Calais et après ?

Les migrants et la situation des mineurs isolés

Par Olivier Douville

Le 15 mai 2017 / Université populaire d'Arcueil

C’est en tant que psychanalyste et anthropologue, et depuis la parution de mon livre, Les Figures de l’Autre[1], qui traite de la prise en charge psychothérapeutique des exilés, des migrants, que j’ai été convié à travailler au côté des réfugiés et des adolescents en errance, deux dimensions sur lesquelles je développerai mon propos.

En tant que psychanalyste et anthropologue, mais aussi de manière plus large en tant que citoyen, il me parait nécessaire de travailler sur un point d’inquiétude : la mode, aujourd’hui, est plutôt de discréditer ceux qui fabriquent du lien ; la mode, aujourd’hui, est plutôt de tenir pour une nostalgie passéiste ceux qui s’intéressent à qui vient survivre ici, enfin, la mode, aujourd’hui, est encore d’oublier que la France, en accueillant un certain nombre de réfugiés, remplit à peine les obligations dont il est convenu qu’elle les remplisse auprès de la Communauté Internationale. Nous sommes donc dans une mode, que l’on pourrait appeler, de ségrégation, d’intolérance, qui ne rend pas le travail facile mais rend surtout assez difficile l’existence d’un certain nombre d’hommes, de femmes et de leurs enfants sur le territoire national.

Je pourrais prendre l’exemple de Calais dont il a été dit très vite que c’était une jungle. Je pourrais déjà réfléchir avec vous sur ce terme de jungle. J’aime bien mon passé un peu voyageur dans la jungle mais je ne pense pas légitime d’appeler jungle un lieu où des gens vivent. La jungle n’est pas un territoire humain. Dès lors que l’on parle de jungle, il me semble que l’on pose sur les réfugiés – dont je n’ai pas tout de suite envie de mettre en avant qu’ils sont étrangers car cela ne me semble pas être la seule dimension – un regard à la fois fasciné ou horrifié, un mélange de voyeurisme et peut-être de dégout, et surtout un certain nombre d’idées fausses. Idées fausses, idées reçues, en particulier de considérer que tous les réfugiés seraient de l’ordre de ce que Karl Marx appelait lumpenprolétariat, alors qu’il y a des personnes de toutes conditions, des personnes diplômées, des personnes qui, quelles que soient leurs conditions, peuvent apporter ici quelque chose. Idées reçues de considérer que cette vie à Calais serait une vie un peu régressive, serait un retour à la sauvagerie, une forme de « cour des miracles » fort bien décrite par Victor Hugo. Je suis allé plusieurs fois à Calais, et dans d’autres lieux, des lieux où la vie sociale tient le coup. Ce ne sont pas des lieux faciles, mais il n’y a pas que de la violence, de la régression ou des formes primaires ou animales de la socialité, il y a des formes d’entraide, des créations de langues, des opérations de traduction, il y a des actions qui permettent aux uns et aux autres de se reconnaitre comme sujets du droit. Il y a aussi des violences qui ne sont pas seulement intra mais aussi extra, qui sont parfois faites aux Défenseurs des droits de l’homme. Il y a des villes entières qui décrètent, par exemple, que l’on ne doit pas nourrir qui a faim, les migrants, les réfugiés, c’est le cas à Calais.

Si on est au contact de ces lieux de relégation, on ne peut donc pas appeler cela une jungle. Les personnes qui habitaient ce lieu ne disaient pas jungle, mais jungle (en anglais), donnaient des « petits noms » affectueux aux avocats et aux travailleurs sociaux, ce qui leur faisait du bien et les soutenait. Je pense que dans la représentation sociale, dans la représentation médiatique de ce qui s’est passé à Calais, l’humanisation des liens, l’humanité des liens et la profondeur des liens ont été tout à fait passées sous silence.

Mon travail à Calais et dans des foyers de réfugiés m’a permis de comprendre que les réfugiés ne sont pas fous au sens psychiatrique du terme, mais sont fous de douleur. Ces personnes dorment mal, ont des cauchemars, ont des hallucinations, mais elles créent du lien social, des liens de solidarité. La réalité est donc complexe.

J’ajouterai un second point, c’est la question de : qui est sujet du droit et qui ne l’est pas ? Pour les mineurs, qu’ils soient étrangers en situation légale ou illégale, des dispositions légales existent, c’est le Droit des enfants. Le Droit des enfants, enfants en terme juridique, ne veut pas dire les droits des petits enfants, ce droit concerne les enfants, les préadolescents et les adolescents. D’autre part, le Droit des enfants prime sur d’autres droits, tels que le droit des étrangers.La question qui se pose maintenant est de savoir ce que nous entendons par étranger. « Il y a dans le monde, disait Coluche, de plus en plus d’étrangers ! », c’est une blague profonde, intelligence. En effet, méfions-nous de tout ramasser sous un même terme. Si l’étranger est celui qui n’a pas les mêmes croyances que les miennes (si tant est que j’en aie), il peut tout à fait être étranger à mes croyances, étranger à mon athéisme, ce n’est pas pour autant que c’est un étranger.

