Mythe et réalité du psychologue de servive public

Par S.G. Raymond

Psychologue hospitalier honoraire. Hôpital de Ville Evrard. Praticien chercheur. Fondation pour la mémoire de la Déportation. Expert judiciaire et enseignant de psychiatrie Légale au C.H.U de Bicêtre - sgraymond@aol.com

Ce texte est dédié à la mémoire de Joëlle Leclère, notre collègue du collège des psychologues de L' Hôpital de Ville Evrard !

AVERTISSEMENTS

Les avancées scientifiques contemporaines ont réponse à tout. Notamment aux questions fixant les limites entre santé et maladie. Pour Claude Bernard" la définition de la maladie a épuisé bien des définisseurs" . G Canguilhem a repris la question en restant prudemment dans la logique du raisonnement biologique où toutes les maladies, physiques ou mentales, sont des maladies somatiques. Qui peut dire, aujourd'hui hui, la différence entre santé mentale et maladie mentale? Qui peut distinguer logique psychique et logique somatique? Cette dernière contribuant à la mise à l' écart de la perspective psychique, en gommant les particularités. Les cliniciens insistent, cependant, sur cette question reprise par M Foucault, de savoir pourquoi la psychologie s' efforce de ressembler à la médecine organique, et pourquoi cette discipline ne parvient pas vraiment à "déterminer avec précision les raisons pour lesquelles certains individus sont sujets à des troubles psychologiques" et d' autres moins? Pourquoi aborder les" pathologies mentales" à partir d' un modèle somatique alors que chacun, dans son travail clinique, et souvent en dehors, sait bien que ce qui est appelé "maladie mentale" ne correspond en rien à la définition de la maladie en médecine? Que signifie cet enfermement de la psychologie dans cette posture de désengagement, c' est à dire de complicité passive qui la conduit à constater les rapports impossibles entre justice et médecine , d' une part, entre médecine et psychanalyse, d' autre part, alors qu'il lui appartient de "jouer" ces incompatibilités? Qu' est-ce qui peut l' amener à marcher dans les pas d' autres domaines de la pensée, et ne risque t-elle pas d'y perdre la sienne propre?

1- ACTUALITÉS

Si une histoire de la clinique psychologique devait retenir l' intérêt, il est probable que ses débuts seraient voisins du vaste mouvement de décolonisation que la France a connu à partir des années 1960. Pas seulement concernant les territoires, mais bien la pensée toute entière. Là se situe, avec la commission animée par Christian Fouchet en1965 et visant à réformer les Universités, la "mythologie de la médecine moderne"(Sournia, J.C 1969), c' est à dire l'avènement de la biologie, soit une biologisation de ce qui était auparavant pratiqué comme un humanisme. Une pratique qui devait, désormais, obéir aux exigences des corporations. C' est sûrement dans cette perspective qu' il faut comprendre le climat contemporain, chez le psychologue hospitalier d' un."j' aime bien ce que je fais, mais je n' aime plus comment je le fais "(Raymond, S.G .2005). Comment parler de pratiques nouvelles sans se demander si le climat dans lequel elles s'exercent ne les modifient pas? Et si les miettes de psychologie semées par les médias dans les populations, ne contribuent pas à créer la confusion rendant ces pratiques plus difficiles encore. Dans le champ de la santé psychologique, il va de soi que les rapports de subordination à la santé somatique que connaît cette psychologie, en limitent les effets, au risque même de les annuler par les effets de capture des comportements sociaux que supposent cette biologisation. Dans le service public hospitalier, on remarquera que ces logiques de certitudes tendent â s' assouplir au profit d' un peu plus d' épaisseur humaine et de réflexion. La médecine, de plus en plus technicienne, accepte sans trop de réticence, à concéder aux malades, leur part de santé et paraît admettre les possibles méprises entre santé mentale et hygiénisme relationnel mettant en jeu les intimités, c'est à dire q' elle accepte de penser les individus non comme des individus statistiques indifférenciés, mais bien comme des personnes dont elle n' aurait pas complètement le monopole.

Sur ce registre, le déséquilibre entre hygiène physique et hygiène psychique devient préoccupant. C' est assurément, ici, que se profile la posture du clinicien, celle du "nouveau psychologue" nietzschéen ayant pour mission de mettre fin à la superstition scientifique (Nietzsche ,F.1888),une superstition faisant du service public un véritable désert affectif où tout est à inventer. Ce psychologue se trouve en situation de se demander ce que peut bien vouloir au clinicien, ou attendre de lui, celui qui adopte tel ou tel comportement? Celui qui présente tel ou tel symptôme? Faisant palinodie, il en arrive à se demander ce qu' il attend lui même, et s' il ne fabrique pas, de toute pièce, les attentes auxquelles il est censé répondre, ou auxquelles il lui revient de s' ajuster? Quelles convictions peut bien les animer et quel type de vouloir se trouve ,là, mis en jeu? Ces questions ne sont pas simples! Elles obligent chacun à se demander si, vu de partout, l' objet(celui de la clinique psychologique), n' est vu de nulle part, et donc, "n'est plus vu du tout". Comment le faire apparaître, ou réapparaître. Plus simplement le cerner, et quelles en sont les possibilités?

