Incidence de l’exil dans les subjectivations adolescentes

Par Olivier Douville [1]

La position de mon travail qui s’exprime dans ce chapitre est la suivante : je suis psychanalyste, travaillant dans une consultation pour adolescents de la banlieue parisienne. Par ailleurs, formé à l’anthropologie, j’ai eu à intervenir dans des missions de recherche en anthropologie de la santé sur l’émergence des phénomènes adolescents dans des mégapoles de migrations, en France ou en Afrique de l’Ouest.

Position du problème

Il sera mentionné ici la situation de certains adolescents issus de la migration. L’intérêt pour les effets de la migration dans les générations est assez récent [2]. Très souvent l’adolescent apparaît pour une figure modèle de la transition, ou même de la rupture entre un monde qualifié de traditionnel et nos mondes modernes. De sorte qu’une lecture directement sociologique ou anthropologique de ses univers de conflits seraient immédiatement applicable.

Notre souci est autre. En effet, nous savons bien que le sujet organise ses conflits non en fonction de grandes catégories culturelles collectives, mais en fonction dont il réorganise les héritages familiaux et les valide dans le social. Le rapport à la culture se construit à travers des prismes, des scènes et des mythes “ privés ”. Il s’agit alors de prendre au sérieux l’intense potentiel adolescent là où il va faire craquer le pacte familial narcissique antérieur, lié sur une solidarité de refoulements. La capacité adolescente à mettre et à traduire les pans laissés de côté par l’histoire de sa famille saute aux yeux.

Les destins de l’adolescence semblent bien corrélés aux réponses que l’adolescent invente pour faire pièce à l’inconsistance des altérités de référence, et nous pouvons penser que ces réponses ont la forme et la fonction de fictions, qu’elles disent le plus singulier en le revêtant de ce que le lien social offre comme figures de l’altérité, de l’interdit et de la jouissance.

D’une manière générale, les études concernant les effets de l’exil dans les générations sont comme séparées en deux champs : d’une part, des recherches culturalistes concernant les domaines de la culture et de la tradition, d’autre part des études, plus contemporaines, qui prennent pour objet les transformations subjectives liées aux modifications du rapport social et aux champs de l’histoire et du politique. Toutefois le travail clinique avec des adolescents issus de familles marquées par des exils récents – exil qu’explique, le plus souvent pour des motifs économiques, la question des enfants des réfugiés politiques étant assez particulière- mine une telle division arbitraire et abstraite. Ce sont bien les formes et les temporalités de la mise en place d’une relation nouvelle à l’altérité et à la référence qui importe pour qui tente de rentrer en contact avec les dynamiques des processus adolescents. Du même coup, la référence à l’Origine ne peut faire l’objet d’une lecture essentialiste. Elle est, en revanche, à situer au carrefour des moments de production sociale des ancestralités et des altérités (et il ne fait pas de doute que des “ cultures de ghettos ” flirtent avec un retour à une lecture communautariste des lois et des valeurs qui sont censées circuler entre sous-groupe d’âge et de sexe), d’avec les montages singuliers, propres aux constructions fantasmatiques de tel ou tel sujet. Ce fut tout l’effort de R. Kaës de situer la dimension de la différence culturelle en rapport avec ce qui est en souffrance dans l’identité (1996). Ce fut aussi, de la part de P. Gutton, une reprise des lectures psychanalytiques de l’idéologie et de la fonction de l’idéologie dans la subjectivité adolescente (1997), en insistant sur le fait que le sujet qui s’accroche à un savoir identitaire clos, se faisant sa propre démonstration, vit un moment de collage et d’opacité où est incitée la confusion entre sujet et individu.

La position précise et idéologisée de la référence identitaire à l’adolescence, ne nous la fait pas considérer comme un surgeon d’un trésor ancestral, mais comme l’effet et le produit d’une construction. Cette dernière est le plus souvent fortement encouragée par l’actuel de la configuration communautariste et partialisante du lien social.

Les processus de subjectivation à l’adolescence se présentent, la plupart du temps, de façon très paradoxale. Les moments de clôture, d’allure mégalomane, sont bien des temps où le sujet se prévaut d’une identité très formelle prescrite et idéalisée. Importe alors, pour le clinicien, toute la fabrique du sujet qui vit, en contrebande, derrière ces parades idéologiques. L’illusion identitaire vaut pour croyance dans une persistance alors que tout bouge et que le jour, comme la nuit psychique, remuent. Les formations de l’idéal sont, bien sûr, engagées le plus nettement dans cette exacerbation de l’identité et de la différence revendiquée. Allant plus loin que ce constat, au vrai plus sociologique qu’autre chose, la psychanalyse mène à comprendre que la massification idéologique des identités se met au service d’un nouveau mode de fonctionnement du Surmoi. L’adolescent cherche à mettre en coïncidence le surmoi “ interne ” avec des aspects collectifs de la contrainte, de l’idéalisation, mais aussi des aspects collectifs de la séparation clivée entre un “ nous ” et “ des autres ”, à l’extrême entre du “ masculin ” réduit à du viril et du féminin réduit à du sexuel erratique et dangereux. C’est bien les empêchements de transfert et de traduction des forces d’amour et de haine sur de l’altérité et sur de l’objectalité dont témoignent ces féroces intimations identitaires où se satisfont les exigences cruelles du surmoi (Cherki, 1997. Douville, 2000, Roth, 2003)

Ce que la rencontre exige de capacité à laisser errer sa penser, ses topos, de capacité à admettre le nouveau, est un des noms du processus adolescent. Ce processus est souvent entravé et sans doute pas tant encouragés que cela par un état du lien social prescripteur d’identité close, de savoir interchangeables.