Qu’appelle-t-on étranger ? C’est une question importante. En France, des débats reviennent inlassablement sur ce qu’on appelle les racines chrétiennes de la France. « Racine chrétienne » est un terme qui nous impose : qui aurait à cœur de dire que c’est une foutaise ? La France a des racines religieuses mais elle a aussi des racines antireligieuses. Pendant des siècles, du 12 au 19e siècle, la France n’a pas accueilli beaucoup d’étrangers, elle a en accueilli à partir du 19ème siècle. Pour autant, faut-il faire rentrer cette notion de « racine chrétienne » de la France dans la constitution ? A cet endroit, le bât blesse, le raisonnement qui semblait aller de soi montre une certaine faiblesse pour ne pas dire une certaine perversité. Les historiens – c’est leur droit, leur travail, sans vouloir pour autant peser sur les textes constitutionnels – peuvent tout à fait nous expliquer que la culture chrétienne, puis la culture catholique, puis les guerres de religion, ont façonné des habitudes, des modes de vie. Il n’empêche que nous avons eu en France quelque chose qui s’appelle : la révolution. On peut en avoir peur, on peut en être fier, on peut éprouver beaucoup de sentiments, la question n’est pas là. La question est que ce qui fonde l’identité juridique de la citoyenneté, ce que l’on appelle les Droits de l’Homme et du Citoyen, s’est fondé en dehors de toute religion. En d’autres termes, l’article 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme dit très sobrement – c’est à la fois sa force et peut-être d’une certaine façon sa vigueur symbolique – qu’il y a une liberté de culte : vous êtes croyant ou vous ne l’êtes pas, vous croyez dans tel lieu ou dans tel autre, vous avez telle variation dogmatique, vous êtes libre, c’est de bon aloi. Mais cet article va beaucoup plus loin : si toutes les religions se valent autant que l’athéisme qu’elle secrète – car on n’est pas athée de la même façon que l’on vienne du catholicisme, du protestantisme, du judaïsme ou de l’islam – cela a comme conséquence absolument implacable que le législateur, le gouvernement, ne peut pas sortir du religieux, ne peut pas en sortir, il doit s’émanciper du religieux, la religion n’a pas de place prééminente à y avoir. Aussi bien, lorsqu’on fait rentrer ou lorsqu’on voudrait faire rentrer dans la constitution cette simple mention des racines chrétiennes de la France, on opère un jeu de mots à mon avis fatal sur le thème de constitution puisqu’on confond la constitution historique d’un pays avec la constitution républicaine qui, elle, édicte que le gouvernement est le gouvernement des hommes entre eux, dit autrement dieu n’intervient pas comme instance législatrice. C’est important de le rappeler.

Aujourd’hui, ce moment culmine, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas tapi dans l’ombre. Nous sommes dans un moment où il faudrait faire fi de ce que j’appellerais les acquis de la révolution française au nom d’un passéisme qui aurait comme conséquence absolument inéluctable que le culte de l’entre soi rendrait étranger les sujets nationaux. C’est évidemment grotesque mais séduisant.

Dès lors, la question de l’étranger ne se pose pas seulement dans les termes suivants : qui ne me ressemble pas est étranger. La question de l’étranger se pose autrement, à savoir : qu’est-ce que je peux supporter comme étrangeté de l’autre et en quoi je peux supporter d’être étranger à l’autre ? Ce qui met en avant la notion de citoyen qui est une notion neutre, le citoyen n’est pas plus homme que femme. Le droit de vote accordé aux femmes veut dire que les hommes peuvent être contents d’avoir à faire à des mères, compagnes, amies, filles qui ont la même autorité qu’eux dans les isoloirs. La notion de la neutralité du citoyen a mis du temps à s’établir. Le citoyen n’est pas plus défini par son sexe, que par sa religion, que par sa couleur de peau, ou par ses antécédents. Si on pose la question de l’étranger, on ne pose pas la question de la coutume ou la question de la culture – il y a des gens qui n’ont pas ma culture, mes opinions – ils ne sont pas pour autant étrangers, au sens politique du terme.

Maintenant, si cette variation d’intensité générale implique une conséquence, la conséquence est que l’on ne peut pas réfléchir la citoyenneté en termes d’identité. On peut définir la citoyenneté dans les termes de rentrer dans une catégorie humaine équivalente en fonction des droits et des devoirs, ou plutôt déplacer cette identité en disant : mon identité, c’est d’être sujet de droit, donc sujet de devoir. Politiquement, l’identité se limite à cela, elle n’est pas d’être blanc ou noir, juif, arabe, chrétien, athée, etc. Dès lors que nous sommes des sujets de droit, nous sommes dans un monde – ou nous devrions être dans un monde, et nous luttons pour - où il serait normal, on ne peut pas dire idéal, que nous soyons tous concernés par le fait que l’autre peut être protégé par le droit, donc par la Loi.