2- CONDITIONS DE POSSIBILITÉS

Comment situer la clinique du psychologue, celle du clinicien, dans la politique prophylactique en voie de consolidation? Que dit la clinique de ce psychologue, des stratégies de rapports aux corps qui constituent l' essentiel de ses observations; rapports de l' individu avec son propre corps, avec le corps d' autrui, avec les corps de l'Etat ; soit aussi avec les institutions républicaines et les liens qu' elles entretiennent avec la démocratie? Que dit-elle cette clinique, des subdivisions du handicap: handicapé moteur, handicapé physique, handicapé mental, handicapé psychique et de toutes ces classifications dont rien ne dit qu'elles satisfont les intéressés où leurs proches (Baillon, G.2009), avec les risques de confusion dont pourraient avoir à souffrir la dernière cause nationale, celle des "autistes".

Que nous apprend-elle, cette clinique, des regroupements constitués ou en cours de constitution ? celle des brouillés du discernement, des transgresseurs de tous ordres, celle des sujets précocement vieillis, tardivement matures et dysharmonies dans toutes ses acceptions, sans omettre les victimes, asynchrones du développement biologique eu égard au développement social... ? La clinique du psychologue ne peut ici céder sur les mesures d' ordre public, visant à éluder ces interrogations, et à se substituer aux soins du singulier. Personne ne viendrait mettre en doute les progrès spectaculaires de la Science. Aux conditions que ce discours puisse se situer en dehors de celui des appointés, et qu' au nom de la prévention ou du principe de précaution, les "invalides" ne se voient pas délaissés au profit des moins voyant-bien portant, en déclarant avec conviction, l' étiologie neurologique de l'autisme. Personne jusque à hier ne s' y était aventuré !Les troublés du psychique sont -ils condamnés à subir les traitements des malades somatiques. Doivent-ils être soignés par ce qu'on veut qu' ils soient, ou à cause de ce qu' ils ne sont pas? En toute raison, ces questions s' imposent dans le quotidien du psychologue, et l' obligent à s' interroger sur les décisions imposées par l' Etat en ces domaines. Que peut bien vouloir dire cette création de psychothérapeute de l'Etat, sinon d' établir de nouvelles formes de contrôle des citoyens en autonomie limitée, maitrise pouvant être apparentée à une nouvelle force de police, celle des comportements et de la pensée, fonctionnant en annexe au fonctionnement des forces de police de proximité de nos quartiers. Comment imputer aux concours de circonstances, la récente ouverture de la chasse aux psychanalystes, et le projet de mise en place d'un statut de criminologue, alors que celui des psychologues est en suspens depuis six décennies. Il n' y a sûrement pas de vraies réponses, mais toutes les possibilités sont envisageables ! La psychologie est vue de partout, les psychologues sont nulle part , les personnalités statistiques prolifèrent et les autorités simulent la surprise devant ce qu' elles nomment en un langage qui n' est pas le leur "passage à l'acte" sans vraiment se questionner sur leur contribution! C' est à dire sur les conditions de réalisation que leur silence encourage.

