire, et, sous la caution d’Esquirol qui avait déjà dit que diverses formes de délire peuvent se combiner pour former des composés binaires ou ternaires, etc., il déclare que peuvent non seulement se côtoyer, mais plus encore se combiner mélancolie anxieuse et délire de persécution.


Des observations

 

         Résumons l’observation de Séglas.

« Mme F. est âgée de trente-sept ans.

Antécédents héréditaires : le père de la patiente faisait des excès de boisson à la suite desquels

ses facultés s’affaiblirent.

Antécédents personnels: Depuis deux ans la femme est devenue irritable, sombre, jalouse de

son mari. Elle a des ennemis qui la regardent de travers et sont payés pour la tuer. Elle a des craintes d’empoisonnement. Pour fuir ses ennemis, elle quitte brutalement la ville qu’elle habitait et se réfugie chez son frère, à Paris. Bientôt elle soupçonne son frère lui-même et fait une tentative de suicide. À partir de ce moment-là elle passe par des alternatives de crainte d’être tuée, de soupçons, fait des accusations contre les membres de sa famille, et finalement est placée en asile.

On ne trouve chez la malade aucun stigmate de dégénérescence. D’abord la malade essaie de dissimuler ses idées délirantes, mais le Dr. Séglas a bientôt sa confiance, et il apprend que depuis cinq ans Mme F. a de l’ennui, des idées noires, de l’inquiétude, puis les idées de persécution apparaissent. On la regarde de travers, on lui dit des injures, les francs-maçons la poursuivent, « son ennemi principal est une femme du monde d’une haute position qui aime son mari et veut se débarrasser d’elle et de son fils. Elle accuse sa famille de faire cause commune avec ses ennemis. Elle a voulu fuir, et est venue à Paris, mais ses ennemis continuent à la poursuivre avec des sorts et veulent la tuer. C’est pour cela que, préférant mourir de suite, elle a tenté de se suicider. Quelques agents l’ont suivie depuis la ville qu’elle habitait jusqu’à Paris, car dans la cour de l’établissement, elle en a reconnu un qui la regardait de travers et cherchait aussi à la reconnaître pour la désigner comme victime. Elle craint toujours qu’on ne l’empoisonne et ne se décide à prendre de la nourriture que sous la menace de la sonde. Les hallucinations de l’ouïe sont très intenses et très fréquentes, le sommeil est irrégulier.

 

Tel est l’état de la patiente au moment de son entrée, c’est-à-dire en juillet.

En août : L’état de la malade est le même, les conceptions délirantes sont très actives, les hallucinations de l’ouïe répétées. Elle a aussi des illusions de la vue, elle prétend avoir été reconnue dans la maison, cette femme qui la persécute et qui est la maîtresse de son mari. C’est elle qui l’a fait séquestrer en s’entendant avec nous et sa famille pour être plus libre ensuite de la faire disparaître sans bruit. La nuit elle a des cauchemars et elle rêve qu’on veut l’étrangler. Aussi elle se demande si elle ne ferait pas mieux de se suicider pour éviter les tortures qu’on lui fera subir.

22 septembre: Elle est reprise par les hallucinations de l’ouïe, elle a des troubles de la sensibilité générale, elle est anxieuse presque pano-phobique.

12 octobre : Hallucinations de la vue de de la sensibilité générale. Tentative de suicide.

27 octobre : Elle a reçu la visite de son mari, mais elle se demande : « Dans quel but est-il venu ? ». L’anxiété continue, les hallucinations de la vue prédominent, elle voit partout des assassins, surtout la nuit et depuis quelques jours.

Décembre : Même état... Depuis très longtemps elle avait des hallucinations de l’ouïe (bruits indistincts, injures, menaces). Depuis quelque temps, elles prédominent du côté gauche, lui disant qu’on la poursuivait, qu’on allait la tuer, etc. En même temps elle entend dans l’oreille droite des voix consolantes qui lui disent de prendre courage. Ce sont des voix d’hommes et quelquefois de femme ; elles se répondent et tiennent conversation. Les hallucinations droites, consolantes, sont moins nettes et plus lointaines ; aussi croit elle aux voix désagréables qui sont très nettes. Toutes ces voix ne sont pas des voix de personnes qu’elle a connues, mais leur timbre lui est familier et elle les distingue les unes des autres. Elle les entend le jour, mais surtout la nuit.

 

Pendant un an : La malade présente la même succession de phénomènes. Tantôt l’anxiété

devient plus grande, tantôt les idées de persécution prédominent et, le mois de décembre suivant, il est observé que l’idée de persécution systématisée occupe toujours le premier plan...