Or, ce qui se passe lorsqu’on regarde des endroits comme Calais – que l’on appelle, c’est terrible, la jungle… – c’est qu’on s’accommode du fait qu’il y ait sur notre territoire d’un certain nombre d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne soit pas sujets de droit. C’est-à-dire que l’on reproduit les malfaçons démocratiques d’une société coloniale, société qui se réclame de droit mais qui admet fort bien qu’un certain nombre de sujets ne soit pas pris dans le tissu du droit. Or, il y a des droits pour des gens qui ne sont pas nationaux. Un de nos axes, on pourrait presque dire thérapeutique – je travaille en France comme psychanalyste, j’ai travaillé avec de grands exclus, des migrants de l’intérieur ainsi que dans les pays africains où j’ai mis en place un Samu social pour les enfants sous la guerre l’un à Bamako, l’autre à Pointe-Noire – un de nos grands motifs d’effarement est que nous rencontrons des hommes, des femmes, des adolescents et des enfants qui ne savent pas qu’ils peuvent être protégés par la loi, d’où la nécessité de personnes qui font valoir ces droits, les Défenseurs des droits dont le travail a été notablement empêché par le gouvernement socialiste comme il a été empêché par un gouvernement qui ne l’était pas.

Je définis maintenant l’étranger au sens politique du terme : l’étranger est celui qui est forclos, qui est mis hors-jeu du système de droits.

Lorsque je mets volontairement en série, ce qui ne veut pas dire en confusion, des situations hétérogènes – des réfugiés dans un foyer parce qu’ils vont très mal, des enfants qui ont traversé des guerres en Afrique – la première chose qui m’est dite ne renvoie généralement jamais, il est important de le souligner, à une présentation culturelle ou folklorique voire nostalgique du sujet. Le sujet ne vient pas me dire par exemple, je suis afghan, l’Afghanistan, c’est beau, il y a ceci, cela. La question est de me faire remarquer d’abord qu’il est en situation de chercher un abri. Après, avoir travaillé cette question, je travaille avec des personnes qui ont la compétence d’être du côté du droit en particulier avec l’OFPRA[2]. Mais le problème que rencontre l’OFPRA ou le COMEDE, quel que soit le talent, le bon vouloir, la générosité absolument indéniable de ces personnes, est : comment aider un réfugié à parler de lui ? Cette question se pose car ce réfugié a une idée : pour obtenir un statut, il doit raconter une « version » crédible des dangers qui l’ont menacé dans son pays et des souffrances endurées. Cette version crédible est très souvent un peu stéréotypée, il est rare que nous ayons des scénarios conventionnels. D’autre part, il doit faire la preuve de ce qu’il dit, parfois la preuve est cherchée dans le corps. Pendant longtemps, par exemple, pour déceler l’âge des mineurs, des tests médicaux étaient pratiqués au niveau de leur poignet, de leur squelette. Ces tests ont été abandonnés au profit d’une recomposition de leur âge par la plausibilité de leur discours. Cette manière de faire est nettement moins offensive. Qu’est-ce qui est plausible, qu’est-ce qui ne l’est pas ? En d’autres termes, un réfugié qui veut faire valoir ses droits – pas son caprice, pas ses prérogatives – mais ses droits reconnus par la Communauté Internationale, doit donner une « version » de son existence, et toutes les « versions » ne se valent pas. Ce qui se dit dans tel ou tel foyer de réfugiés – ce n’est pas seulement une rumeur - c’est qu’on a plus de chance d’obtenir un statut si l’on est érythréen que si l’on est soudanais, plus de chance si l’on tchadien que si on est malien. Dans le même temps, cette « version » rétrécie, plausible, généralement réduite à son corps, n’est pas en lien avec sa vie psychique puisqu’il est traumatisé.

Que veut dire être traumatisé ? C’est ne pas trouver les mots, c’est ne pas pouvoir mettre en récit. Quand on est rivé à des catastrophes – avoir vu par exemple ses copains être tués par les talibans dans la partie de l’Afghanistan qui jouxte le Pakistan, avoir vu ses parents découpés à la machette, ce que j’ai entendu à quelques reprises en Afrique de l’Ouest, en Afrique des Grands Lacs et surtout au Congo - il n’y a plus la possibilité de raconter ces événements comme si on écrivait un journal intime. Les témoignages authentiques commencent par l’hallucination, par le cauchemar, symptômes que certains savants, ont appelé, à juste titre, la névrose traumatique. Cet effet d’être rivé à la catastrophe sans encore trouver les mots, a comme conséquence que la parole devient brouillonne, et si le sujet le dit à quelqu’un, ce qu’il dit, il l’oublie tout de suite.