En nombre de psychologues, comme en profils de poste, les chiffres ont peu varié depuis un quart de siècle. Les autorités affichent douze à treize mille postes dans le service public (Assistance Publique Hôpitaux de Paris, de Lyon, de Marseille; Hôpitaux Départementaux, Hospices Civils...) en faisant preuve d' une confusion surprenante entre les professionnels Temps plein, les Contrats à Durée Indéterminée (C.D.I) et les Contrats à Durée Déterminée (C.D.D). Se trouve ainsi créé un état de fait en totale contradiction avec l' idée de Service Public ,en transformant les agents en prestataires de service; et détruisant toutes éventualités de carrière et d' assises pour le développement de la discipline. Ce fut de nombreuses fois souligné, les Établissements de Soins et de cures relèvent de dispositions Législatives et règlementaires communes. Cela vaut pour tous les personnels hospitaliers en leurs grades et emplois, à l' exception des psychologues . Une exception à laquelle les autorités n'ont jamais jugé opportun d' apporter une réponse cohérente face à des interrogations qui concernent pourtant le service public de soins dans son ensemble, et engagent la crédibilité même de ses instances. Il semble que ces non réponses mettent en jeu la conception même du soin. Bien que soumis à ces impératifs communs, le statut des psychologues varie d'un Etablissement à l' autre, d ' un Département à l'autre, d' un service à l'autre, et, dans le même lieu d' exercice, d' une équipe à l' autre... selon les humeurs ! Le psychologue dans le service public occupe la place du "Triboulet stratège", le fou de François 1°(et son meilleur conseiller); Il incarne celui qui joue et met en drame ce qui, dans l' institution, dysfonctionne, et questionne la société de façon plus générale. Peut-être pour ces raisons est-il voué aux gémonies? Il viendrait mettre en danger la fragile histoire de la psychiatrie (Postel, J et Quétel, C.1983.) et les intérêts qui se trouvent en dépendre. Du lieu de sa pratique, dans les clubs thérapeutiques, dans les Centres Médico Psychologiques (C.M.P), dans les Hôpitaux de Jour, les Centres d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel (C.A.T.T.P), à l' intérieur des Centres d' Accueil et de Crise (C.A.C) ou les Antennes de soins, ce psychologue est un analyseur, authentique observateur des conduites politiques, dont la mission consiste à desserrer et à abréagir (à faire surgir) les phénomènes d' emprise institutionnelle dont les sujets, les groupes de sujets sont victimes comme peuvent l'être les substituts institutionnels qui les reçoivent. Sa légitimité repose et s' alimente des arguments façonnés par son expérience des institutions cumulée à celles des travaux de groupe , inaugurés par les travaux de l'école de D. Anzieu (1981) et répond aux orientations posées par F. Tosquelles; J. Ayme; R. Gentis; H. Torrubia et quelques autres, au moment de la création de la Société de psychothérapie institutionnelle en1965 (Ayme, J.1966) autour d' un "qui parle? et de quelle place? Et à qui parle-t-on ? Sur quel registre le fait-on: Réel ? Symbolique ? Imaginaire? Toutes questions situées en dehors des préoccupations contemporaines et des canons de la réflexion courtisane en vigueur; Questions pourtant essentielles chez la personne qui s' efforce de dessiner une clinique du quotidien, en dehors du modèle appliqué à la Santé somatique et à la douleur qui s'y trouve attaché. Chez ce clinicien prudent, interrogateur sur une démarche qui vise à s' approprier les corps et à assigner leur porteur au silence, les obstacles sont difficiles â surmonter: Le dialogue imaginaire est condamné au silence, le dialogue social est captif de la pensée biologique et les populations assignées à défiler dans les rues pour dire leur opposition à l'autisme ("journée nationale contre l' autisme") comme aux plus beaux jours du moyen âge contre les épidémies de choléra. Et les psychologues-psychanalystes, malgré quelques soubresauts, sont devenus aphasiques. Tous' en remettent aux principes des procureurs pour la surveillance des libertés, et à ceux des préfets pour les logiques sécuritaires.D es philosophes comme G Deleuze (2002) ou Aristote bien avant lui, ont tous insisté sur cette règle qu' il était possible d' apprécier la solidité et la pérennité d' un Etat et sa cohérence, à la lumière des lois dont il pouvait se pourvoir: plus il y a de lois, plus l' Etat est fragile. La pléthores des textes devenant un indicateur de fragilité. A ce propos, une simple consultation des textes relatifs aux "soins psychiatriques sans consentement" destinés à la Formation continue des magistrats (Mars 2012) donne une assez juste lecture des brouillages et des filets qui se sont tissés autour du discernement citoyen. En abaissant les seuils de responsabilités des personnes,et en réduisant leur périmètre d' autonomie, l' intégration et la noyade de tous les handicaps dans le social devient réalisable. C' est à ce décodage là que le psychologue clinicien est d' abord astreint; ce qui fait la condition même de sa clinique. De ce point de vue, une expérience se donnant pour objectif de mettre en accord cet essai de conceptualisation (qui vaut pour mémoire), avec les conditions de la pratique, mérite d' être relatée. Cette entreprise, bien que brève dans sa durée, a pu montrer que si les psychologues cliniciens en poste avaient une pratique susceptible de venir modifier la conception même des soins dans le champ psychiatrique, ils ne disposaient pas de moyens pour la transmettre en des termes acceptables pour et par la communauté. Ce projet relevait d' une logique, et d' une science en cours d' élaboration, celle du corps psychique proposée par H. Ey(1975) comme terre d' élection des psychologues. Ces arguments sont discutables, et le plus souvent repoussés en cela qu' ils remettent en question les propositions de G. Canguilhem(1966), sur les relations de continuum entretenues par la santé avec la maladie, et le rôle concédé à la maladie, un rôle posé par E. Giroux (2010) dans son "après Canguilhem" où se voit reprécisée la définition de la Santé, celle de la maladie et les relations avec la maladie mentale.