Nous invitons notre lecteur à envisager que l’adolescence ne se réduit pas à une forme d’adaptation aux contraintes qu’impose la modification pubertaire. L’adolescence est aussi le temps d’une remise en compte des idéaux, un moment où il est nécessaire de reconstruire les relations à l’idéal, au semblable et à l’altérité. Le retentissement de l’œdipe sur le social implique aussi le passage du roman familial au "mythe individuel du névrosé", mythe qui fait apparaître l’adolescent non plus seulement comme le produit d’une histoire familiale mais comme un sujet aux prises avec l’histoire générale et avec la culture, et le positionne donc aussi dans les formes du lien social.

C'est bien le social et la cité, en tant qu'espaces géographiquement ordonnés, qui intéressent une lecture “ transculturelle ” de l’adolescence (Cadoret, 1997, Douville, 2002, 2003). L’orientation rendue possible du corps et de la parole du sujet dans des logiques de socialisation retient, alors, toute notre attention.

L'adolescence ne relève d'aucune structure spécifique, mais consiste en un temps tout à fait particulier de situation dans la structure: à ce moment le sujet est submergé par l'irruption du sexuel dans le corps réel. Il ne peut répondre à ce réel qu’en remaniant les scènes qui rendent compte de son lien à l’Origine. Origine pulsionnelle tout d’abord, dans la mesure où l’adolescent, encore séduit par la sexualité infantile – ce que ne manque pas de rappeler P. Gutton ( 2003)- se positionne comme acteur possible de la scène primitive. Rien, avant l’adolescence ne pouvait donner lieu à des rêveries au sein desquelles le sujet se positionne comme devant activement être celui qui reprend l’Origine à son compte, s’en fait à la fois le défenseur et le garant. Le travail avec les adolescents ne saurait se contenter d’une définition paresseuse et convenue selon laquelle la sexualité adolescente récapitule, sous le mode de la répétition, la sexualité infantile. Bien au contraire, c’est tout le jeu, l’écart, entre ces deux sexualités que l’adolescent tente de se représenter. Temps de passage, l’adolescence, est aussi, et surtout, une période vive d’exploration des seuils. C’est aussi un moment où le jeune récapitule et déplace la passivité infantile et se met en quête de ce qui pourrait le situer, même le définir, comme individu en prise avec le retrait (retrait de la sexualité infantile) et le nouveau (irruption d’une pulsionnalité cherchant de nouvelles adresses et de nouveaux contours).

Des défenses avaient été jusqu'à présent, lors de la période de latence, mises en place pour écarter le sexuel ou pour théoriser à partir de lui. Ces défenses maintenant se révèlent inefficaces, peu appropriés. Et ce n'est pas seulement l'enfant du narcissisme primaire, "His Majesty the Baby", qui est perdu par le sujet, c'est aussi l'appareil défensif et le systèmes des idéaux archaïques qui constituent l'objet d'une perte pour le sujet. Il n'est pas d'autres solution pour un sujet vivant cette perte des idéaux et du rapport au corps - perte de ce qui rendait jusqu'à présent son monde familier- que de sauver sa continuité d'être en ouvrant une brèche chez l'autre. Voilà pourquoi l'adolescence explore, avec méthode et vigueur et tout en le dénonçant parfois, ce qui est manquant, incomplet, ébréché, ouvert dans les discours courants, les promesses parentales familiales ou sociales, voire dans la langue même. On pourrait dire que l'adolescent doit, à nouveau, s'inventer un corps qui est aussi un corps de langage, puisque le corps produit par les théories sexuelles infantiles ne le soutient plus et qu'il ne s'y retrouve plus. Il doit s'inventer un corps pour ne pas rester en rade, égaré ou dispersé tel un simple champ de résonance des irruptions en lui du sexuel. Ce passage adolescent est donc aussi un temps logique, ce que la véhémence des agirs propres à cet âge nous fait perdre de vue. Passage de la perte narcissique à la dimension de l'irréversible et de l'impossible. Il s'agit bien pour l'adolescent de pouvoir symboliser que la castration n'est pas l'impuissance ou l'immaturité, il s'agit plus encore pour lui d'affronter le fait que la jouissance archaïque comme le corps primordial de la mère sont à tout jamais les objets d'un grand renoncement, qu'ils sont frappés d'un interdit majeur. Le corps est le lieu de possibles nouveaux, mais non de tous les possibles.