Nous avons donc des sujets amnésiques de ce qu’ils ont vécu et de ce qu’ils sont en train de vivre et de dire, sorte d’existence réduite à une monotonie mécanique, horlogère, et dans le même temps, on leur demande de produire un récit pour qu’ils soient légitimés dans leur demande d’obtention d’un refuge. Il y a une difficulté entre l’exigence dans laquelle nous sommes de leur permettre de constituer un dossier crédible et la situation dans laquelle nous sommes avec eux pour qu’ils reprennent goût à la parole partagée, aux souvenirs, véritable aventure qui ne va pas sans risque, qui ne va pas sans péril, qui ne va pas sans terreur au point que, même si j’ai plutôt l’habitude en tant que psychanalyste de recevoir au un par un des personnes de toute origine culturelle dans mon cabinet parisien, je pense qu’il est de la première importance de créer du collectif , dans ces lieux. Raison pour laquelle, j’y reviens et j’insiste, je suis totalement allergique au fait que l’on puisse parler de Calais ou d’autres lieux comme d’une jungle, car ce sont des lieux où se recrée du collectif, ce ne sont pas des lieux où les personnes seraient livrées à leur déréliction, à leur abandon à eux-mêmes, à leur régression.

La première exigence est de recréer du collectif. Le contre argument serait de dire : créer du collectif avec des personnes qui viennent les unes du Mali, les autres d’Afghanistan, d’autres encore d’Erythrée etc., est impossible. Pourtant, dans ces foyers, se crée souvent ce que j’appelle des « appariements », c’est-à-dire quelqu’un prend soin d’un autre, il se fait porte-parole ou support de la souffrance d’un autre. Cette personne vient, par exemple, dire que son voisin de chambrée ne va pas bien. Ceci ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’occuper de cette personne porte-parole, loin s’en faut. D’autre part, il est nécessaire de créer des groupes où l’on parle par le biais d’interprètes, des groupes qui se créent en regardant des films, en cuisinant et en mangeant ensemble afin que ces foyers ne soient pas des lieux de relégation où chacun reste dans la cellule monacale de sa chambre à attendre comme l’on attendrait d’un dieu malveillant ou bienveillant l’arrêt décisif qui viendrait de l’OFPRA ou du COMEDE.

Dans ce premier temps, ces personnes ne parlent pas de leur père, de leur mère, de leur folklore, de leur culture, de leur croyance, on aurait bien tort de les réduire à cela. Il fut un temps – coquetterie que l’on avait quand on parlait des migrants – où on disait que si tel ou tel migrant souffrait de tel symptôme ou tel symptôme, c’était en rapport avec sa culture. J’ai reçu un ouvrier gravement traumatisé qui souffrait d’un certain nombre de douleurs qui s’étaient installées en son corps après avoir subi des opérations médicales. Dans une consultation dite d’ethnopsychiatrie, un ethnopsychiatre de renom lui avait dit : mais mon cher, vous venez d’Algérie, si toutes ces douleurs ne sont pas guéries, c’est qu’elles viennent des esprits, des djinns. Cette personne s’était levée, avait cassé une chaise en lui rétorquant qu’il travaillait en France depuis dix ans, qu’il était un vieux militant communiste et qu’il convenait qu’on lui « foute la paix » avec ces balivernes. C’est une faiblesse que nous avons à gommer chez les personnes qui ont vécu ici, qu’ils peuvent avoir un regard sur nous. Ils peuvent nous apporter un regard sur nous-mêmes en parlant de la façon dont ils nous considèrent. C’est une faiblesse que l’on a de penser qu’un étranger est un étranger, cette faiblesse porte un nom en psychologie : l’ethnopsychiatrie. L’ethnopsychiatrie consiste à dire : vous avez telle ou elle difficulté car telle est la coutume de vos grands-parents, coutume que vous n’avez pas respectée … ce qui me semble être extrêmement limité. Aujourd’hui, les personnes qui font de l’ethnopsychiatre sont devenues un peu plus raisonnables, mais à un moment, c’était vraiment les forcenés d’une taxidermie culturaliste.

Ce qu’il faut comprendre, c’est comment ces personnes fabriquent du lien social ici et maintenant. Ce qui est très important pour quelqu’un qui est en situation précaire dans un pays qui n’est pas le sien, c’est qu’il fasse reconnaitre son potentiel de dignité, ce que je vais illustrer par un autre exemple.