Les hallucinations de l’ouïe continuent toujours, presque incessantes, et surtout dans l’oreille

droite (qui, il y a quatre ans, a été le siège d’une othorrée). Ces voix, le plus souvent désagréables, ne lui disent plus de sottises, mais des ordres brefs. D’autres, différentes de timbre, l’avertissent

de prendre garde. Une force intérieure l’empêche quelquefois de faire ce que les voix commandent ; c’est son bon ange, il est muet. Quand elle a une pensée, elle n’est pas plutôt arrivée à la fin de son idée, qu’une voix la lui vole et la lui répète tout haut. Ce n’est pas une voix intérieure, ni celle des hallucinations habituelles de l’ouïe, mais une voix extérieure pas très nette, pas aussi distincte que les autres.

 

Notons enfin que la malade exprimant ses idées de persécution... est profondément convaincue de la réalité de ses hallucinations et rien ne peut ébranler sa conviction dans la justesse de ses interprétations délirantes.

L’état de la malade reste absolument semblable jusqu’en 1855, époque où elle est reprise par sa famille et transférée ».

Séglas fait suivre l’observation d’une analyse très serrée des symptômes, en commençant par constater que chez cette malade se rencontrent à la fois des signes la rapprochant de la mélancolie anxieuse et d’autres se rapportant au délire des persécutions.

Les oppositions sont les suivantes : à la marche continue du délire de persécution s’oppose l’apparition rapide de la mélancolie anxieuse et l’allure d’aspect qu’elle prend. La systématisation progressive du délire partiel convergent ne suit pas la même marche que celle suivie par les traits de mélancolie anxieuse, où se remarque un délire généralisé divergent sans systématisation. Les hallucinations, elles non plus, ne sont pas de même ordre. Les symptômes qui se rattachent à la persécution sont, pour cette sémiologie de l’hallucination, composés de troubles sensoriels divers : hallucinations de l’ouïe prédominantes et consolantes, alors que ceux qui renvoient à la mélancolie anxieuse sont des troubles de la vue en prédominance, et occasionnent un dédoublement particulier de la personnalité avec des idées spéciales de non-existence. Les réactions psychologiques de la malade sont complexes et contrastées. On la voit présenter des réactions typiques des persécutés: dissimulation, méfiance, fuite ; mais en d’autres circonstances elle surprend par son allure résignée et terrorisée. Le sommeil, jamais très bon, est encore plus médiocre quand, sur un mode de mélancolie, elle connaît les affres de l’angoisse ; à de tels moments ne peut-elle pas non plus débuter le moindre travail.

 

Commentant cette observation, nous y verrions un cas exemplaire où, lorsque le dynamisme persécutif fait défaut, le sujet s’éclipse et avec lui s’éclipse toute potentialité d’anticipation. La patiente s’installe dans une instantanéité. Seule la modalité persécutive inscrit un rythme et une temporalité.

Rien n’interdit de penser que le vécu d’internisation soit le prodrome du délire d’immortalité, tandis que si le sujet peut encore se lover au creux de la certitude qu’on lui en veut : qu’on en veut à son corps, à sa peau ou à son nom, qu’on veut, comme l’alléguait Schreber, le gonfler de la jouissance divine, alors sa mort de sujet est une catastrophe à conjurer et non plus en état sans bord ni fin en lequel erre la désespérance et l’anxiété (parfois« stupide ») de la mélancolie. Alors, rien n’interdirait non plus, de penser qu’il se fait, entre les créneaux des nosologies, des coulisses, des passages, des réversions et des renversements.

La projection installe ce temps de suspend où la psychose ne se conjoint pas à la chute de l’objet.

Voilà pourquoi une lecture du binôme « persécution-mélancolie» est à la fois une lecture qui intéresse la nosologie et son histoire — avec ses heures de gloire et ses régressions scientistes

— ; mais c’est aussi une lecture qui trouve sa signification au-delà, dans ses caps où une pensée épistémologique du sujet dans la psychose peut trouver à se dire et à s’écrire.

 

Le travail de Séglas à l’incontestable mérite de mettre au travail. Dans sa séance du 1 1 novembre 1889, la Société médico-psychologique met à son ordre du jour la question de la mélancolie et de ses différentes formes. Jules Falret admet trois formes :

— la mélancolie avec conscience ;

— la mélancolie dépressive;

— la mélancolie anxieuse ;

et, à propos de cette dernière, il affirme que ces mélancoliques-là peuvent avoir des idées de

persécution. Il faut alors en établir les caractères différentiels. Ce qu’il fait en forgeant cet assez bel apophtegme: « La crainte est la base de la mélancolie anxieuse, la défiance celle du délire de persécution ».

