Exclusions et corps extrêmes

Par Olivier Douville

Psychanalyste, Maître de conférences Paris-X Nanterre, Unité de recherches : “ médecine, sciences du vivant, psychanayse ” (Université P. 7, Pr. D. Brun)

Résumé :

De grands exclus, dans leurs mélancolisation, mettent sous les yeux de ceux qui les observent que ce qui permet pour un sujet de se donner une consistance de corps et de langage est bien que quelque chose de son histoire individuelle dans ses défaillances soit supportée par l'histoire collective. Il ne faudrait pas isoler le point de vue psychopathologique en perdant de vue que ce qui est en jeu dans les grandes exclusions est aussi une exclusion des signifiants et des mémoires qui font tenir le sujet au social, et dans le social.

Mots- clefs : Errance, exclusion, mélancolie du lien social, souffrance psychique

Introduction

Aujourd’hui, le marché du travail et la guerre moderne (c'est-à-dire mondiale) ont transformé les hommes en masse. Un flux humain s’incarne et qui n’est pas pour autant représentable. Si un collectif ne peut avoir d’image directement spéculaire dans le miroir, en revanche il peut se soutenir par des fictions originaires et identitaires. Or, quand les individus ne se sentent plus concernés par le moindre mythe d’origine en partage –tel que l’est par exemple le mythe républicain, ou le mythe des droits de l’homme, dont on se moque de nos jours avec une terrifiante légèreté - alors la tentation de réinscrire, en fiction, un inentamé de l’origine insiste et pousse au ravage. Avec la grande exclusion, un abîme s’ouvre. Cet au-delà de la pauvreté qu’est la misère mène à considérer que le sujet mis en “ hors-lieu ” n’est plus alors uniquement et uninement l’exilé “ exotique ”, il devient cet exilé de l’intérieur que l’on nomme “ exclu ”.

Travaillant comme clinicien[1] référé à la psychanalyse en tant que doctrine, méthode et éthique, nous ne pouvons qu’encourager la possibilité de conflictualisation psychique, en nous tenant loin des idéalités conventionnelles, idéalités au demeurant, souvent refusées par les plus errants ou les plus exclus de nos patients.

Ma réflexion prendra appui sur mon travail de clinicien auprès de grands exclus, en Afrique.

Différentes formes d’exclusion. Ou de la cité à l’“ a-cité”.

Je propose aujourd’hui le terme de “ a-cité ”. Ce n’est pas qu’un effet de Wizt qui me conduit à écrire de la sorte. Psychologue clinique et psychanalyste, travaillant en centre Hospitalier Spécialisé, je désigne par là un véritable glissement de terrain dont doit prendre acte la politique de secteur, politique que je défends, tout en regrettant la fossilisation dans laquelle elle se trouve le plus souvent. Le glissement de terrain est le suivant. Je me demande comment, conçue au départ pour intégrer la vie de la cité à l’effort de soin et de prévention, conçue pour aménager, de nouveau, des passerelles de vie possibles entre le “ fou ” et la ville, cette politique doit maintenant prendre en charge de nouveaux processus de recomposition et de décomposition des liens, des solidarités, des identités et des appartenances dans les nouveaux lieux de vie et d’habitations contemporains. Il n’est en rien évident que les lois de la cité jouent dans ces nouveaux espaces urbains.

À mesure que les textes fondateurs de la politique de secteur allaient définir la cité en s’en appropriant un modèle idéalisé afin de raccorder le sanitaire au social, à mesure qu’elle définissait le propre de la cité, elle eut affaire au contre-jour de ce modèle : la déliaison urbaine et sociale qui préludait à une déliaison psychique. Ainsi, il a bien pu s’établir dans nos Mondes contemporains, une sorte de destruction de la cité qui ne corrompait pas l’ensemble des rapports sociaux, mais qui les amollirait et finirait par détendre leur ressort. Le communautarisme est un autre signe et un autre nom de cette destructuration de la cité. Tout ce qui influe sur les conditions d’un lien social possible, sur les incidences des ruptures de liens au plan collectif et au plan singulier a donc un très grand intérêt pour a clinique. l’ordre de la cité n’était pas atemporel ni utopique. Ce qui reste aujourd’hui de la cité dans l’existence concrète des populations reste, en effet, à établir.