Le temps de l’adolescence est aussi celui d’une mise à l’épreuve du sujet par rapport aux logiques des discours sociaux. Il a à se constituer un savoir qui vienne lui permette de supporter la contingence de tout devenir. En ce point, nous avons bien du mal à ne pas dramatiser la quête adolescente d’un savoir qui le désignerait entièrement. Et souvent, trop souvent, nous risquons d’oublier qu’il y a toujours quelque chose de très important dans l’effort adolescent qui consiste à mettre les discours et les savoirs au défi de la représenter. Le sujet adolescent ira découvrir qu’aucun savoir ne peut le représenter, qu’aucun savoir ne peut représenter un sujet, sinon le risque en est que tous les savoirs deviennent équivalents les uns des autres. Mais il fera cette expérience de la finitude du savoir, en ayant pu mesurer le risque qu’il y a à inscrire son nom, à signer un acte. Avant d’en arriver en ce point le sujet adolescent confie souvent à l’objet le pouvoir de le définir et de représenter une altérité essentielle à laquelle sont, et c’est le cas extrême de l’objet drogue, transférés le pouvoir de vie et le pouvoir de mort. On pourrait le dire autrement : avant que de devenir un sujet de l’histoire, héritier et possible transmetteur de l’histoire, l’adolescent reprend à son compte l’épreuve de la parole. Ce que parler à autrui implique et veut dire. Il le fera, non sans ambivalence, non sans briser le mur des bavardages et du sens ordinaire, il le fera en se positionnant dans plusieurs jeux d’impossible du discours où se confondent objet et signifiants primordiaux, où se télescopent subjectivité et savoir. C’est ici qu’une perspective anthropologique peut aider la réflexion clinique. En effet, mais c’est verser très vite dans un pessimisme outrancier, nous pourrions évoquer le fait que ce que les dispositifs d’assignation identitaires sur-modernes actuels se jouent de la structure même du discours. Nous sommes tentés de conclure de la sorte dès que nous voyons mis en avant, comme légitimes et désirables un certain nombre de déqualification de la possibilité même de transfert et d’institutionnalisation du sujet, lorsque le sujet est situé par des logiques d’auto- démonstration, défini par les objets dont il s’entoure et qu’il consomme. Nous dénonçons là les modes de collage forcés entre sujet et individu (cf. supra).

La pleine sur-modernité est troublante et les considérations alarmistes sur le développement d’une psychose sociale se succèdent les unes aux autres, de colloque en colloque. Je considère toutefois que c’est partir dans une direction forcée et artificielle de réduire le champ du lien social à quelques-unes des manifestations les plus destructrices de notre modernité. Les enjeux adolescents sont plus souples, plus variés, plus virulents aussi et ils ne se réduisent pas à une simple aliénation.

Comment lire les processus adolescents ? Faisons retour à la clinique. J’évoque alors un jeune Algérien qui m’explique qu’il s’est fait tatouer sur son dos un ensemble de volutes et qui les dessine devant moi. La kinesthésie du trait impressionne. On dirait qu’il y a de l’impossible en jeu, cet impossible à écrire le mouvement. Des points surmontent des entrelacs qui, peu à peu, répétition du tracé sur répétition du tracé, délivrent des contours de lettres arabes. Est-ce à lire ? Sans doute pas en un premier temps. Je garde ce tracé, ce dessin. Une fois que ce jeune peut aborder un peu davantage sa généalogie, il demande à revoir ce dessin. En souriant il me dira que c’est bien plus lisible que ce qu’il a dans le dos. Plus lisible… la trace se fait trait. Se lit un possible : il serait possible de considérer que ce tracé se lise comme un prénom arabe, un nom, même, poursuit-il. Qui porte un tel nom ? Une condensation est là à l’œuvre qui appelle à une levée de al confusion puisque ce nom (Kader) est à la fois ce qui désigne un grand résistant à la colonisation française et un grand-père qui aurait trahi les Algériens pour les Français. Par parenthèse j’indique que j’ai fait rencontre, dans ma clinique, de plus d’une historie de “ trahison ” lors des guerres d’indépendance et elles impriment quelque chose de leur marque sur les repères du bien des jeunes algériens. Comment à la fois se séparer du lien infantile aux parents et en même temps pouvoir lire ses morts ? comment accepter de se constituer comme “ infidèle ” afin de réinventer un rapport au passé ? comment écrire son nom dans l’espace de la cité lorsque les signifiants de la filiation sont tenus pour honteux, inavouables, devant faire l’objet d’un travail de silence ? Ce jeune avait compris que la condamnation du grand-père (qui a si “ mystérieusement ” disparu) par le groupe touchait en plein non seulement les fantasmes parricides de son propre père, mais encore la conviction de ce dernier qu’il aurait mieux vécu s’il avait été de tout temps orphelin. Il lui fallait opérer un travail de retrait du père, afin de s’inventer comme fils et comme citoyen d’une autre communauté que celle, étroitement familiale, marquée par des affects de honte et de nostalgie…

Sans nostalgie pour un quelconque culte du père, la clinique reprend ses droits en ce sens qu’elle seule peut entendre les moments logiques de ces passages adolescents, avant que le jeune ne signe son entrée, au prix d’arracher au social quelques certitudes, dans la structure développée de l’échange langagier. Au psychanalyste de démontrer la possibilité que l’enjeu d’une cure avec un adolescent soit bien de soutenir l’actuel d’une position d’énonciation et non de demander à l’adolescent de considérer son temps présent comme le voile, l’écran, le lieu de recel de l’infantile.