 

D’autres séances suivent où l’on fait récit de cas de mélancolie anxieuse avec idées de persécution, les exposés les plus complets étant dus à Legrain, Charpentier, Saury...

On conçoit alors ce flux d’intérêt clinique qui amena tant d’observations après le travail de Séglas (ce qui prouve amplement qu’il avait touché juste), surclasse le simple souci de l’exercice d’une rigueur nosographique.

Dans les cas apportés par les uns et les autres, on discerne des éléments qui, une fois entendus et décrits les épisodes cliniques des psychoses, font se dégager une répartition de ces psychoses autour d’un phénomène central : celui de la mort du sujet avec l’aspect de la rigueur de la lutte contre cette mort, et la pente dramatique de chute en cette mort. La question a été ouverte il y a plus de cent ans, une façon d’atemporalité propre à la psychose nous la fait retrouver et l’exhumation de ces documents, à l’heure où règnent tant d’incertitudes nosologiques et d’embarras thérapeutiques, peut devenir autre chose qu’une névrotique satisfaction d’érudit. 

 

Du côté de Cotard

 

Nous ferons violence, cependant, à une pure lecture de formelle chronologie de l’histoire de la formalisation, en psychiatrie, de la catégorie du mélancolique persécuté. En effet, nous choisissons de présenter le travail de Cotard en faisant à cet auteur, place à part. S’il fallait que nous laissions glaner les grandes étapes de la trouvaille du mélancolique persécuté, il fallait aussi que nous puissions dégager en quelle manière, s’inscrivant en cette discussion, l’œuvre de Cotard, dès 1882, cerne autre chose, de plus vif et de plus essentiel. On trouve peu d’exemples dans la clinique psychiatrique d’auteurs qui, outrepassant les signes manifestes que présentent des patients, tendent à dégager un dispositif de paroles, ou plus exactement de rapport des sujets à la parole, afin d’en extraire la logique des articulations et des accentuations. De Clérambault avec son syndrome d’automatisme mental est un de ceux-là. Cotard aussi, avec son « délire de négation»

Celui-ci se caractérise par :

— des manifestations d’anxiété

— des idées de damnation et de possession

— une propension au suicide et aux mutilations volontaires

— l’analgésie

— des idées hypochondriaques d’inexistence et de destruction des orifices organes, des membres[12]

— une néantisation physique et métaphysique s’exprimant par un vécu tétanisant d’immortalité et aussi, parfois, par des thèmes de non-existence ou de destruction « cadavérisante » de tout ce qui fait tenir l’Un devant la castration : corps entier, Dieu et son diable...

 

Cotard est élève de Charcot. Ses principales publications sont contemporaines de la création à la Faculté de médecine de la chaire des maladies mentales et nerveuses, en 1882. Élève de Lasègue, il sera présenté au fils de Jean-Pierre Falret. En compagnie de fils, il exerce quinze années à la maison de santé de Vanves, créée par le père.

Riche d’une forte culture médicale, ce que lui reconnaissait volontiers Séglas, son goût est aussi

orienté vers la connaissance des doctrines philosophiques d’Auguste Comte et on le voit familiarisé avec les recherches contemporaines des psychologues anglais. Il rédige en 1877 l’article « Folie » du Dictionnaire Encyclopédique. Depuis, manigraphe réputé, il livre une suite de travaux remarquables sur les phénomènes de la psychose mélancolique. Le travail décisif de Cotard sur le délire des négations paraît en 1882, dans les Archives de neurologie, que dirige Charcot. La démarche de l’observation y est intégralement restituée. Elle est faite de la conjonction entre une modalité descriptive qui fait loi[13], et un souci de méthode qui ne fut jamais plus expressément énoncé que par Charcot. Le principe de base de Charcot est de « ramener toutes les formes au type fondamentale ». Mais c’est encore, comme ce le fut chez Leuret[14], le privilège du dialogue de gouverner la clinique.

 

Depuis Charcot, les recherches suivent une marche rigoureuse. La progression de l’observation va se réaliser dans une constitution du « type» regroupant les signes et les symptômes d’une maladie. Ainsi, des formes morbides sont exposées et, toujours selon Charcot « l’observation française (par rapport à l’école allemande) gagne indubitablement en autonomie en reléguant au second plan les considérations physiologiques».