Notre contexte sociologique n’est pas opaque. Pas du tout. Il n’est pas non plus l’objet spécialisé de tel ou tel chercheur ou de telle ou telle discipline. Il est présent aux yeux de tous. C’est le contexte d’une société où se multiplient des lignes de fractures (qui ne sont pas que sociales) et où l’on voit apparaître dans la rue, dans le métro, les halls de gare, et même les bretelles d’autoroute, des centaines, puis des milliers de mendiants ou d’errants, dont beaucoup sont devenus des SDF. Au cœur de ces errances, de ces mendicités discordantes [2], de ces déambulations automatiques, on trouve la présentation d’un des plus grands désastres qui puissent menacer des hommes : la destruction d’une cité, la mise à la casse de cette enveloppe charnelle et formelle qui donne aux trajets d’existence, source et bords, légitimité et orientation. Chaque exclu, chaque errant (mais non chaque marginal ou chaque exilé) renvoie ceux qui le côtoient, le fuient ou l’approchent à ce terrible événement : la destruction de la polis. L’empreinte de ce désastre habite notre culture depuis l’Illiade. L’exclu alors peut être ressenti non comme une victime (cet habit de misère terminologique propre aux managements charitables d’inspiration chrétienne boy-scout), mais comme une menace possible. Tout exclu est porteur et témoin de cette catastrophe, la destruction interne (mais réelle parfois, souvent même) de la polis. En ce sens l’exclu tout comme l’errant renvoient à l’autochtone toute la fragilité et l’artificialité qui affectent sa relation à ses propres espaces urbains, à son familier psychogéographique.

Les cliniciens sont confrontés à des états nouveaux des nouages entre corps et signifiant, entre histoire et filiation, entre érotisme et pulsionnalité. Les savoirs et les savoirs faire institués les préparent assez mal à aborder ces nouvelles formes des malaises, qui ne peuvent être réduits à la construction tripodique psychose / névrose / perversion ; et, de même le modèle classique du psychisme qui serait issu de la métapsychologie du rêve comme modèle princeps de la fabrique du symptôme ne permet pas de situer les particularités de la vie psychique des sujets en grande errance et en grande exclusion [3].

Ces états nouveaux des dénouages qui sont généralisés [4] se lisent et s’éprouvent, manifestement lors de l’opération adolescente [5]. Il suffirait, pour s’en convaincre de lire attentivement un livre qui a rencontré à juste titre une très large audience, un vif succès : Les Naufragés, avec les clochards de Paris de Patrick Declerck. L’auteur, anthropologue et psychanalyste, relate son travail ethnographique et psychothérapeutique avec des clochards. C’est en tant qu’anthropologue, guidé et conseillé par G. Devereux, puis dialoguant avec J. Malaurie (le directeur de cette irremplacable collection de livres qu’est Terre Humaine) qu’il a voulu se tenir au plus près de la vie de ces clochards, se coulant dans les rythmes précis et inévitables de leur vécu quotidien, à ces moments où ils sont (souvent de leur plein gré) ramassés et “ hygiénisés ” par les centres d’hébergement d’urgence, dont le C.A.S.H (Centre d’accueil et de soin hospitalier) de Nanterre. P. Declerck ne nous présente pas seulement les résultats d’une observation participante datée. Grimé en clochard, il fut, il y a quinze ans, motivé à connaître de l’intérieur les centres d’hébergement d’urgence. La présence dangereuse de toxicomanes, la complication due au délabrement de l’hygiène en raison de la fréquence des contaminations VIH (des aiguilles infectées circulent) sont des facteurs assez neufs qui l’ont, dit-il, dissuadés de poursuivre jusqu’à son terme une autre observation participante, il y a peu.

Voulant rejouer sa démarche et sa méthode 15 ans après qu’il a fait ses premières observations, P. Declerck s’arrête là. Brusquement. Le monde de l’exclusion a changé, il est devenu plus dur encore. Des adolescents s’y comptent, de plus en plus nombreux et, parfois de plus en plus violents. Le Sida est présent aussi, on peut craindre de s’infecter, des aiguilles traînent.

Nous faisons souvent le constat de la traumatophilie de certains de ces sujets qui n'a d'égal que leur incessant mouvement pour se sentir réel. L'expérimentation de l'exclusion qui vient se substituer à l'orientation dans le fantasme peut se figer dans une attente éternisée d'un Autre secourable, de moins en moins qualifié. Ce sera alors en examinant le rapport de ces sujets à la jouissance surmoïque que nous pourrons nous affranchir des réductions anthropologiques ou sociologiques toujours trop tentantes quand on parlera de ritualités ou de ritualisations adolescentes pour tenter de donner la mesure de ces atopies consenties qui maintiennent de fait un désancrage de l'Autre.