Je m’en tiendrais à préciser maintenant comment les processus de subjectivation à l’adolescence se tissent dans des allers et retours entre la culture familiale et la culture sociale. Ce passage est plus marqué lorsque la famille de l’adolescent est ici perçue comme étrangère. Une clinique des altérités à l’adolescence est bien un des domaines de recherche les plus actuels. La clinique psychanalytique chemine avec l’anthropologie des mondes contemporains, mais elle s’en dégage aussi en insistant sur la sexualisation de l’altérité.

L’altérité et le sexuel

L’adolescent fait donc son chemin. Les turbulences de la sexualité infantile circulent à mesure. Au risque de revenir sur le corps propre. C’est ainsi que la recherche adolescente, plus trop métaphysique de nos jours, est adossée sur des processus de reconnaissance ou de déni de l’altérité. Une précision s’impose ici. J’insiste encore : à la différence des recherches anthropologiques qui considèrent l’altérité comme une donnée initiale ou neutre, et étudient à partir de cela les rapports entre identité et altérité sous le primat d’une combinaison logique et calculable, la psychanalyse s’attache, elle, à éclairer la genèse sexuelle d’une épreuve de l’altérité, Toute possibilité donnée au rapport sexuel (et l’adolescent oscille entre le contingent et le nécessaire) fait émerger un tiers, qui signifie, non un troisième personnage mais se dégage comme point de fuite de toute mise en rapport. Aussi, faut-il entendre que la psychanalyse ne rajoute pas des différences aux différences, et, si avec Kaës, elle fait de la différence culturelle une différence supplémentaire, elle insiste à dire que la pensée de la différence, à l’adolescence, est en plein remaniement. Il est à ce remaniement une raison simple et impérieuse. L’altérité dans le lien social est, pour tout un chacun, dès l’adolescence, une altérité investie par le sexuel.

En fait, l’intérêt adolescent pour l’autre est souvent passé peu aperçu. Aujourd’hui où les phénomènes de marchandisation de la mode sont en jeu avec uns insistance harassante, on parle beaucoup et beaucoup trop des identifications imaginaires, de ces commerces du même au même sous lesquels les adolescents se travestissent comme les plus avides et les plus inconstants consommateurs d’insignes groupaux. Il n’est pas, pour autant, utile au clinicien de croire, dur comme fer, que les adolescents vivent dans un monde où ils seraient, chacun, et en masse, définis par un discours ad hoc leur assignant des objets déterminés. Pour ma part, j’ai bien davantage le sentiment que ces phénomènes de massifications ne sont que des plus superficiels et qu’ils n’ont rien de plus, ni de moins, que la fonction d’une mascarade. Cette dernière permet de tenir cachée, en réserve, l’invention du tiers que la sexualité adolescente réclame, fait mine de conjurer à mesure qu’elle l’invente. L’invention du principe de tiercéité interne à ce que nous permettrons de nommer “ l’altérité de l’altérite ” est corrélé à la mise en place de la sexualité adolescente.

La gamme des inventions de ce redoublement de l’altérité sera, on s’en doute un peu maintenant, plus nette à constater avec des adolescents qui sont porteurs d’une historie de rupture culturelle.

Anthropologie clinique

Une lecture clinique des transitions et des ruptures, des passages et des stases à l’adolescence, peut rencontrer une perspective anthropologique, dans la mesure où les formes contemporaines de socialisation à l’adolescence renseignent sur la production sociale de signifiants et de discours qui permettent de métaphoriser les parcours, les rapports à l’origine et les ouvertures à l’autre. En ce sens, travailler avec des adolescents issus de la migration est encore apporter une précision à l’étude des processus de subjectivation à l’adolescence dans la mesure où le concret de leur histoire (éloignement des altérités de référence, perte de la langue maternelle, exposition à de nouvelles fictions du corps) vient redoubler les opérations psychiques de coupure et de lien caractéristiques de ce nouvel âge de la vie. Le regard clinique que nous pourrions alors porter sur ces jeunes gens et ces jeunes filles, que nous rencontrons le plus souvent dans le cadre de consultations cliniques, aurait toutefois à s’émanciper de certaines optiques forcées. La première serait de ne voir en l’adolescent qu’un être passif, s’extrayant au mieux de sa passivité à grand fracas d’actings, mais subissant le social, bien plus qu’il ne le produit. Nous posons, à l’inverse que l’adolescent est producteur de social. Je ne mentionnerai que de fort brève façon le second réductionnisme qui est celui du “ culturalisme ”. Il n’est d’aucun intérêt de réduire l’adolescent issu de la migration parentale à un sujet qui irait mieux dès lors qu’il serait entendu, ou même soigné, comme un sujet “ traditionnel ” -cette chimère d’une anthropologie folklorique. Être du passage et explorateurs des seuils, l’adolescent est un héritier, le plus souvent empêché de s’approprier l’héritage, et qui, loin d’être le réceptacle fourbu et isolé d’un legs traditionnel, est le plus souvent celui qui questionne, y compris par ses symptômes, l’actuel de l’histoire parentale. Or, cette histoire est marquée par l’histoire contemporaine avec ses espoirs, ses violences, ses héros trop idéalisés et ses morts-mal morts.