 

Cotard, par une finesse d’observation singulière et dont il est peu d’exemple qu’elle soit relayée par d’aussi efficaces dispositions à l’esprit de synthèse, abstrait ce tableau des tourmentes des mélancoliques, des anxieux et des persécutés atypiques. C’est ce que la clinique française a su révéler : « une véritable maladie, distincte par son caractère et son évolution ». Une lésion intellectuelle également, puisque dans la perspective de dégager les floraisons des formes pathologiques pour les ramener aux nervures d’un type fondamental, les symptômes psychiatriques viennent à être définis sur le modèle des systèmes neurologiques. Mais pour Cotard et sont syndrome cela se fera plus tardivement dans l’article posthume de 1889. User d’une telle modélisation étiologique permet de tresser des associations régulières entre ces symptômes et l’origine motrice des troubles, et non plus une origine psychosensorielle. La fonction intellectuelle a pour point de départ l’énergie propre des centres psychomoteurs qui prend ses racines dans la vie organique de ces centres et qui n’est pas absolument subordonnée aux influences provenant des autres centres.

 

Selon Cotard, l’image se décompose entre :

— l’image sensible,

— l’élément moteur associe l’image sensible.

Ces derniers éléments représentent la réaction du monde extérieur sur le moi, doués d’une mobilité automatique indépendante de tout effort volontaire. Dans la dépression psychomotrice, les objets extérieurs n’agissent plus sur les malades de la même manière et perdent leur réalité substantielle. Le délire des négations auquel aboutissent les formes graves s’explique ainsi par des troubles moteurs.

Ceci étant, ce syndrome revêt aussi la forme d’une structure simple, peu diffusée en dehors de l’hexagone, et qu’il est ardu ou rare de voir se réaliser dans la totalité de ses composants. Mais le type dégagé par Cotard et les descriptions cliniques dont lui, autant que Séglas, nous ont gratifié gardent un art de fraîcheur des plus saisissants.

 

Dans l’article sur le délire de négation, Cotard adopte une méthode de comparaison entre deux types d’évolution : évolution des délires de négation, évolution des persécutions. Il essaye de tracer la marche progressive qui, à partir de l’hypochondrie morale, première vraie manifestation de la mélancolie, met en forme des thématiques de ruine, de perdition, de damnation, pour mener au délire de négation systématisé. Ainsi, chez Cotard, il y a une description sémiologique classée selon le modèle des facultés lésées et des fonctions altérées, mais il nous semble qu’on y trouve aussi une mise en évidence du processus mélancolique et de son développement, montrant à quel point la négation s’étend d’un espace intime jusqu’au cosmos, en introduisant le malade dans une temporalité sans heurts, vissée sur elle-même scellant dans son éternité l’infinie langueur d’un corps qu’aucun nouage raccorde. Le mélancolique chez Cotard est un « pseudo-mégalomane » affligé d’une compacité incoercible. Les persécutés ne sont jamais réellement négateurs et l’origine du délire de négation véritable est soit dans la mélancolie avec stupeur, soit dans la mélancolie anxieuse. Nous avons là deux états analogues au fond, l’anxiété les rapproche et les caractérise. L’évolution diffère, les mélancoliques du second type étant les plus aptes à verser de temps à autre vers un pôle persécutif.

 

L’axe de la recherche développée par Cotard : délire de négation et d’énormité, l’incite à introduire quelque chose qui va plus loin qu’une clinique des troubles de l’humeur.

La méthode comparative oppose le persécuté (bonne image de soi, mégalomanie) au négateur (hypochondre, délire d’immortalité qui n’est pas mégalomane, c’est un délire d’énormité, non un délire de grandeur, il ne doit pas mourir, il doit souffrir).

Le mélancolique est opposé au paranoïaque d’une façon très systématique et très élémentaire. Le débat est centré sur le phénomène de l’accusation. À celui qui accuse l’autre est opposé celui qui s’accuse lui-même. Mais cette dualité construite par Cotard cernera davantage des mécanismes et des phénomènes que des sujets. Il n’y a pas toujours possibilité de faire pronostic que le mélancolique auto-accusateur, toujours restera campé sur cette position d’adresse à l’autre, et de même en ce qui concerne le persécuté accusateur. Il est des formes mixtes et des étapes dynamiques. Aujourd’hui tout le monde sait que le délire de D.P. Schreber a débuté par un Cotard, et de cette mystérieuse crise inaugurale, trouve-t-on écho dans le si célèbre « je suis un cadavre lépreux, traînant derrière moi un autre cadavre lépreux».

 

Soucieux de défendre l’originalité de la négation, soucieux de distinguer les persécutés des négateurs, Cotard insistera beaucoup sur le fait qu’il convient encore de départager le délire de négation du délire mégalomane de la grandeur.

Si les négateurs touchent à l’immortalité c’est qu’ils sont astreints, sans répit, au devoir de se

livrer à un châtiment. Ultime pointe toutefois, où l’Autre de la Volonté fixe un devoir au sujet.