Des sujets qui ne peuvent alors plus faire l’expérience qu’autrui leur suppose une intentionalité, une capacité de dire « non », occupe par leur corps la place d’un réel. Souvent ils se manifestent à nous soignants et nous inquiètent pour deux séries de raison : d’une part les atteintes contre le corps propres peuvent être nombreuses. Ce ne sont pourtant ni des auto-mutilations, ni des actes ou des gestes dépressifs. Il semblerait plutôt que le corps en grande errance soit dissocié de tout imaginaire glorieux ou esthétique et que les pulsions ne soient plus limitées par un strict bord anatomique. D’où des conduites parfois fréquentes et de scarification et d’obstruage des orifices qui sont loin de faire écriture sur le corps, mais qui assigne des bords et des surfaces planes et aplanies à l’excitation. J’évoque ici une clinique des malheurs et des heurts de la peau, comme si la perte du sens commun du corps, la perte de l’assentiment subjectif à la fiction commune du corps créait par contrecoup une façon d’érogénéité de la peau et de la surface, sur laquelle se dépose un mémorial du corps souvent à peine à lire, souvent impossible à dire ;d’autre part, des grandes plaques d’insensibilité de certaines zones corporelles ou de certains membres, zones de blanchiment psychique, ce qui explique que certains grands errants ont désubjectivé des pans entiers de leur présence corporelle.

La subjectivité du corps est liée, pour tous, à al présence ou à l’absence d’un Autre. L’abolition du registre de la demande à l’Autre (et de la demande de l’autre) abolition que masque parfois les politiques anonymes et efficaces d’assistance crée un rapport au corps à la fois trop erratique et trop réel. L’organisme consent peu et mal à accorder les faveurs de ses découpes au fonctionnement du rythme et de la pulsion. Le corps se fragilise, il se morcelle pour autant que s’abolit la présence d’un autre proche et langagier. L’évocation, ici, du délire de Cotard qu’on fait de plus en plus souvent concernant cette abolition du corps plausible chez les grands exclus, n’a pas de valeur nosographique stricte. Elle vaut plus pour sa fonction de sollicitation de la pensée clinique que pour son propre contenu sémiologique.

Mélancolisation du lien, notes sur la notion de “ vie nue ”.

Généralisons. Que veut donc dire un tel terme “ mélancolisation du lien ” ? Il s’y désigne une dégradation progressive des rapports du sujet à l’espace, au corps et au langage. Les sujets en danger psychique (et non seulement en souffrance psychique) dans l’exclusion sont des sujets qui ont perdu le sens de leur corps, de l’intégrité de leur corps, de la cohésion de leur corps. Cela ne peut que rendre le clinicien sensible au fait que souvent une petite parcelle d’objet, de vêtement constitue pour ces sujets leur ultime refuge, leur ultime “ je ”. Il s’agit, le plus souvent, d’un petit accessoire vestimentaire, un bouton plus ou moins rutilant encore, un béret que la crasse a rendu biscornu, un foulard, petite marque, petit stigmate érigé qui met frein au sentiment d’avoir été porté à disparition au-dehors. Sans doute un point par lequel on reste vu et dans lequel on se voit autrement que comme une tâche aveugle, une anamorphose monstrueuse.

Quitte à me démarquer de beaucoup de thématiques et de slogans devenus très vite conventionnels, je considère que le sujet en grande exclusion n’est surtout pas réductible à ce qui est désigné bien trop hâtivement, comme le sujet “ nu ”, ce dans une lecture qui trahit par excès de fidélité besogneuse au texte les travaux de G. Agamben –et tout particulièrement son Homo Sacer. “ Homo Sacer ” c’est-à-dire l'homme qu'on ne pouvait mettre à mort rituellement, mais qu'on pouvait tuer sans devenir criminel au regard de la loi archaïque romaine Je constate, non sans perplexité, le succès inflationniste des références à ce livre d’Agamben. Non que ce livre soit anecdotique. Bien au contraire. Mais la référence quasi constante qui y est faite dès que des cliniciens et des travailleurs sociaux échangent à propos des exclus relève la plupart du temps du plus grand contresens. Cela tient à des causes qui, renforçant de façon imaginaire l’identification compatissante aux grands exclus, “ psychologisent ” doctement cette vie nue comme étant la caractéristique existentielle et phénoménologique du l’existence que traîne le pauvre le plus pauvre, ce sujet “ sans ” : sans papier, sans abri, et, rajouterais-je surtout sans aucune vraisemblance.