3 - EXPÉRIENCE

Entre 1979 et 1985, dans un climat hexagonal de bascule et d' incertitudes quant-aux orientations des politiques régionales de santé, une ouverture en faveur d' une stratégie psychologique dans le domaine du soin psychiatrique a pu être envisagée. ( Raymond, S.G.1981a) Un projet montrant que ce qui valait pour les soins physiques, ne valait pas nécessairement pour le mental avec les risques consécutifs à de telles réductions. Il ne s' agissait pas de parfaire la silhouette du "psychologue criticien" au sens de Santiago-Delefosse, M.2011), plutôt de soutenir une position quasi philosophique mettant en question un idéal empirique, soutenu par une "philosophie biologique", n' ayant rien à envier aux positions de C. Bernard. Une position de fin des années 1970 où le psychologue se voyait invité dans une période où l' épidémiologie était encore balbutiante, par le Pr Schwartz à se montrer un peu plus critique: " la plupart des gens meurent couchés! Faut -il en déduire que pour vivre longtemps, il faut vivre debout" pouvait-il déclarer. Il s' agissait là d' une ouverture offerte au clinicien par le statisticien pour le laisser tirer les conséquences de ses réticences à voir la santé mentale accolée à la statistique. Il était sûrement admissible de rencontrer la machine biologique deJ. Monod (1970) se promener sur les courbes statistiques des officines; il l' était moins pour ces personnes qui venaient "consulter", dans un établissement psychiatrique, un psychologue pour cette raison bien dite qu' elles ne recevraient aucun soin en la forme où elles avaient été accoutumées. Le climat rendait possible de telles initiatives. Certes, les psychiatres, forts encore de leur récent statut, se montraient soucieux de ne pas voir entamées leurs prérogatives. Et si certains pouvaient déclarer sans hésitation:" il y autant de psychiatres que de psychiatrie... Les psychologues n' ont rien à faire là...", la plupart se rendaient compte que ce territoire qu' ils considéraient comme leur appartenant, relevaient des congrégations religieuses, et que la circulaire du 15 Mars1960, initiant la politique du secteur, avançait à pas de tortue. Ceci, pour l'histoire encore à écrire de la psychologie clinique, car bien des proches, bien des tenants de la psychothérapie institutionnelle, et d' autres engagés dans les structures intermédiaires se situaient en dehors des corporatismes, et regardaient avec bienveillance ce qui pouvait ressembler à un progrès dans les dispositifs de prises en charge. Car il faut revenir sur l' histoire. Une loi de 1838, créé un établissement dans chaque département: l' Asile d' aliénés. Cette loi est une vraie mesure d' assistance et de protection des personnes démunies; bien des années plus tard, elle devra céder, avec la religion, sa place à l' hôpital psychiatrique (H.P) marquant le passage du religieux à la médecine officielle; viendra, en un temps plus bref, la création des Centres Hospitaliers Spécialisés ( C.H.S) ouvrant sur la politique de secteur, et marquant le déclin des médecins directeurs; puis ce sera la transformation de ces appellations en Etablissements Publics de Santé (E.P.S) signant le déclin du secteur, la naissance de la psychiatrie administrative et psychiatrie d' opinion, celle de la personnalité statistique, dressée contre la personnalité psychique, celle de l' individu enfermé dans les dossiers avec des chiffres comme muselières. Il faut bien comprendre cette persistance de la confusion où les dispositifs sont dessinés avant de savoir ce qui sera mis dedans,; il faut penser ce climat de brouillage où le professionnel vivant avec les enfermés dedans trouvait naturellement sa place auprès des familles et de la population. Celle-ci se tournait simplement vers lui parce qu' il était là, totalement là, à l' instar du personnage de J. Joyce (2004), une figure qui prend corps par le fait même qu' elle soit parlée. Pour tout dire, un psychologue clinicien qui tenait debout contre vents et marées. Une sorte de subjectivation cheminante, s' étoffant par étapes s' était mise en place, partant du domicile commun: l' hôpital, vers les visites à domicile (V.A.D), puis vers les Dispensaires, plus récemment transformés en Centres Médico- Psychologiques,( ces dispensaires rappelant de trop près les dispositifs anti- tuberculeux) , et se trouvait organisée en véritable stratégies d' opportunités(Raymond ,S.G.1985 f) Il s' agissait de saisir dans l' immédiat ce qui paraissait "miner" la personne" ou travailler son entourage. On faisait du Mannoni, M,(1970) sans vraiment le savoir. Durant six années, deux logiques sans prix à payer ont pu cohabiter (temps d'installation de l' expérience forfaitaire en psychiatrie, aujourd'hui en voie d' extinction), une cohabitation qui s' est trouvée interrompue par le fait d' un changement de direction, pas encore vraiment d' orientation: la clinique méritait d' être soutenue (Raymond, S.G.1984). Elle le fut par un nouveau paradoxe: la défaveur régionale, n'excluant pas la curiosité, la faveur nationale put prendre le relai.Mille neuf cent quatre vingt quatre fut l' année de fondation, ou de lancement, de la Mission Information Recherche Expérimentation (M.I.R.E), création placée sous les auspices du Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale(pilotée par L Brams) et où œuvraient déjà au moins deux collègues chercheurs. Ce projet M.I.R.E se donnait pour objectifs de susciter et valoriser les expériences singulières conduites en psychiatrie, dans cette période tout à fait féconde. De faire connaître aussi la littérature grise, c' est à dire les écrits et travaux de recherche menés en dehors des circuits officiels. Des appels d'offres, assortis de subvention, furent ainsi menés. Cette expérience de consultations spontanées et de suivis non orthodoxes (S.G Raymond.1985.) trouva un prolongement dans la création d' un groupe de travail consacré à "la place de la psychologie dans la société contemporaine, qui se tint sur les lieux mêmes de la M.I.R.E. Toutes les associations de psychologues et de psychologies y furent conviées, à partir de l' idée, sûrement maladroite, de poser la première pierre d' une psychologie publique de santé (S.G Raymond.1985).Dans ce "toutes" est à comprendre la suspension de ce projet. Un projet dont les termes n' obéissaient pas aux discours en vigueur chez les psychologues et aux orientations des universitaires, apparemment bien peu préoccupés de l' implantation de la psychologie dans le dispositif sanitaire, et très imprégnés, pour la plupart, de rester fidèle au développement d' une philosophie de la biologie, d' une philosophie de la statistique et de la médecine, tous convaincus du caractère mineure de cette science secondaire capable de déranger des certitudes incompatibles avec le projet initial à l' origine de cette démarche.

4- MISSION D'INTÉRÊT GÉNÉRAL (M.I.G)

Ce paradoxe régional-national eut une influence sur la définition de l' emploi. L' autorité régionale, en sa fonction de Président du Conseil d' Administration sût dire sa conscience de toutes ces confusions, insistant sur ce fait que les attributions budgétaires se trouvaient mises en cause. Et ne masquaient pas vraiment les différends entre les responsables quant-aux orientations de l' Etablissement. Ce faisant, la question de la mise en place d' une Mission d' Intérêt Général menée par un psychologue fut posée, et admise. Il s' est alors agi de la traduire dans un tiers temps, pour le professionnel plein temps, assimilé fonctionnaire de l' époque. La proposition reposait sur l' opportunité d' un espace de réflexion aux fins de développer des stratégies capables de démarquer la pratique psychologique sans qu'elle reste noyée dans les principes édictés par la pensée médicale. Les autorités en question semblaient comprendre les intérêts qui pouvaient être envisagés du fait de cette démarcation. Une simple observation leur ayant montré le dérisoire de la complémentarité.