La description est attentive à la thématique de damnation. Cotard rapproche, dans son article sur la mélancolie anxieuse, l’errance mélancolique en quête du jugement de celle des aliénés vagabonds. Compulsant l’Encyclopédie des sciences religieuses, l’article de G. Paris sur les Juifs errants retient toute son attention. Les épopées de Cartophillus 1228, Ahasvérus 1547, Issac Laquedem 1640, qui se croyaient coupables d’une offense envers Jésus-Christ et condamnés à errer sur la Terre jusqu’au jour du jugement dernier semblent en écho avec les conduites errantes de certains malades mélancoliques partis en droite ligne, seuls, lancés à la recherche de ce point de l’espace où, enfin, une parole, une sentence viendrait les fixer[15].


Critiques, relativisation et extension du syndrome de Cotard

 

Dix années après la description de Cotard, se posa la question du congrès de Blois (1892): « Le délire des négations est-il une entité. Comment en estimer sa valeur diagnostique et pronostique ? ». Le rapport fut fait par le Dr Camuset (directeur-médecin de l’asile des aliénés de Bonneval). Des observations affluèrent, là encore l’introduction d’un paradigme neuf bouleversait l’attention clinique, l’on se mit à voir ce qui autrefois était indistinct.

 

La clinique du corps psychotique et de la damnation d’immortalité commence à écrire ses archives.

Extraits :

« La malade est âgée aujourd’hui de 68 ans. Pas de renseignements sur ses ascendants. Elle a un fils qui a été atteint de la mélancolie avec conscience et une fille très débile. Il y a 30 ans elle a eu un premier accès de folie dont elle a guéri.

Cet accès s’est présenté d’emblée sous forme de mélancolie anxieuse avec délire des négations.

La malade disait qu’elle était en pierre, qu’elle était une statue, qu’elle n’avait pas d’organe comme les autres femmes, qu’elle ne pouvait pas mourir, qu’elle était condamnée à l’immortalité. Elle expliquait la chose en disant que sa mère enceinte d’elle avait été troublée par la vue d’une statue de cire, et qu’elle avait accouchée d’une statue. L’accès était accompagné de refus d’aliments.

Après ce premier accès, la malade resta bien portante pendant dix ans. À ce moment, nouvel accès sous la même forme et guérison. Puis ainsi de suite depuis cette époque, les accès tendent de plus en plus à se rapprocher. C’est aujourd’hui le sixième.

Dans chaque accès, la malade manifeste toujours les mêmes idées. Elle est en pierre, elle ne doit pas mourir, ce qui la désole, aussi ne fait-elle plus de tentative de suicide, les considérant comme inutiles. Elle ne peut donc pas disparaître, mais elle voudrait être oubliée, abandonnée, et qu’on ne s’occupât pas d’elle.

Comme elle est en pierre et incassable, il lui arrive de se laisser tomber lourdement sur le plancher. Elle trouve réponse à tout sans abandonner son idée qu’elle est une statue. Elle a

accouché c’est vrai, mais c’est parce qu’on lui avait mis un double ventre au-devant de sa

matrice inerte. Sa tête est damnée et possédée du diable. Quelques illusions de la vue mais pas

d’hallucinations[16].

 

La patiente est âgée de 70 ans. Dans son délire, surviennent des idées hypochondriaques. Sa peau n’est pas une peau humaine, c’est une peau de bête, une peau de vache, de chien. Alors elle se déchire la figure et se frappe la tête pour enlever cette peau étrangère, enfin elle se mutile

de son mieux[17].

 

La relativisation du syndrome de Cotard se fit sur deux axes. Quant au culmen de sa manifestation d’une part, et, d’autre part, quant à la spécificité de ses rapports avec la psychose mélancolique. Treize ans après que Jules Cotard eût engagé son syndrome, pour en faire une entité, Séglas en élargit la compréhension de sa situation clinique. Il ne le maintient pas en ses liens étroits avec la mélancolie : « On ne doit pas dire que les différents délires mélancolies sont des formes de la folie des négations, mais bien que la folie des négations n’est qu’une forme de la mélancolie » (1893). L’isolation du mécanisme propre au délire de négation, si elle se fit plus aisément, pour la mélancolie anxieuse et devenu susceptible de d’étendre avec profit pour le dégagement de bien des formes de psychose.