Aux urgences de l’hôpital Gabriel Touré, un enfant de quatorze ans n’arrive pas à dire son nom ni où se trouve sa famille. C’est un enfant errant et couvert de blessures épouvantables. L’hôpital appelle le Samu social que j’ai mis en place à Bamako en 2003-2004. Avec un interprète (mais je parle un peu bambara), nous allons voir cet enfant qui nous dit : je suis malien, ma famille a vécu en Sierra-Léone où elle a été tuée pendant la guerre. J’étais dans un groupe d’enfants soldats, un enfant soldat est mort. Lorsque j’ai été blessé, mon copain m’a ramené sur son dos jusqu’à Bamako, (tous deux ont certainement trouvé des personnes qui les ont prises en taxi-brousse. Cet enfant a été soigné à la « dure » dans un village : ses plaies ont été cautérisées avec des outils chauffés à blanc). Nous lui demandons où est son copain. Il devrait être à Bamako. On se renseigne auprès des camionneurs, des gendarmes, des enfants de la rue, des prostituées qui nous disent, oui, il y a un grand échalas qui tourne sur lui-même, qui sniffe de la colle. Nous le rencontrons et reconstituons les morceaux du puzzle.

Dans cette situation, nous avons : un enfant blessé et son sauveur. Cet enfant a effectivement, de par son intelligence de la situation et un courage qui m’époustouflent, sauvé la vie de son copain. Nous avons une tendance à lui faire part de notre admiration : tu es formidable, tu es un héros. Mais sa réaction est de dire qu’il n’est pas un, que ce qui lui importe, c’est de retourner à l’endroit où il a failli mourir. Nous étions dans l’impossibilité de refaire la route à cet endroit car nous n’en serions pas sortis vivants mais l’idée que nous avons eue était de faire jouer cette immense tranche de vie sur des tréteaux.

L’enseignement que je tire de cette expérience, que je transfère dans mon travail avec les réfugiés, est le suivant : je suis digne non pas parce que je suis victime, je suis digne parce que je sais prendre soin de l’autre, celui qui va encore plus mal que moi. Il est donc faux de penser que ces réfugiés seraient déshumanisés, régressés, réduits à peu de chose, même si leur condition juridique est précaire.

Une fois qu’une personne a pu faire valoir qu’il avait la dignité de s’occuper de quelqu’un d’autre, il peut alors parler de son histoire car il a trouvé, pour rentrer dans son histoire, un argument massue. Mais cet argument, nous l’avons tous : j’arrive à parler de moi quand je ne suis pas terrassé par la peur ou par la honte. Je ne vois pas en quoi ce serait une position radicalement exotique.

Dès lors, plus on crée du collectif, plus on crée des réseaux de solidarité. Dans ce collectif, va se créer des transferts de langues. Les transferts de langues sont des traductions. Lorsqu’il y a une vie collective, le sujet va retrouver un certain goût à parler sa langue. Comment cela se manifeste-t-il ? Par le fait, par exemple, qu’il y aura beaucoup de chants, que l’on va échanger des cassettes. Quel sens cela a-t-il ? Ces hommes, ces femmes et ces enfants sont tellement isolés, non pas dans leur culture, mais dans la catastrophe de leur histoire, tellement absorbés par le trou noir de leur histoire, qu’ils n’ont pas idée que leur parole puisse avoir un écho chez l’autre. Ils sont pris dans la terreur d’être le dernier à parler la langue. C’est quelque chose de terrorisant. Lorsqu’on fait venir un interprète, bien que la traduction en elle-même soit du « rabotage », la personne – même si elle sait qu’il y a d’autres Afghan sur la surface du globe – se rend compte que d’autres qu’elle parlent encore cette langue. Je ne parle pas d’une capacité technique de parler une langue. Quand vous parlez une langue, votre corps est pris dans le mouvement de la langue. On comprend très bien que la plus haute solitude du réfugié pourrait se traduire par cet axiome qui semble complètement décalé : plus personne d’autre que moi ne va parler la langue, la langue est « pulvérisée ». Quand une langue est pulvérisée, cela veut dire que cette langue n’a pas protégé le sujet. Lorsque le sujet a dit : arrêtez de me faire mal, arrêtez de tuer l’autre, de faire violence à ma femme et mes enfants, arrêtez de piller mon magasin, lorsque la langue n’a pas d’effet sur l’autre, alors il y a une pulvérisation de la langue. Quand un sujet dit un interdit fondateur dans sa langue et que cela a un effet, c’est cela être protégé par la langue. La langue, sans effet sur l’autre, a laissé le sujet incrédule, il est « éclaté » devant la langue, comme privé du pouvoir que la langue mette des limites structurantes entre lui et le monde, entre lui et les autres. Dans cette langue, le non n’a plus d’efficace. Lorsque vous ne pouvez plus dire un non fondateur, c’est-à-dire je t’interdis de violer les interdits fondamentaux dans une langue, cette langue est pulvérisée. Très souvent, les sujets sont traumatisés de ce que, lorsqu’ils ont parlé, cela n’a pas arrêté la violence ; ils ont alors un rapport pulvérisé à leur langue ; ils sont mutiques ou ont une espèce d’échappée de paroles logorrhéiques ou encore des hallucinations qui ne sont pas de l’ordre de l’hallucination folle, ces bribes de langue maternelle qui leur reviennent comme une espèce de cauchemar sonore qui les sidère.