Cette M.I.G plaçait le psychologue dans une position statutaire identique à celle de tous les autres agents. Fussent-ils médecins, infirmiers, personnels administratifs... ou délégués syndicaux. Il ne s' agissait pas d' un quelconque privilège ou d' une singularité statutaire dérogatoire.la décision de cette M.I.G revenant à l' autorité investie du pouvoir de nomination selon les dispositions du Code de la Santé Publique. Dans ce mouvement, inauguré par la M.I.R.E, une circulaire rappelant ces données fut adressée aux directions hospitalières, sans pour autant que ce rappel ait valeur d' obligation. Une voie se trouvait ouverte. Pas seulement au bénéfice des psychologues, surtout au service des usagers, à celui d' un projet psychologique, ou à celui d' une orientation de l' Etablissement. Etait-il utile de préciser de cette initiative, qu' elle concernait uniquement le psychologue titulaire? Le plein temps étant alors soutenu dans le service public, par l' idée de permanence. Les notions de contrat (C.D.I et C.D.D) n' étaient pas vraiment en usage. Quand les syndicats se mirent à les promouvoir, contre les intérêts du service public, de nouvelles sources de confusions s' établirent entre autorités administratives et inspection du travail. Ces lignes de fracture ont pu déchirer les psychologues statutaires, et les hors statuts, brouiller leurs possibilités de carrière (toujours en suspens), et surtout laisser toute liberté â la psychiatrisation des populations; un mouvement dont on peut mesurer, désormais, l'ampleur. La psychiatrie, avec la complicité passive des psychologues, utilisait une psychologie qui n' était pas celle des psychologues. Les choses ne se sont guère éclaircies! La médicalisation de la psychiatrie est maintenant avérée. L' hérédité biologique des caractères psychologiques est un fait. Le libre arbitre a trouvé son foyer dans une localisation cérébrale, et le gêne, comme substitut des dieux, ne paraît plus guère poser problème aux psychologues .La science des comportements avance à grandes enjambées, et les cléricalismes font florès.

5- FORMATION INFORMATION RECHERCHE.

Avec un sourire entendu, les responsables administratifs désignent les psychologues par le sigle "F.I.R",ce nouveau logo qui permet leur repérage (un peu comme le divan ferait le psychanalyste, la blouse le médecin, et la seringue l' infirmier) â l'intérieur des broussailles statutaires, admises comme telles par l' ensemble des acteurs. Ils se voient isolés de leurs orientations, étrangers à leurs missions. Tantôt personnels paramédicaux ou médicaux, tantôt personnels soignant ou de santé. ,beaucoup plus rarement nommés dans ce qu' ils sont, surtout quand il s' agit d' entrer dans des instances de décision ou quand il est question de responsabilités â l' intérieur de l'Etablissement. Tolérés, comme étrangers, ils sont noyés dans la structure, à l' instar du " handicapé" dans notre société, sans qu' on puisse vraiment le regretter, ou curieusement s' en réjouir!

Le F.I.R est inhérent au personnage lui même; il en est sa signature, une sorte de point d' articulation entre les aspects légaux, sociaux, thérapeutiques, institutionnels.. Imaginaires qui jalonnent son parcours, et qu' il lui revient, parfois contre son gré, de déplacer, c' est à dire d' en modifier les termes par le fait d' une disponibilité, souvent masquée derrière une sur-activité. Le F.I.R est le pas de coté de la pratique hospitalière, sorte de contenu de la M.I.G, elle même orientée par la stratégie, c' est à dire la politique. En dehors de la Formation continue, obligation propre à tous les agents. la Formation Information Recherche se définit par la Restitution Conceptualisation Transmission (R.C.T) de cette clinique de la personne, et du système qui la personnifie. Ceci dans les services, sur le secteur et à l' intérieur des divers instruments du plateaux technique, sur les lieu de formation d' autres personnels, et en privilégiant les publications portant leurs noms et fonctions, ainsi que dans tous les supports d' informations contingents, possiblement en marges des conventions "scientifiques" actuelles, encore bien éloignées des pratiques .Le temps F.I.R n' est donc ni un statut, ni une statue. Il relève des obligations du psychologue titulaire de son poste, il est constitutif de son emploi et ne saurait être rapporté à son grade. Il n' est pas un droit. Il est un devoir qui ne peut être posé comme objectif, en cela qu'il sert â objectiver. Il est la pratique elle même, et profile le dessein clinique. Le F.I.R ne peut, ce faisant, être envisagé comme un objectif à atteindre ou à défendre. Il est le psychologue. Problème de sigle, une certaine confusion a pu être observée entre M.I.R.E et F.I.R qui a pu rendre compte du flou des balbutiements de ce F.I.R dont la Mission Information Recherche Expérimentation fut le creuset, à la veille de la promulgation du statut des psychologues en 1985.

6- CENTRES INTERPRÉTATIFS.