« Les persécutés mélancoliques » : derniers travaux

 

Juste à la fin du siècle, il y a un autre médecin des asiles, à Bordeaux, homme de bonne érudition, fort modeste dans l’exploitation qu’il offrait de ses observations cliniques, mais très fin clinicien, en un mot G. Lallane, auteur d’un fort honnête et bien écrit ouvrage sur les persécutés mélancoliques. Son livre paraît en 1897. Soucieux de rincer des brumes de la confusion diagnostique les zones d’interface entre le délire des persécutions de Lasègue et le délire chronique de Magnan, il façonne une typologie des persécutés mélancoliques. Mais, pour cela ne retient-il que des axes classificatoires assez lâches et descriptifs uniquement de la temporalité des phases et des accès de l’un ou de l’autre pôle, qui sont également susceptibles d’être combinés.

 

Sa clinique est, en revanche, passionnante. En voici un échantillon détaché.

M. N., trente-sept ans, entrepreneur de travaux public[18].

Au moment de son entrée dans la maison de santé, ce malade donnait depuis deux mois environ des signes de lypémanie aiguë, il s’imagine être victime de machinations ténébreuses ; il craint continuellement qu’on fasse sauter ses chantiers, sa maison avec la dynamite. Il déclare que le boucher voisin débite de la chair humaine qu’il prétend connaître à une odeur particulière ; il se désole au sujet de crimes qu’il aurait pu commettre et se livre depuis deux ou trois jours à des prières et autres manifestions religieuses pour obtenir le pardon de ses fautes. Le malade a des idées de suicide. Le malade est en outre sujet à des paroxysmes anxieux d’une violence suraiguë qui rendent son état assez grave.

Après une période de trois semaines avec les symptômes habituels de la lypémanie aiguë, le malade a été pris tout d’un coup d’une crise suraiguë de panophobie avec agitation incoercible, refus absolu d’aliments, tendance constante au suicide. Il se croit environné de machinations : « on chauffe des fours et on creuse des puits pour l’y mettre ». Il est tout à fait hagard. Cette crise suraiguë dure une quinzaine de jours, après lesquels le malade mange mais avec une grande répugnance; il ne dit rien à personne, et si on lui parle, ne répond qu’en reprochant les machinations dont il est l’objet. II a des tendances dangereuses, il ramasse des pierres ou des objets de bois et de fer dont il peut faire un mauvais usage, sans préciser quel usage. Les idées de suicide semblent peut-être moins actives.

Bientôt le malade s’améliore physiquement surtout, mais le délire reste le même. Deux mois après, l’état est maintenant très bon, le calme habituel, mais le délire est aussi profond. Le malade se croit soumis à des épreuves en expiation de ses fautes ; il est dans l’enfer et y entraîne tous les siens. On prépare des fours pour l’y faire brûler. Il a probablement des hallucinations de l’ouïe.

Le malade devient dangereux pour son entourage: il a essayé d’étrangler un gardien en lui passant un foulard autour du cou. Puis, progressivement les symptômes s’atténuent... Au mois de janvier de l’année suivante, on peut noter : lypémanie tendant à la chronicité et à la systématisation ? Ce malade qui a eu au début un véritable accès de lypémanie aiguë, avec délire de culpabilité, sitiophobie, tendance au suicide, tend progressivement depuis plus d’un an, vers un délire systématisé avec un fond de dépression, toutefois, il a la réticence des persécutés et reste dangereux. Le fond de son délire est mystique. Il croit que Dieu lui a dit qu’il y avait trop de monde sur terre et il a cherché à le diminuer en tuant quelqu’un. Dans le mois de juin, il répète constamment que pour gagner le ciel perdu par sa faute et pour éviter les souffrances qui l’attendent, il faut tuer quelqu’un.

Le malade est sombre et l’humeur persiste en juillet. En septembre il a essayé de mettre le feu à sa chemise avec une allumette trouvée.

Octobre : Même état, apparence de calme.

Novembre : Dans la nuit, il est parvenu avec une habileté inouïe à sortir de sa cellule, à prendre les clefs de son gardien endormi et l’a assommé à coups d’une hache qu’il était allé chercher au loin dans une cour de service. Après son crime ne manifeste aucun sentiment humain. Il est seulement plus sombre et plus préoccupé, a été transféré dans un autre asile dont il est sorti complètement guéri.

 

Ce qui se marque là est peut-être plus intéressant que la question de la dangerosité ou de la persécution. Il s’y indique en quoi seule, une passion de la causalité persécutive peut, pour ce patient faire barrage au phénomène d’envahissement du sujet par une jouissance non pacifiée par le signifiant, une jouissance antérieure au principe de plaisir, et dont la référence à l’animal et au cannibalisme est le signe le plus déchirant. De l’exclusion d’au moins un pour faire tenir l’ordre comptable des humains et des générations, voilà qui est une nécessité de fonctionnement propre à la structure symbolique. Faute d’y avoir accès, faute d’en jouer au bord ou sur le bord, la psychose dans son essai de rigueur tente par l’acte, du délire de réaliser cette évanescente nécessité logique.