Un des premiers paramètres à quoi la clinique va faire face sera non la culture en tant que telle, mais les conditions concrètes de l’exil des parents, les circonstances objectives et subjectives qui ont contextualisé le départ. Ce n’est pas la même chose de quitter un pays parce que l’on doit, pour sauver sa peau et celle de siens se réfugier dans une terre étrangère, que de partir parce que l’ailleurs est culturellement valorisé ou ne serai-ce qu’aimé au sein du strict horizon familial. Très souvent, nous remarquons que certains parents des adolescents dont nous faisons la rencontre ont quitté leur pays en raison de violence interne à la famille, de cassures généalogiques nettes, de spoliation d’héritage, par exemple, ou encore en raison de facteurs qui ont trait à l’émergence de leur sexualité d’adolescent et de la façon dont ils ont voulu vivre une histoire d’amour en dehors du carcan coutumier. L’adolescent actuel, récapitule l’adolescence de ses parents, également. Ici, il n’hérite pas seulement du trauma de l’exil, mais encore des traumas antérieurs, qui ont souvent motivé l’exil, et dont les parents souvent ne peuvent rien dire. L’adolescent est souvent exilé d’une généalogie, et cette exclusion se redouble à chaque fois que le sentiment d’appartenance à de la communauté se dérobe sous les pas du sujet. La figure du parent sans droit, sans droit à la parole, suspecté, par exemple, dès qu’il se défend, se syndicalise… est térébrante pour les adolescents qui tenteront souvent de recouvrir cette exposition de la détresse parentale par une fuite dans l’ailleurs amoureux, vers celui ou celle qui est le messager ou la messagère d’un monde nouveau, ou par une forme d’aliénation à des fictions de fraternités originelles qui ne vont pas sans impasse. J’indique là, au plus vite, plusieurs démarches qui vont tenter de mettre en scène un autre rapport du sujet à la loi que celui qui semble régner au niveau brisé des parents. J’ajoute que ces deux démarches n’indiquent pas la même chose, le risque de la rencontre amoureuse se distingue de la régression au fraternel sans commandement, régression idéologique typique des socialisations des garçons.

L’adolescence comme épreuve d’être soi avec l’autre, implique que le clivage phallique soit subverti par une organisation génitale qui laisse toujours flotter un heureux principe d’indétermination dans l’appropriation de soi et de l’autre. Ce qui mènerait à proposer qu’un processus d’adolescence couronnée de succès ne clive plus les altérités entre castrés et incastrés, mais fasse de la castration non ce qui afflige une part de l’humanité mais ce qui circule entre les sujets parlants et vivants quel que soit leur sexe. On réalise alors à quel point la dimension culturelle est ici importante qui donne au sujet argument pour renoncer à la vectorisation phallique clivante pour laisser place à un mythe individuel d’appropriation de ses appartenances et de ses ouvertures d’alliance

Seulement ces conquêtes éthiques prennent du temps et sont loin de toujours aboutir. Et là encore, la possibilité laissée aux jeunes de lire que les incarnations de l’origine ne sont le plus souvent que des interprétations, ou même des simulacres, aide grandement à ce dégagement de l’adolescence vers un destin moral et amoureux qui lui soit propre. Il s’agit alors d’accepter que le processus d’héritage de l’exil se reprenne à l’adolescence, suivant des logiques qui sont aussi celles de la dépression et dans le décours de procès d’identification qui sont souvent déchirants. L’adolescent s’approprie le plus souvent des processus de relecture, de réécriture, de réagencement de l'origine dans la langue du pays d'accueil. Il se trouve en place de refondateur, une telle place est violente.

Telle est aussi la raison pour laquelle les notions d’ “ entre-deux ” ou de “ métissage ” si chère aux imaginaires généreux et fiers de l’être, ne nous retient pas longtemps non plus. De tels clichés gomment par trop la position cruciale actuelle et activatrice d’angoisses matricides que traversent les héritiers de l’exil.

La violence de l’adolescence ne se signale pas nécessairement le passage à l’acte d’un fantasme parricide, mais bien une exploration de potentialités matricides, créant un espace d’expérimentation et d’exploration des accroches sensorielles, visant presque à sauver cet Autre qu’est le Corps, visant presque à s’assurer d’un Autre qui ne serait pas en tout point inconsistant.

Deux aspects opposés composent le tableau du rapport adolescent aux langues de l’origine. Dans un premier cas, la négation des séduction propre au babillage enfantin se donne cours. La jubilation à ne pas être entendu comme un familier du groupe ancien (le groupe familial) n’est pas mince, et, bien déplacés, sont les efforts de ces parents qui ne veulent surtout pas admettre qu’ils sont, en vieillissant, c’est-à-dire en laissant partir leur enfant vers l’adolescence, devenus assez “ ringards ” [3]. Dans un second cas, il s’agit bien d’un rapport à la langue maternelle, mais d’une manière toute offensive, en ce qu’une conscience se fait jour qui inclut le poids de l’histoire et des rapports de force sociaux et culturels, à avoir privé de son extension et de sa contestation sociale la langue posée comme “ langue de l’origine ”.