Chez Foucault, la notion de biopolitique désigne la prise en charge de la vie par les institutions sociales et étatiques à travers les politiques de la justice, de l’éducation et de la santé. Chez Agamben, qui prolonge et dramatise le legs foucaldien, s’attache à désigner les paradoxes constitutifs du rapport essentiel de la politique et de la vie. La souveraineté porte en elle une façon de double articulation, car d’une part elle va configurer al vie en fonction de modèles d’existence et d’idéalité qui s’inscrivent en droit, et , d’autre part, elle ne peut être que puissance d’exception, contenant la puissance de suspendre et de défigurer des formes de vie protégées par le droit, formes de vie qu’elle réduit à la vie nue. Ces deux aspects sont indissociablement liés. Agamben défend comme thèse centrale, à partir de sa réflexion sur Auschwitz que le camp d’extermination est bien le paradigme caché de la gestion de la vie, du bios, par le politique. Il décrit alors cette vie “ nue ” en tant que c’est une variable ultime de la structure du pouvoir moderne. On peut dire qu’elle n’est pas ce qui donne la mesure de l’accident de parcours qui arrive au plus démuni, mais qu’elle est la valeur négative de l’humain, son horizon négatif. L’ étrangeté de la vie nue n'est pas due au fait qu'elle touche un étranger mais qu’elle touche l’élément qui pourrait être dépouillé de sa qualité d’humain en tant qu’étranger inassimilable dans le corps propre du commun .

Cette “ vie nue ” est la notion sur laquelle repose le raisonnement de l’auteur. On pourrait la simplifier ainsi en la reliant à la question de la légitimité propre aux fondements de l’État. En effet, le pouvoir souverain en même temps qu’il institue l’ordre juridique doit conserver la possibilité de le suspendre. Il lui faut une exception. Cette exception, il la crée, en ménageant au sein de cet ordre juridique un espace à la mesure de l’irrationnel de ses fondements. De sa violence fondamentale et originaire. Le pouvoir souverain institue pour cela un espace d’exception. Cet espace, disjoint du lieu mis en commun, est celui de la vie “ nue ” c’est-à-dire du sacrifiable et du “ hors dette ”. Cette exception est d’abord et selon les caractéristiques de toute structure ce qui donne consistance à l’ordre juridique sur le mode selon lequel toute exception donne consistance à un ordre symbolique.

En ce sens, et au seul point de vue structuraliste il est exact de formuler ce point : l’exception n’est en rien le contraire ou le défaut de la règle et de l’ordre institué. Au contraire, elle est le principe qui lui est immanent. Et elle se manifeste comme l’occasion par laquelle le pouvoir peut manifester sa puissance et sa violence fondatrice. C’est donc à suivre les termes mêmes de l’auteur dans la mesure où il lui est loisible de décréter l’état d’exception que le pouvoir est dit souverain[6]. Ce pouvoir s’exerce sur la “ vie nue ” comme pouvoir de vie et de mort. L’acte fondamental du pouvoir souverain identifié par Agamben est bien le fait d'isoler une vie nue, radicalement distincte comme telle de la vie politiquement qualifiée. Au plan du particulier, l’opération fondamentale du pouvoir revient alors à la possibilité d’isoler, en chacun, une vie qui échappe aux médiations des lois et des règles instituées. Cet isolat sera donc nommé par l’auteur la vie nue, qui est la vie qui est soumise à une prise directe du pouvoir souverain. Elle échappe, de ce fait, aux règles anthropologiques en usage dans une société.

Le camp nomme cet espace dans l’Histoire récente par la mise en jeu d’une ségrégation meurtrière et désirée comme telle, l’étranger inassimilable devenant l’autre à maintenir autre non seulement en le supprimant mais en le désappropriant de l’humanité de sa mort .