Perspectives

 

L’agencement des signes du Cotard est d’emblée fixé dans sa forme définitive. Il est pratique et les critiques ne l’ont pas rendu caduc pour la clinique. De son étiopathogénie, aujourd’hui obsolète, nul ne s’en soucie trop de nos jours.

Quant à la deuxième attaque contre lui porté : il n’est pas spécifique de la mélancolie bien qu’il s’entende plus nettement dans la mélancolie anxieuse, loin de le démembrer elle l’affirme. On pourrait presque dire avec T. Trémine « qu’il est quasiment reproductible pour l’élève qui en dispose, en changeant les figures propres aux malades observés »[19].

Nous pensons que reconsidérer un certain nombre de tableaux, aujourd’hui frappés d’oubli comme la paranoïa de Kretschmer pourrait se faire de ce schéma de renversement mélancolie/persécution.

 

Pour la clinique psychanalytique de la psychose qui motive cet article, l’importance du « syndrome de Cotard » provient sans doute de la saisie de la scène psychique qui est celle de notre solidarité (et donc non de notre prétendue homogénéité) avec la psychose : l’incondition humaine dans le corps et dans le langage. Pour ce syndrome, le mécanisme de la négation est autre que celui de la négation signifiante, car avant la rencontre avec le manque symbolique (névrose) quelle affirmation serait possible, si ce n’est celle d’un acte de parole de le Non et le Oui sont confondus pour dénoncer le rapt de la signifiance.

La négation de Cotard est une affirmation totale qui s’impose logiquement de façon délirante. Ce n’est pas un jugement, ni un démenti du jugement d’attribution[20]. En cela mort du sujet, évanouissement de l’Autre et naufrage du corps dans le pur réel de l’objet sont bien les arêtes de la triade transubjective du psychotique. Qu’au sein de cette structure, ce qui en relève n’a pas forcément le même sens pour le singulier est ce qui s’actualise du renversement des suppléances. Au-delà de la négation, les variétés du rapport du sujet à son corps s’établissent de la fixation à l’image et du rapport de cette image au corps, rapport susceptible de prendre consistance dans le transfert.

Quand on porte intérêt, c’est assez freudien, au chapitre de l’accusation afin de cerner la place de la mélancolie dans la structure psychotique, on est loin d’un concept comme celui de dépression et loin, en conséquence, d’une clinique de l’affect et de l’énergie. Non qu’il faille, celle-ci, au rebut la rejeter. Dans la problématique suivante : « comment situer le renversement du procès autoaccusateur vers le procès accusateur ? Il est question d’entendre que la polarité mélancolique, comme la polarité paranoïaque sont toutes deux des essais de rigueur (dixit Lacan), pour réinscrire dans le monde un principe totalisateur d’ordre et d’ordonnance. Il y a dans ces délires une exigence éthique abstraite et détaché du souci de la vie : la proximité dévoratrice du vide se parle dans le langage de la justice, du mal et du châtiment.

Point de place pour la nostalgie et le semblant.

Le syndrome, un peu négligé de nos jours, que présentent ces « persécutés mélancoliques» est un phénomène où sont inclus ensemble le pôle mélancolique et le pôle persécuté-persécuteur.

Oublier cette possible bi-polarité là, dans l’examen de la mélancolie, ce peut-être une façon d’éluder ce dont il s’agit dans le repérage de la structure psychotique: la confrontation abrupte à cette version de l’Autre d’où, sans relâche, émanent des injonctions suscitant le paroxysme de l’angoisse. Si le paranoïaque réussit, selon Lacan, à garder l’objet dans sa poche, le mélancolique, lui, n’a plus de quoi empocher l’objet. La consistance n’est pas la même du « nœud de trèfle » de la paranoïa (où le sujet se confond avec l’instance du moi et où existe le lieu d’une altérité intrusive et jouissante), au trou de l’hémorragie mélancolique où tout bord de corps est happé par le néant, éternisé en « rien ».

 

En fait, dans la clinique nous rencontrons beaucoup de délires d’allure mixtes, une potentialité mélancolique se déduisant des tableaux de paranoïa, des mélancoliques témoignant de vécus persécutifs. Tel qui se trouve pris, dans le secours d’une signifiance établie, dans un corps dont chaque organe pose problème, ira annoncer que sans relâche, des forces hostiles et surnaturelles lui volent ou lui endommagent ses organes et ses fonctions, tel qui se dit mort à tout jamais, s’identifiera à un objet de jouissance mais connaîtra aussi des hallucinations où se déchaîne la voix jouissive des signifiants de l’injure sexuelle et/ou ordurière. Tout porte à penser que l’abord de la psychose par la question de la forclusion et du déchaînement du signifiant, doit être complété et articulé avec un abord davantage topologique de l’objet et de la jouissance, abord annoncé par Lacan en 1966[21].