La fin des années 1970 a vu naître de nombreuses associations de psychologues, tant dans les Etablissements de soins et de cure public, qu' à l' extérieur, dans la société civile et avec un même projet. Toutes manifestaient une préoccupation de devenir lieu de réflexion et de construction de la clinique, lieu de sauvegarde de ce qui a trait au singulier. De se poser, aussi, comme espace d' ajustement de ces exigences avec les dispositifs institutionnels en vigueur. Ce n' était pas un pari facile. Il prenait en compte les principes d' humanité et d' intimité d'une part, les nécessités imposées par les cadres d' exercice, d'autre part. Non dans le but de les opposer ou les subordonner les uns aux autres pour un compromis illusoire, mais pour les "jouer", mieux, pour les "interpréter" au sens où un orchestre s' y exerce et en déplacer les termes: ceux de la dualité .Plus! la bi- polarité. Un troisième terme qui vient déplacer le centre ou le trait d'union. L' entre deux fait place à un troisième et pose un barycentre, un point d' intersection. La plupart des professionnels, alors formés au psychodrame analytique et aux pratiques contingentes, pressentant très probablement les modifications que les structures et les populations concernées, allaient connaître, pensaient leur regroupement en termes de survie. Ces questions donnèrent lieu à des publications nombreuses autour des projets de service de psychologie, de département du même nom, fortement marqués du modèle canadien et empruntant le plus souvent au schéma médical français ou américain. Les psychologues, notamment les professionnels venant des écoles de pensée psychanalytiques, se montraient d' une prudence extrême tout en œuvrant à consolider leurs travaux. Sur ce fond de résistance informulées et de crispation à des modèlerais qui avaient fait leur temps, quelques psychologues hospitaliers, plutôt discrets, et sans vraiment de projets construits, surent mettre en place les premiers collèges psychologues. D' abord en province, puis dans les Etablissements de plus grande densité , ou comportant la desserte d' un nombre important de secteurs.

Cette survenue des collèges en dehors de ce que nous appelions alors "coalition médico-administrative", soit en dehors des stratégies administrative-somatique habituelles (excluant, de fait, les stratégies psychologiques) a pu montrer que les psychologues, parce qu' ils étaient psychologues, se souciaient peu de savoir s' il existait pour eux un marché dans le système de santé; de savoir si, dans les lieux de soins, ils répondaient à une nécessité ou s' ils devaient, eux-mêmes chercher à la créer. Ils étaient là, et les soins psychologiques ailleurs! Et ils savaient bien que les mouvements migratoires, les brassage de culture et les fluctuations conceptuelles allaient venir éroder les certitudes de la science des chiffres et de leur brillance, et conduire les psychologues à se questionner sur les altérations ou sur les effets somatiques créés par les refus de penser l' approche psychologique. Car, en dehors des activités traditionnelles portant sur les individus, sur les équipes, sur les groupes, les situations et ce qui les travaille, comment savoir s' il existe une demande chez les consultants? Comment en situer les raisons, en apprécier les origines et en identifier le ou les destinataires? Les psychologues ne sont pas dans la prescription mais se donnent pour mission d' en envisager les effets; ils ne sont pas dans le descriptif mais en suivent les circonvolutions. Les interrogations restent, le plus souvent. sans réponse, faute de retenir l' intérêt: l' expérience montre qu' il n'y a jamais de lien de causalité entre un traitement chimique, et la destruction de son corps, ou celle du corps de l' autre. Alors, pourquoi vérifier ?

Comment apprécier la demande chez les personnes s'adressant aux consultations d'' hygiène sociale, aux consultations d'hygiène mentale, d' hygiène sexuelle ou politique?

Sait-on l' origine de ces demandes? Les prescriptions sont-elles médicales ?Sont-elles judiciaires ?Sont-elles médiatiques ou de voisinage? Relèvent-elles d' un cheminement individuel, d' un engagement plus personnel dont il est possible de soutenir l'authenticité ?

Les psychologues restent d' une curieuse réserve à l' égard de cette vaste confusion, et les autorités feignent de n' en rien savoir, alors que les deniers publics sont en cause. La peur du désordre justifie bien des rituels ! La psychologie, dans ces affaires est toujours convoquée, bien peu écoutée, et les psychologues jamais convoqués. Dans ce domaine du psychique et de la santé mentale, le service public procède par emprunts et ajustements dont rien ne démontre que les bénéfices escomptées le soient en faveur des "usagers" qu'il faut aussi appeler "justiciables". Dans cette perspective, ces collèges de psychologues correspondent à d' authentiques centres interprétatifs au service même du système ont ils sont aussi le produit; un système de plus lus en plus complexe, puisque tous les comportements en marge, convergent vers, et viennent se confondre dans les soins. Cette convergence oblige le clinicien à se demander, bien informé des travaux de l' école de C.Balier (1996) et des maltraitances que rencontre la psychanalyse, quels arguments peuvent soutenir cette affirmation que les transgressions sexuelles relèvent de la médecine et que les prescriptions judiciaires peuvent s' appuyer sur ces arguments. Ces actes relèveraient-ils de la Science c' est à dire d' un savoir universel et transmissible?