Ces sujets vont donc se réapproprier la langue en créant du collectif où chanter, par exemple, la berceuse que j’ai entendue quand j’étais enfant à quelqu’un, sera important. La question n’est pas que l’autre comprenne ou ne comprenne pas les paroles, la question est que la langue que je chante, fait de moi un corps vivant, un interlocuteur vivant. L’enjeu est que l’autre soit témoin que la langue que je parle et qui m’enchante à nouveau, me rend à nouveau vivant dans ma dignité. Je pense qu’il vous arrive d’être séduit par des chansons qui disent des choses qui vous touchent, vous parlent, alors que vous ne comprenez pas la langue. Nous pouvons être ravis par un opéra de Mozart même si on ne comprend pas très bien l’allemand ou l’italien.

La question de la dignité du sujet n’est donc pas de dire à quelqu’un qu’il est un héros, il vous dira que ce qu’il a fait est la moindre des choses. Il a raison puisqu’il passe d’une position d’exception qui est de l’ordre du rebut, du déchet, de l’homme sans condition, à une condition de normalité, il rentre dans le je/jeu, en faisant attention à l’autre. En lui disant qu’il est un héros, vous reconduisez le trauma car vous barrez le chemin où il passe d’une exception mortifère à une condition ordinaire qui permet de régénérer le corps et la parole. L’enfant au Mali ne dit pas autre chose que : ce qui est exceptionnel, c’est que j’ai failli mourir, ce n’est pas parce que j’ai aidé l’autre. Cette limite de la dignité n’est pas une clinique de l’exploit, c’est une clinique d’avoir enfin pu retrouver la moindre des choses. Retrouver la moindre des choses, c’est de pouvoir s’occuper de l’autre puis après refleurir un rapport possible de joies, de plaisirs, de rechanter la langue, à ce moment, généralement, les troubles du sommeil s’arrêtent, il n’y a plus besoin de valium. Comme cette personne qui me fait écouter une chanson qu’il a chantée pendant un quart d’heure. « Vous n’avez peut-être plus besoin de valium ? » « Non, m’a-t-il répondu, je n’en ai plus besoin ».

Ce qui se remet donc au travail avec la clinique des réfugiés, c’est un rapport de confiance à la parole.

Nous sommes, dans notre travail, pris par deux contradictions dont il faut faire un usage, la contradiction n’est pas une malédiction. La première est le besoin d’avoir un savoir technique. Par exemple, ces rêves, ces cauchemars ont-ils quelque chose à voir avec un déferlement psychotique ? Nécessité donc d’un savoir technique. La seconde est en rapport avec les événements dont nous parlent les réfugiés. Ces histoires, ces événements nous renvoient à un « savoir » qui n’est pas seulement technique. Ces hommes, ces femmes et ces enfants nous font entendre que ce que nous croyons acquis – vivre en paix avec ses semblables, être à l’abri de la méchanceté du prochain, avoir une maison qui ne sera pas détruite par l’adversité du prochain – peut être fragile, ce qui nous renvoie donc à la fragilité de notre sécurité, de notre identité. Peut-être ne pouvons-nous pas entendre les réfugiés si nous sommes tout à fait tranquilles sur les aspects de notre existence, car ces personnes nous renvoient à quelque chose d’un savoir que j’appellerai inconscient, savoir qui n’est pas le savoir technique. Si on ne veut rien savoir des moments fragiles, douloureux de notre construction subjective, nous ne pouvons rien entendre et ceci a aussi une répercussion sur les équipes. Des équipes qui travaillent avec des réfugiés, des migrants, et ne s’entendent que sur des détails techniques, sont des équipes qui n’arrivent pas à s’entendre entre elles, car elles ne font pas travailler leur désir d’aller vers ces sujets qui ne manifestent pas la ruine, mais la dignité. La première contradiction concerne donc deux savoirs basés sur deux registres différents.

L’autre contradiction est celle de permettre à un sujet de ré-habiter son corps et sa parole car dans le même temps, ce sujet doit donner une définition de sa signalétique pour pouvoir passer rapidement les épreuves vis-à-vis de l’OFPRA pour l’obtention de son permis de séjour.

Cette question se cristallise avec les mineurs isolés étrangers que j’ai rencontrés dans des centres d’accueil d’adolescents errants mis en place généralement dans le sillage du Samu social de Paris. Que veut dire mineur isolé étranger ? C’est un jeune de moins de 18 ans qui n’a pas la nationalité française et se trouve séparé de ces égaux et de ses ascendants sur le sol français. De sa minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal, une situation d’isolement et un besoin de protection. Il n’y a aucun statut juridique propre au mineur isolé étranger qui se trouve lui-même au croisement du droit des étrangers et d’un autre droit qui, en raison du dispositif français de protection de l’enfance, est plus fort que le droit des étrangers, qui sont les droits qu’ils doivent recevoir au titre de l’enfance. Au titre de l’enfance, un mineur de moins de 18 ans doit être protégé sans que se pose la question de sa nationalité. Le statut d’enfant devrait prévaloir conformément aux engagements de la France au titre de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant.