L’adolescent n’aura alors de cesse de tester ce qui, dans le discours et l’espace social, valide une tentative d’inscrire les opérations psychiques qui sont celles qui signifient psychiquement (pour une altérité inconditionnelle) et anthropologiquement (pour une altérité à définir) son être, sis entre création et catastrophe :

- déqualification des altérités de référence (Rassial, 2000)

- mise en place d’une sexualisaton des altérités

- rapport actif à l’Originaire, avec cette tendance à se poser, fantasmatiquement comme contemporain de sa propre origine

- reprise dans un “ mythe privé ” des fondations familiales et culturelles de la nomination et de la filiation.

La scène adolescente en son aspect inédit est tout à la fois ce qui contient des objets, et détermine des modes d’accrochage à ces objets, de diffusion et de consomption de ces objets, mais elle est aussi le lieu lui-même, et son hors champ. L’adolescent ne s’installe pas plus dans des scènes qu’il les détourne ou les “ récupère ”, bien plus fondamentalement il expérimente le topologie d’une scène possible, sa profondeur de champ, dans les friches, les interstices des cités et des paysages urbains, le plus souvent. Passage de frontières et création de réseaux, l’intensité du lieu, voire du lieu sans bord, fait pays psychique en écart, en déplacement, en errance et en risque rejoué d’être toujours mal reçu. Si la scène suppose qu’un Autre pourrait entendre la détresse de cet infantile que l’adolescent retrouve comme préhistoire actuelle, les expérimentations d’espace visent aussi à créer cet Autre qui entend, contient, transmue et déplace cette détresse. Les adolescents vivent alors des espaces en enchevêtrement, en maillage et en rupture aux seins desquels ils élaborent par des mises en acte et en scènes des arguments de nomination possible pour dire la généalogie et l’affiliation. Souvent, ce n’est pas la trace de la filiation qui fait défaut, le trait est là, le nom n’est pas un OVNI, la musique du natal chante encore dans l’accent, la démarche même. Mais faute d’un discours qui assume les destins de cette trace de la filiation, son effacement possible, ses retrouvailles aussi, le sujet vit son histoire non au singulier, mais dans une particularité sans adresse. Les fondations solidaires de l’espace psychique, social et culturel se délitent ou, au mieux, entrent-elles en jeu les unes par rapport aux autres sur un mode conflictuel. La construction imaginaire de la filiation se rabattant sur l’obsession du corps propre empêchée de se projeter dans une forme symbolisante.

Une mémoire active s’écrirait alors par le rebut et par l’excès, par la grâce des capacités anamorphiques des rebuts et des excès. Sur ce fond d’un exercice de la dissociation et d’un recollage des scènes de la passion, des scènes de la pulsion, et des lieux de la Loi, l’adolescent ne fait pas que provoquer pour recevoir un contenant (ou pour être reçu dans un contenant) il interroge aussi ce qui fait qu’à un moment donné, le social contemporain le laisse dans une haute solitude à devoir assumer le trauma parental. Ce à quoi nous avons affaire est bel et bien au retentissement de ce trauma dans l’actuel de ces générations qui peuvent à chaque cran générationnel se vivrent comme voués aux mêmes forclusions portant sur les territoires, les frontières, les passages et les alliances.. Alors que les adolescents, aujourd’hui s’inventent dans leurs actes, leurs violences, voire leurs mises en auto-potlatch, l’inouï d’un descendant à venir tentent, avec une force qui nous éblouit, nous chagrine ou nous enivre de dépasser le fidélités programmatiques, de briser les injonctions à l’écrasement dans l’emprise et la persécution. C’est bien parfois une création d’exogamie qui s’exerce, tâtonne ou flamboie derrière ces parades d’auto-fondation trop vites stigmatisées dans le registre incestuel.

Il est nécessaire d'entendre comment tout adolescent interroge le passage et interroge les instances symboliques qui font lien entre lui et les autres et entre les générations. Ce sont ces instances qui permettent au sujet de rendre plausible sa demande. L'adolescent est un logicien et un lecteur car il prend acte de ce que la mort et la parole deviennent solidaires, à tout jamais. Et il prend acte de ce que nous ne savons pas leur parler de la sexualité et de la mort, tant ces termes sont aujourd’hui “ déparlés ”. La mort et la parole font partie de l'expérience subjective. Penser la “ parole ou la mort ” est une opération qui sous-tend le travail de la pensée, l'impossibilité de la pensée de la mort devenant le nerf même de la contrainte à penser.

La survenue de ce nouveau mode de nouage entre impossible et nécessaire peut alors ouvrir un savoir sur l'Origine. À partir de là, c'est une interrogation sur les signifiants de la filiation qui fraye une élaboration pour un rapport neuf à la culture. S'animent les lieux et les questions qui hantent les lieux.