Personne n'en sait rien de plus que les psychologues qui se réfugient dans un "je saispas "complice. Comment comprendre cette saturation des files actives où voisinent les obligations de soin ( avec ou sans bracelet électronique) c ' est à dire délinquants déclarés par la justice ou en voie de l' être, c' est à dire condamnés sans jugement à une obligation de soin pour "assouplir le jury", avec les suivis du secteur pré ou post hospitalisés et en demande de renouvellement d' ordonnance, comme les premiers le sont en demande d' attestation. Comment, dans ces nouveaux mariages des salles d' attente, les visages de la psychiatrie ne se modifieraient-ils pas conjointement à la finesse clinique des psychologues? Que peuvent bien enseigner ces demandes faites par procuration, ces orientations ou le code pénal se confond avec le D.S.M. Les menottes avec les médicaments et les robes noires avec les blouses blanches. Que nous apprend encore ces confusions entre Lois symboliques et lois pénales, entre médical et pharmacie, pharmacie et psychiatrie, maternage et demandes de protection pour causes de vulnérabilité, tromperie dans les orientations et dans les identités professionnelles des acteurs concernés. Le plus souvent ces consultants ignorent même la qualité des personnes qu, ils ont pu rencontrer! Ces collèges sont nés d' une nécessité, celle d' y voir un peu plus clair. Ils répondent d' une certaine façon à la question posée par O. Douville (2009) de savoir " de quoi la psychologie clinique pourrait bien être le nom? "Peut-être un bout de champ. "pensoir" des administratifs et laboure des médecins. Le psychologue de service public n' apporte pas de réponse au sens absolu, sinon celle de l'autodidacte nomade qui se meut dans la clandestinité.(S.G Raymond.2009). Au cœur de ces Centres Interprétatifs sorte de triangle équilatéral dont chacun des Angles incarne un corps: corps biologique-corps social-corps psychique, le point d' équilibre devient le barycentre, sorte de trou qui paraît correspondre à la glande pinéale de Descartes, qui peut aussi être pensé comme "signifiants". A l' égal de l' église du19°siècle et de ses dogmes pour accéder au salut, la "Science" contemporaine expose ses démonstrations et développe ses théorèmes avec triomphalisme, comme unique voie d' accès à l'univers. En prononçant l' oraison funèbre des croyances les plus anciennes, il n' est pas dit que Hawkings, S et Mlodinov, L(2011) ne se tirent pas une balle dans le pied. A l' instar de R. Debray, les psychologues peuvent dire: "Tournons nous vers le passé, ce sera un progrès! "il faudrait revenir sur la question du Sacré qui pourrait sacrement questionner le sacrifice et le sacrilège. Pourquoi donc la science ne dit-elle pas, comme purent le vivre quelques rescapés: "ensemble, nous sommes immortels, un ensemble constitué par des mortels, et si ces mortels ne peuvent plus faire ensemble, que vaut la science? Un jour viendra où ces apories , seront surmontées et où le mentir-vraie de L. Aragon livrera ses énigmes..On admettra alors que ces mouvements, sans but, recèleront pourtant des vertus méconnues. Faudra t-il alors séparer la Science de l'Etat conformément aux principes de laïcité établis par la loi de 1905 ?En attendant, les Centres Interprétatifs ont à s' implanter comme point d'articulation des situations insolubles, que ces situations touchent aux systèmes, aux institutions, aux individualités... Ce dont il est question relève en somme du "non-prédictif" et de l' inattendu, soit d' une équivoque comme moteur de toutes appréciations. Il fut une époque ou les diners en ville n' étaient pas rareté. En ce temps là, le chirurgien, invité d'honneur se voyait confier la tache de découper le poulet avec cérémonial. Depuis, avec les progrès de la Science, les poulets sont pré- découpés et placés sous enveloppes... Ainsi évoluent les statuts...! Il existe en tous cas des intérêts convergents entre service public et clinique psychologique.

7- AU BOUT DU CHAMP.

Affirmer l' existence d'une relation d' interdépendance, voire de réflexivité entre service Public de prise en charge psychologique d' une part, et psychologie publique de santé, d' autre part, n' est pas uniquement une formule de rhétorique. Elle oblige à revenir sur quelques points considérés comme acquis, qui ne l' ont jamais été, et qui revêtent désormais une grande importance. La pratique psychologique, centrée sur le sujet dans son intimité, se trouve, de plus en plus souvent, en butte avec ce qu' on prétend savoir pour lui, un savoir auquel il est tenu de se conformer. Le prix à payer pour réussir à se montrer conforme restant, lui, toujours en suspens, c' est à dire "en bout de champ", encore en travail , et producteurs de conséquences qu' on refuse de prendre en considération. En 1954 d' abord, puis aux lendemains de sa thèse en 1961 Foucault, M (1962) insistait sur cette impossibilité à établir un "parallélisme abstrait ou une unité massive entre les phénomènes de la pathologie mentale et ceux de la pathologie organique" soit une impasse de la pensée que, pour notre idée de service public, nous désignons par le bout de champ. S' il paraissait, en cette période de décolonisation massive, "impossible de transposer de l' une à l' autre, les schèmes d' abstraction, les critères de normalité ou la définition de l' individu malade", il est constant d' observer que les choses ne se sont guère modifiées, et que le raisonnement biologique tient encore le psychique en captivité. La pathologie mentale ne s' est toujours pas "affranchie" de la pathologie organique. Pas plus que le psychique et les comportements sociaux ne se sont libérés du poids qui pouvait peser sur eux. Un poids, "une dette"(?) qui pourrait s'appeler "pathologie". Le psychologique reste colonisé, à l'égal des praticiennes qui le personnifient, en remettant en question la définition de la norme elle-même, tout en interrogeant ce constat que le psychologique se conjugue au féminin à l' intérieur d'institutions, d'organisations et de formes de pensée fabriquées par le masculin et pour lui. La Science est objective... Et masculine! La psychologie est subjective. En écartant, résolument, l'idée de tout complot, ou même d' une action concertée venant des Sciences dures dans les années 1960, et qui qui ont vu la création des Centres Hospitalo-Universitaires (C.H.U) d' une part, et la réforme dans l' accès aux études médicales d' autre part, il faut dire l' incompréhension du citoyen devant le silence des psychologues face à un commerce qui allait se développer en prenant la santé mentale en otage.