On compte aujourd’hui 16 000 mineurs isolés étrangers dont 8 000 en métropole et 8 000 en Outre-mer. 70 % à 95 % d’entre eux sont des garçons. Ces mineurs sont, pendant longtemps, parqués dans des zones d’attente à Roissy à disposition d’un administrateur ad hoc. La question se pose alors de savoir comment les reconduire soit dans le pays dit d’origine, soit dans le pays dit de transit. La libération de ces mineurs dans les zones d’attente peut se faire par le juge des enfants qui impose à la police des frontières de libérer le jeune si, je cite : « La santé, la sécurité et la moralité sont en danger ». La plupart du temps, les jeunes sont souvent relâchés pour des alertes médicales. Pour obtenir des documents d’état civil, il faut qu’il y ait une présomption d’âge, est-il majeur, est-il mineur ? Comme dit plus haut, cette présomption d’âge, s’est faite dans un premier temps par des tests osseux, radiographies du poignet la plupart du temps. Aujourd’hui, les autorités sanitaires, médicales, liées au juge des enfants ont décidé – ces tests osseux faits sur de nombreux enfants roumains ne donnant pas de résultats – de déceler l’âge des enfants par des croisements de variables recueillies au cours d’entretiens. Le jeune a toujours une possibilité de recours en faisant appel au juge des enfants.

Le statut des mineurs isolés étrangers en France n’est pas mauvais, loin d’en faut. Cependant, ce statut n’a de chance de protéger l’enfant que si l’on donne une certaine liberté d’agir au Défenseur des Droits de l’homme et des Droits de l’Enfant puisque c’est l’engagement de la France au titre de la Convention relative aux Droits des Enfants qui protège ces sujets dans la mesure où ils ont droit à une protection quelle que soit leur nationalité ou le statut légitime ou pas des parents.

Sur cette question, je ferai deux remarques : la rétention d’un certain nombre de mineurs dans des zones d’attente à Roissy, en attendant la désignation d’un administrateur ad hoc, crée, chez un certain nombre de jeunes, une incertitude totale quant à leur légitimité, non seulement d’être de tel ou tel pays, mais aussi une incertitude totale quant à leur légitimité d’être au monde. Plus dure ce temps de transit en zone d’attente, plus se crée une déperdition de la capacité d’attendre quoi que ce soit, de qui que soit, ce qui a pour conséquence de créer des sujets « somnambules » de l’existence : des apatrides, des sujets en errance, dans un lieu de transit devenu progressivement un non-lieu.

A leur sortie des zones de transit, ces jeunes sont suivis, pour des raisons sanitaires, pendant un moment par la médecine. Après se posent, pour ces jeunes en errance, des questions de sécurité et de moralité.

En dépit des aspects relativement conséquents du statut de ces mineurs isolés étrangers, pour être efficace, il devrait y avoir des liens de travail plus étroits entre les Défenseurs des Droits, la médecine, le Juge des Enfants, la Police des Frontières. Liens plus étroit entre l’éducatif, le sanitaire, le juridique et la police des frontières, car les mineurs isolés étrangers deviennent, la plupart du temps, des sujets en errance à la recherche d’un lieu hypothétique. Je termine donc sur une crainte si nous ne faisons pas attention davantage à cette question : celle d’une génération perdue qui fera une succession de trajets, d’expérimentations du corps pour se sentir vivant, pour sentir encore que quelque chose en eux résonne, et qui désespéreront peut-être de toutes situations d’accueil.

Discussion

Question à propos des nombreuses institutions chargées de la Protection de l’Enfance et des moyens financiers alloués

OD – Oui, j’aurais dû citer davantage d’institutions et d’associations. Nous sommes d’accord sur le décalage entre les textes et les mesures nécessaires à mettre en place dans le cadre de la Protection de l’Enfance ainsi que les moyens financiers mis à disposition, ce qui laisse des laissés-pour-compte. Ce qui me semble aussi très préjudiciable pour ces enfants, c’est la question de l’absence étroite de liens de travail entre les différentes institutions.

Question à propos de l’étranger.