Ce qu’avec ces patients nous apprenons est qu'il y a des moments (ou des temps logiques) de telle incertitude et de tel tremblements devant l'héritage qu'aucune mémoire, ni surtout aucun oubli familial, ne peut relancer le projet et le lien. Tout est figé, comme est figé ou plutôt impossible à dire le rapport du ou des parents aux terres où on donne la vie et aux terres où on déposera après le passage, son corps mortel. Des pères ou des mères se vivent et se présentent comme des corps sur lesquels a reflué toute la nostalgie de l'origine brisée On saisit alors que si les tenants lieux de la fonction lien, les parents, sont eux-mêmes dans leur réelle intégralité assimilés, agglutinés à l'absence et au désarroi, alors le montage subjectif est très souvent en impasse pour un sujet qui est privé du travail d'appropriation de la division. On voit alors comment le temps de franchissement de l'adolescence est un temps de décentrement. La contrainte subjective de l'adolescent, celle qui mène le sujet à s'approprier la coupure, le manque, peut emporter aussi comme conséquence, lorsque cette appropriation ne se fait pas, une expérience de vide intérieur.

En ce cas, pas de possibilité d'appropriation de la coupure, du trait symbolique qui distingue pour reconnaître, qui sépare pour retrouver. Dans le réel du corps, c'est à dire au profond de la peau trouée ou marquée de biffures en séries, dans le vif dolent de la chair, se marquer pour tenter de figurer la part non figurable de l'origine. L'enjeu et là et il est celui que vit tout adolescent lorsqu'il peine à s'affranchir de l'habillage imaginaire qui fait encore tenir ou réagir le narcissisme parental. Tout choix faisant intervenir la possibilité et de dire un “ non ” ou un “ oui ” et de tenir le rapport à sa propre parole sur cette profération risquera de livrer le sujet à l'angoisse du retour vers un vide insensé, vers un non-être

D’une cure possible

Nous sommes amenés à distinguer les conditions d'une cure possible : un maniement de la cure aurait au cœur de sa passe un dépassement d'une position limite, risquée, trop tôt, bien trop tôt testamentaire vide pour laquelle le sujet n'y est pour personne et est comme dégoûté du commerce avec autrui. Nous voudrions attirer l'attention sur ces positions adolescentes qui se vivent comme captives d'un réel, et se donnent dans l'abolition de leur subjectivité comme pur effet, pure réponse du Réel. Ce sujet-là qui se consacre à la panne de l'Autre se présente comme insulté par le Réel. Toutefois, l'aspect sinistré de certains de ces adolescents, plus souvent des garçons peu libres de jouer avec la catégorie de l'être en raison des logiques de la sexuation dont il ont à prendre acte, nous renseigne sur les conditions de "cette passe" adolescente. Nous la définirons comme passage du sujet comme réponse du réel au sujet comme sujet du signifiant, capable en retour de connaître la jouissance du déchiffrement du réel.

Cette passe est, de façon combinatoire et élémentaire, la condition de l’invention de l’espace comme milieu où s’oriente le temps et donc le corps. La plasticité adolescente, si longuement conquise, cette façon de glisser, mieux que bon nombre d’adultes dans les interstices de nos villes, renvoie à la fabrique de la perspective là où un accrochage se joue et qui relie le jeune aux artefacts des traces dans le signifiant. À ce qui lui fait signe, sans le rendre fou dans le champ social différencie, et différencié par la différence des sexes donc des générations. L’espace comme champ est le résultat d’un nouage temporel exogamique. La surface donnée par le sensitif de l’instant de voir, serait le premier temps. Ce temps des vulnérabilités belliqueuses, des sensitivités extrêmes, des insupportables qu’il peut y avoir à être regardé par autrui. Ce temps est aussi celui de la peur au ventre et de la bravade, à défaut creusée par la diachronie d’une construction phobique et en raison de ce défaut (Douville, 2000 a et b). Ce temps de la spatialité se creuse par un second temps, propre au jeu des renversements de la pulsion. Advenir à ce temps suppose que la dignité qu’il y a à se faire et à pouvoir demeurer sujet demandeur et objet de la demande n’a pas été déniée. Cette dimension de la réversibilité s’habille, enfin, de profondeur lorsque se met en place la déclaration de sexe, soit la façon plausible de se constituer comme sexué et comme héritier dans un monde censé et ouvert. Bien sûr c’est aller un peu vite que de sérier et chronologiser ainsi ces nouages, mais il m’a semblé que la remise sur ses rails de ces trois temps d’un appel à l'Autre ne pouvait se produire dans les cures qu'à la condition que s'y actualisent, s'y mythifient la façon dont les zones et les objets pulsionnels incarnent un corps de l'Autre, voué à s'inconsister. C’est un travail qui redonne souplesse aux fonctions d’engrammage, de traductions et de déplacement propre à l’activité préconsciente - au sens défini par René Kaës (1996)

De ce point de vue, on pourrait alors comprendre que nombre d’adolescents issus de la migration parentale ne font pas d’abord consister leur symptôme et leur transfert comme ce qui permettrait de se dégager des angoisses que génère le complexe de parricide. En-deçà d’une telle conquête psychique, ils viennent témoigner que l’épreuve de l’exil n’a pas d’abord porté atteinte à la dimension des pères, mais qu’elle a bouleversé radicalement la fonction maternelle, celle qui soutient le spéculaire, présente le monde et permet au moi-idéal de circuler. Le langage maternel, loin d’être aboli à jamais revient et prend un statut métapsychologique auquel nous rend sensibles une clinique du Surmoi. Une partie de ce qui de la langue maternelle, soumise en clivage peut revenir en imprécation surmoïque.

