Le chaos des écritures

« Le chaos des écritures. Enjeux politiques, sociaux et cognitifs des écritures contemporaines »

Séminaire d’une journée mensuelle depuis 2009-2010

Par Laurent Loty

Le 28 mai 2010

L'invention du conscient et l'abandon de la transmission orale, un cas d'histoire des sciences-fiction : retour sur une expérience d'écriture

Mon intervention a consisté à lire à voix haute une fiction sur l’invention de l’écriture et de la réflexion, puis à commenter cet écrit en réfléchissant sur l’expérience d’écriture qu’a constitué pour moi l’unique fiction que j’ai jamais écrite, et sur les hypothèses formulées par cette fiction d’histoire des sciences.

Expérience intéressante que celle d’écrire ce que j’appelle une « histoire des sciences—fiction » quand on écrit souvent ce que l’on appelle de l’histoire des sciences. Expérience d’autant plus troublante que j’ai écrit là, sans réfléchir une fiction qui propose une histoire et une théorie de l’émergence de la conscience réflexive (et/ou de sa théorisation), émergence qui, tout compte fait, est peut-être plus remarquable que l’invention même de l’idée d’inconscient (qui présuppose l’invention précédente).

Faut-il s’étonner que la publication écrite de ce rêve se soit achevée par le retournement de l’illustration conçue en forme de texte manuscrit écrit en miroir, geste irréfléchi de l’imprimeur, suivi, in extremis, de l’adjonction, par l’éditrice, d’un erratum remettant le texte à l’envers, c’est-à-dire à l’endroit (voir la revue Alliage, n° 44, 2000). Histoire burlesque, symptôme de la difficulté à regarder comme une étrangeté l’histoire individuelle et collective de la conscience, ainsi que l’histoire complexe des transmissions orales et écrites des savoirs théoriques et pratiques.

D’où mon ultime clin d’œil à la réflexivité sur la réflexivité, en forme d’expérimentation : faire circuler dans le séminaire un miroir permettant de lire ce manuscrit écrit en miroir. Occupé à transformer mon texte en communication directement adressée à tous, j’ai peut-être été le seul à ne pas pouvoir voir si quiconque a finalement tourné le miroir vers soi-même : forme de réflexivité (première ou dernière ?) qui avait été empêchée par la normalisation de l’illustration lors de la publication imprimée ; observation de soi, geste déplacé en milieu réputé « scientifique », qui a peut-être finalement surgi de cette nouvelle publication mi-oralécrite mi-écritorale. Une publication dont j’ai espéré qu’elle soit perçue comme de la littérature scientifique, personnelle et dialogique, interprétative et expérimentale, et dont je crois qu’elle est porteuse d’interrogations que la fiction estime en partie ancestrales, en partie le fait d’une sédentarisation et d’une alphabétisation plus récente qu’on ne le dit, dont je crois aussi qu’elle est porteuse de questionnements dont ce séminaire réfléchit, aux deux sens du terme, la dimension culturelle et politique hypercontemporaine.

Laurent Loty

« Le rêve contrôlé »

Par Laurent Loty