 

De là, découle la nécessité d’une extrême prudence thérapeutique, lorsque nous voulons

réduire la pente délirante (délire d’indignité, autoaccusation de la mélancolie). Car ces pentes redonnent une armature de consistance à la constance d’un autre. On sait que le passage à l’acte où le patient effectue avec son corps l’exclusion signifiante qui n’a pas eu lieu, est dérive fréquente chez les psychotiques mélancoliques (mais aussi chez certains enfants autistes). Comment cesser l’errance ? La réponse fut entrevue par Cotard et par Lallane. La persécution fixe. Disons, d’un point de vue topologique qu’elle oriente autrement le corps-objet dans les coordonnées de l’espace de jouissance. Ce qui impliquerait alors que dans la linéarité d’un travail avec le psychotique soit nécessaire comme la potentialité que s’oriente l’objet dans les rets de la sortie paranoïaque de la psychose mélancolique. 

 

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[1] Psychologue clinicien, C.H.S. de Ville-Evrad. Service de M. le Dr Lacassin, Université de Rennes 2, laboratoire de cliniques psychologiques, 6 avenue Gaston Berger- 35000 Rennes.

 

[2] Regain d’intérêt dont un récent colloque (décembre 1992) à l’hôpital St Anne témoigna avec rigueur. Organisé par l’Association pour l’aide à la recherche clinique (Université de Paris XIII) il permit d’entendre Y. Baumstimler, J. Cacho, M. Czermack, M. Darmon, H. Frignet, et bien d’autres...

[3] Ce qui ne veut pas dire un manque. Il est des ablations chirurgicales qui ne délestent pas le corps d’un en-trop d’excitation, qui ne fonctionnent pas psychiquement comme des ablations signifiantes et laissent le sujet anéanti dans son « en-trop» de corps.

[4] in Signification psychanalytique du syndrome de Cotard, p. 217.

[5] in Manuscrit E des lettres à Fliess.

[6] cf. biblio., p. 253.

[7] cf. le placenta rituellement enterré, ou le morceau de chair tranché lors des circonstances (voir à ce sujet la littérature de Maertens).

[8] Observation 5, article sur le « Délire des négations » édition de 1891, pp. 334-335.

 

[9]  in Le discours mélancolique p. 5.

 

[10] La folie des persécutions était connue depuis longtemps, et c’est à Kant qu’on en doit la première description« clinique» in Essai sur les maladies de l’esprit 1764, Dans le champ de la psychiatrie, Pinel avait été un des premiers à observer des persécutés et il avait noté la transformation du délire en mégalomanie.

[11] Cité par Meilhon A. Thèse de Bordeaux 1886.

 

[12] On sait que chez Baillarger, déjà, la négation des organes était observée et considérée comme un symptôme hypochondriaque rattaché à la clinique de la paralysie générale, concernant les allégations de

négations des diverses parts du corporel, jamais chez Séglas, Cotard ou Régis, ces étapes furent hiérarchisées. En ce qui concerne le contingent fort modeste d’observations que nous avons pu faire, soit en reprenant le très modéré rapport du Dr Camuset, soit dans notre travail en psychiatrie adulte chez M. le Dr Lacassin (C.H.S. Ville Evrard), nous avons le sentiment que la première destruction alléguée concerne les orifices, puis les organes internes (enfin interne pour qui ?) enfin les membres, le patient allant coaguler l’horreur de l’énigme de sa matière corporelle avec un élément déchet en un temps ultérieur encore.

 

[13] Le règlement modèle de 1857 des asiles délimite une nécessité de l’observation selon le cadre et la méthode établis par Falret.

[14] Leuret, dont l’observation sur « la personne de moi-même fut reprise, quoique émondée des moments d’injonction du traitement moral, par J. Cotard dans son article de 1882.

 

[15] En 1897, Lallane eut dans son livre, Les persécutés mélancoliques cette phrase définitive : « la mélancolie fait errer, la persécution fixe ».

[16] Camuset, 1893 observation 3 pp. 16-17.

 

[17] op. cité observation 14 p. 24.

[18] in Lalane, 1892, pp. 69-71.

 

[19] in « La personne de moi-même » p. 77.

[20] Alors que l’on peut penser avec M.C. Lambotte que des mélancolies non psychotiques ont un discours tressé autour du démenti.

 

[21] in Présentation des Mémoires d’un névropathe.