OD – Nous oublions toujours que nous pouvons être étrangers à nous-mêmes. Nous sommes des sujets divisés, nous avons une certaine opacité dans notre rapport à nous-mêmes. Mon expérience clinique me laisse comprendre, ou au moins situer, qu’un certain nombre de personnes qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, peuvent prendre appui sur cette question, dit autrement ce qui peut être moteur dans une prise en charge thérapeutique, c’est que la personne qui a une demande de soin, ouvre en nous un accès à ce que j’appellerai « des zones étrangères ». Zones étrangères à double titre : soit parce que nous les avons oubliées, soit parce que nous pensons qu’elles sont totalement impartageables. Je l’illustre par un exemple. J’ai commencé mon stage en tant que psychologue clinicien à Fernand Widal dans le service de toxicomanie. C’était terrible, abominable, les personnes y mourraient. On m’a alors conseillé d’aller faire un stage à l’étranger. L’étranger, c’était pour moi l’Afrique. A Dakar, le Professeur Collomb me confie comme première patiente, une jeune femme de 19 ans – j’avais alors 22 ans – qui, à la naissance de son premier enfant, se met à délirer : cet enfant n’est pas le mien, mon enfant devrait être mort, je vais le chercher dans la cité des morts. D’autre part, elle racontait une histoire familiale totalement décalée... En écoutant cette femme, je dois dire que j’ai été plus enclin, même si c’était boiteux, à penser à mon histoire généalogique car il y avait des points de concordance entre les histoires calamiteuses, les histoires tordues de la transmission symbolique dans sa famille et dans la mienne. Ce n’était pas pareil, mais cela faisait points de résonnance. Dans l’optique extrêmement précise, limitée parce que précise, d’un travail psychothérapeutique, on ne peut pas fonctionner en ne pensant uniquement qu’à la maitrise technique.

Question à propos d’une « hiérarchie » des étrangers.

OD – Le mot étranger nous égare un peu. Un exemple basique. Un enfant parle l’anglais, il est scolarisé dans une école française. On ne dira jamais à la famille : écoutez, soyez sérieux, arrêtez de parler l’anglais en famille pour que votre enfant puisse apprendre le français. En revanche, on le dira encore à des familles portugaises, à des familles maghrébines et immanquablement à des familles africaines.

La question de la hiérarchie, de la hiérarchisation de l’étranger se pose non pas en termes : de que se passe-t-il quand on est étranger ? Mais en une question qui se complexifie : que se passe-t-il quand l’étranger devient l’intrus ?

Question à propos des récits de vie des adolescents.

OD – Cette question ne me lâche pas. Comment parler de soi ? Est-ce un fil narratif qui se résumerait à : a + b + c ? On parle toujours de soi dans des brisures, dans des ambiguïtés, dans des équivoques, dans des oublis, parfois entre rêve et réalité et l’on demande à un certain nombre de sujets qui n’ont pas de point de départ pour dire je, de se raconter comme s’ils pouvaient faire une rédaction en bon français. J’entends ce que me disent mes amis, j’entends le travail que vous faites : il y a un travail à double face qui serait à la fois d’aider le sujet à entrer dans un discours qui est le sien, marqué de toutes les difficultés, discours qui suppose que quelqu’un l’entende, et puis, il y a la fiche signalétique à remplir sur soi qui suppose que quelqu’un l’enregistre. Est-ce que cela peut se faire en même temps ? Je pense que ce n’est pas facile. Mais on peut très bien dire à un jeune ou à un adulte, nous allons construire quelque chose pour aider au parcours, mais cette fiche ne veut pas tout dire de toi/vous, « ce n’est pas pareil ». Parler à quelqu’un n’est pas pareil que de construire un plaidoyer pour obtenir un droit. Si ce travail n’est pas articulé avec « ce n’est pas pareil », on est dans la confusion.

Question à propos de l’apprentissage de la langue du pays d’accueil lors de la scolarité.

OD – Il y a des réactions d’acceptation et des réactions de crainte à s’exprimer dans la langue du pays d’accueil. La scolarisation est une chance pour ces jeunes mais en contrechamp, il y a parfois cette crainte de la trahison. En consultation, je reçois un enfant qui a des difficultés scolaires mais lorsqu’il me parle, il parle avec aisance, il ne parle pas le français comme une « langue morte ». Peut-être ne faut-il pas trop insister sur la question de la langue avec certains enfants et essayer de comprendre, lorsque qu’il y a blocage, ce que parler le français représente pour eux.

Dans les familles de migrants, les enfants qui aident leurs parents à remplir les documents administratifs sont dits « parent de leurs parents ». Non, les interdits parentaux sont en place et parfois, cela fait beaucoup de bien à ces enfants d’aider leurs parents. Nous pouvons trouver des paroles très justes en disant : vous avez réussi votre parcours car vos enfants arrivent à bien se repérer. Mais, comme je l’ai dit, il peut y avoir des fantasmes de trahison. Réussir serait-il s’extraire d’une sorte de nostalgie pour l’origine ? Des enfants arrivent très bien à soigner l’origine pour leurs parents. Que des enfants aient des effets thérapeutiques sur les parents, de cela, il ne faut pas s’inquiéter.

[1] O. Douville, Les figures de l’Autre, Dunod, 2014.

[2] OFPRA - Office Français pour les Réfugiés Apatrides.