Peut-on ne pas rester attentif à cette proposition Foucaldienne de la maladie mentale comme " fausse maladie", en cela qu' elle ne cadre pas avec la vraie maladie, celle que clame la médecine qui ouvre les corps et qui emprisonne tous les raisonnements. Pour ce psychologue ( Foucault ne s' est jamais donné de légitimité, disant ce qu' il n'était pas: ni helléniste, ni historien, ni philosophe... sans dire vraiment qui il était), les psychiatres sont des" faux médecins", c' est à dire des officiers de santé qui sont des "médecins bernés," tout juste tolérés par ceux qui ne le sont pas. Ces faux médecins soigneraient ainsi de fausses maladies, donnant aux soins une bien étrange couleur. C'est sur ce point que s'éclaire le pourquoi de Michel Foucault(1969), devant cette psychologie qui se cache, ou se prend pour la médecine,

Après la rencontre d'Esquirol avec le magistrat Regnault, à la Faculté de droit de Caen, courant 1808 où le magistrat put dire sa désapprobation devant la prétention des aliénistes à dire qui était responsable et qui ne l'était pas, cette responsabilité incombant selon lui, aux jurés populaires qui savaient "distinguer le bon grain de l' ivraie". Surtout après le vote de l'article 64 du code pénal de 1810, relatif â l' irresponsabilité des malades mentaux, ces faux médecins sont devenus des vrais embarrassés dans de fausses maladies qu'il allait falloir transformer en vraies, et que les congrégations religieuses prenaient en charge dans l'attente de ces nouvelles conversions. C' est après le vote de la loi du 30 juin 1838, créant un asile d' aliénés fans chaque département que les bénéficiaires de la loi de1810 trouvèrent un accueil, et que la folie devint maladie, par conséquent médicale. Sans mettre en doute l' efficacité de la foi, des méthodes plus corporelles jetèrent les bases d' une psychiatrie scientifique qui devaient trouver son épanouissement dans les prescriptions chimiques et la mise au pas de cette "maladie" rebelle, enfin devenue silencieuse. Les aliénistes devenus de vrais médecins, et la folie, devenue une vraie maladie, restait encore le social à domestiquer. Le mouvement est en cours...!. Là réside la discrétion de M.Foucault. Les psychologues, dont on admettra qu'il soit l' incarnation, sont devenus les "faux médecins" agissants, noyés dans les équipes médicales, noyés dans les sociétés savantes toutes d' origines médicales, fussent-elles dénommées psychanalytiques, psychologiques ou psychiatriques. Ces hommes, les femmes le plus souvent, y trouvèrent une légitimité clandestine qui vint renforcer celle du masculin, les psychiatres se nourrissant de la justice et du psychologique, y gagnèrent en crédibilité auprès des médecins du corps, et auprès d' un corps social qui paraissait avoir renoncé à comprendre. Ces situations sont en évolution constante désormais . Elles procèdent par tâtonnements et constituent un authentique handicap pour le service public, à la fois pour les usagers comme pour ceux dont la mission est d' organiser ces services. Les autorités sont dans un bout de champ dont elles ne peuvent sortir, une position impossible face au gâchis en jeunesse, en qualifications, en carrière, en temps, surtout en deniers publics et en qualité de soins. Le psychique doit sortir de cet enfermement que lui imposent les sciences connexes et le raisonnement des scientifiques appointés... Suivie depuis près de trois décennies, Francine, qui supervise cet écrit peut affirmer en souriant:"...de ce que j'ai, si c'était une vraie maladie, je serais guérie depuis longtemps. Ou bien morte! Ce que j'ai, ça se soigne, ouais! Mais c' est pas une maladie..." Comprenne, qui pourra..! Doit-on, pour autant l'assigner au silence.

PROPOSITIONS !

Qu' il soit nommé "Talvera" en pays Occitan (Andreau, D.2011), "bout du champ" en pays Briard ou Beauceron, "corps psychique "ou espace virtuel pour H.Ey (1975) ou encore Centre Interprétatif hospitalier pour les psychologues de ce champ, il faut bien admettre qu' il s' agit d' un lieu où " tout commence, d' où tout part et vers quoi tout revient quand la discorde reparaît", sorte de chemin, selon R. Debray (2011) à parcourir "après qu'on l' a parcouru" et dont le terme est marqué par cette nécessité de déprendre la psychiatrie de son attachement à la médecine organique et à sa logique, pour aboutir à la libération des personnalités psychiques, encore colonisées par les personnalités statistiques, toujours enfermées dans les dossiers. Parlant de la fonction symbolique comme lieu de subjectivation de la relation toute particulière que chacun des hospitaliers que nous sommes, pouvons entretenir avec les figures parentales ou de celles qui peuvent en tenir lieu, celles de notre enfance, institutionnellement remodelées, points d' ancrages du concentrationnaire ou bien "signifiants", c' est selon, nous savons bien ce que peut rassembler le concept de vide chez Pascal (Chabert, C et Coll. 2009) et sur un registre pas trop éloigné, celui du "rien": du "je-ne-sais-quoi et le presque-rien "du grand philosophe Jankélévitch, J (1980). Car c' est bien â l' intérieur de ce "rien" là, point d'origine de la croyance, que se niche la "recharge libidinale" du fonctionnement psychique" et ce faisant du fonctionnement institutionnelle psychologue hospitalier pourrait-il penser la mort par la vie, tout en laissant aux techniciens de la médecine le loisir de penser la vie par la mort.

S.G. Raymond

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