Je pense ici à une adolescente qui, séropositive, et en mélancolie de se dire, alors qu’elle venait de tomber très amoureuse d’un jeune homme, qu’elle ne pourrait donner naissance qu’à un enfant atteint du VIH, pensait que selon sa culture, si elle ne donnait aucun enfant au monde, alors elle sera privée de sépulture. Je mis peu de temps à encourager ma patiente à envisager que d’autres destinées pouvaient advenir à son corps. Une fois dégagée de cette mélancolie de mort-vivant et ayant renoué le contact avec d’autres Somaliens de même origine ethnique qu’elle, elle pu me dire à quel point, seul, le plus archaïque de la violence rituelle fonctionnait comme argument de ses terreurs (des femmes stériles peuvent adopter, par exemple). Une façon de masochisme surmoïque avait ainsi découpé un énoncé des rituels et des prescriptions coutumières, lors que d’autres dispositions avaient heureusement cours pour les femmes décédées sans avoir été mères. Relier ce fragment d’imprécation à ce qu’il en était de l’histoire maternelle nous remit sur les rails d’une psychanalyse plus standard. Sans prendre le temps de développer plus avant il me semble important de désigner que les bribes de fidélités programmatiques auxquelles un sujet se voue sont loin de fonctionner uniquement dans le registre du moi et dans le champ de l’identité. La métapsychologie de la cruauté du surmoi supplante ici toute modélisation culturaliste, au point de la ruiner.

Nous ne pouvons alors que nous montrer attentifs à ces bribes de langage maternel, ces fragments, qui loin de n’être que des supports identifiants ou des “ contenants culturels ”, sont aussi des vociférations qui ordonnent à l’enfant en passe d’adolescence et d’amour pour de l’autre, une inclusion féroce et cadenassée aux sites de l’origine. L’ouvre adolescente étant un travail de décomplétude de l’origine, le clinicien, et pour d’autres raisons l’anthropologue des mondes d’aujourd’hui, se montreront attentifs à tout ce qui fonctionne comme contrariant cette œuvre : tentation de faire retour à une intégrité de l’origine, mise en place de système d’affiliations fraternelles réglés plus que médiés par l’immédiateté spéculaire, sans temps et presque sans lieux.

Nous conclurons ainsi sur la force d’invention et de fabrication de lien social par l’adolescent lorsqu’il se désarrime des fidélités programmatiques au religieux de la tradition, et crée de l’écart entre les impératifs sociaux d’identification et son propre chemin en ouverture, sa propre solution actuelle pour se déclarer un héritier sexué de l’histoire familiale, un traducteur et un passeur dans l’actuel, aussi et surtout.

Olivier Douville

Références

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Cadoret M. : “ la banlieue : mise en scène des frontières ” Psychologie Clinique, 3, printemps 1997 “Les sites de l’exil” : 99-106

Douville O., - "Fragments, constructions et destins contemporains du mythe individuel à l'adolescence ”, Sortir: l'opération adolescente (sous la dr. de J.-J. Rassial) Toulouse, Érès, 2000 : 33-76

Douville O. : “ Avant le transfert, le contact ” Le Transfert adolescent ? (sous la dir.de D. Lauru), Toulouse, Érès, 2002 : 132-143

Douville O ; “Move to the outskirts of the town, ou quand le temps se replie sur l’espace ”, Adolescence, 2003, 21, 1 : 25-44

Gutton P., Le pubertaire, Paris, PUF, 1991

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Gutton P ; : “ Quelques arguments concernant la cure des adolescents ” Le fait accompli (sous la dir. de F. Marty, P. Gutton et P.Givre), Publications de l’Université de Rouen, collection “ Psychanalyse et santé ”, 2003 : 175-194

Kaës R., “Le groupe et le travail du préconscient”, Revue de Psychothérapie psychanalytique de groupe, 26, 1996, pp. 33-51.

Rassial J.J., “ Positions lacaniennes sur l’adolescence, hier et aujourd’hui ”, Adolescence, 2000, 18, 1, 83-93

Roth B. : L’exil- Des exils, Paris, L’Harmattan, 2003

[1] Psychanalyse. Maître de conférences en psychologie clinique (Université de Paris-10 Nanterre), Centre de recherche Psychanalyse et médecine (Université de Paris 7). Directeur de publication de Psychologie Clinique Paris, L’Harmatan) mail : douvilleolivier@noos.fr

[2] on peut rappeler ici les différents colloque organisés par la revue Intersignes, et en particulier, la rencontre Clinique de l’exil : “ L’étranger, son enfant et l’institution ” Paris, La Salpétrière, Amphithéâtre Charcot, janvier 2001.

[3] Il faudrait pouvoir parler de parents “ suffisamment ringards ” comme il le fut dit de mères “ suffisamment bonnes ”