La mise au ban est caractéristique du pouvoir souverain. La thèse d’Agamben, dans son aspect radial fait de cette mise au ban un héritage d’Auschwitz alors que sa lecture tend davantage vers une compréhension structurale difficilement raccordable avec l’évènementialité historique. Il reste à se sortir de cette pseudo contradiction en affirmant qu’Auschwitz a fait effet de mutation dans la structure du rapport à la mort, au meurtre et à l’interdit. ce qui est tout à fait soutenable.

Voilà, trop sommairement extraites de l’ensemble du livre, quelques lignes directrices du propos développé par Agamben. L’élection préférentielle d’un aspect des thèses d’Agamben et qui sont alors réduites, je l’ai dit, à un psychologisme et à un sociologisme hyper réaliste, à un pathos catéchisant, ne va pas sans confusions. Repartons de ce qui fait le centre de l’ouvrage, soit la production de la vie nue par la mise au ban propre au pouvoir souverain. La figure-limite de cette thèse (son archétype psychologique) est représentée par l’homme absolument privé de volonté. Un homme proche de la mort et survivant dans le marasme d’une vie réduite au bios. Avant de penser que cette figure est précisément celle qui est vers qui l’on se porte ou devant quoi l’on se trouve, on peut prendre le temps de considérer que cette transposition psychologique de la théorie d’Agamben, et cela a déjà été souligné, vire au paradoxe, presque au saut de scène. En effet si l’homme absolument “ sans ” est la figure emblématique de la “ vie nue ” on voit mal quel souverain pourrait avoir prise sur lui. D’où un vertige. Soit l’homme absolument “ sans ” incarne la plus haute figure de résistance au pouvoir souverain, soit il en est la plus absolue des victimes. Le pouvoir ne pouvant s’exercer que sur une vie remise “ en forme ”, “ en trajet ”, “ en projet ”. La vie nue serait alors et le produit le plus absolu du pouvoir et ce contre quoi le pouvoir n’a pas de prise.

Notre travail est-il alors de reconstruire des formes de vie là où la casse a été la plus terrible ? Certainement. Mais nous mesurons alors à quel point les irréductibilités de chaque vie, et de chaque psychisme peuvent se tenir cramponnées à une forme de manque, de vide, de souffrance presque, car c’est souvent le seul support de l’existence, sur lequel les “ exclus ” prennent appui, le seul reste qu’il leur reste, ce corps en rade immergé dans le plat univers de l’exclusion et de l’errance.

Le problème essentiel étant alors de garder un temps logique préalable, et d’affirmer que nous n’avons jamais en tant que clinicien affaire à la “ vie nue ”. Du moins cette catégorie pertinente pour tenter d’analyser ce qui reste et persiste d’idéologie socio-biologique dans l’actuel état généralisé du capitalisme devient expéditive et brumeuse, voire dangereuse, dès qu’on l’exporte avec une coupable facilité dans le champ où elle se légitime, pour tenter de décrire les faits cliniques que nous observons. Une fois de plus, le livre de Agamben à l’immense avantage de nous aider à poser la question de ce qu’il en est des droits de l'homme non citoyen ? Qu'en est-il des droits de l'Homme qui n'est pas pris sous la protection d'un Etat, de l'homme tout court ? Agamben dit vrai également lorsqu’il énonce que les sociétés se définissent dans la manière dont elles traitent les clandestins, les demandeurs d'asile, les réfugiés, c'est-à-dire les hommes et les femmes de plus en plus nombreux qui ont rompu avec leur Etat d'origine et qui ne seront pas parvenus à s'insérer dans un nouvel Etat, et qui par conséquent répondent bien à cette qualité d'hommes non-citoyens.

Nos actes, nos conditions de travail, les inventions cliniques et institutionnelles que nous sommes amenés à proposer, promouvoir puis assumer, nous placent en situation d’observateur de la vigueur ou de la déliquescence des processus d’étayage entre espace urbain et espace psychique, nous ne sommes pas pour autant des observateurs sociaux du psychisme.

Et, dans le particulier, voire le singulier, du cas par cas, l’usage du corps caractéristique de la grande exclusion ne se manifeste pas uniquement comme une régression vers la vie nue. La ruine des fonctions vitales se soutient aussi par des proférations de négation. L’excitation du corps par des points de douleur qui rendent le sujet non consentant aux soins médicaux élémentaires – cela arrive souvent - apparaît non comme une régression vers on ne sait quel masochisme érotique, mais comme un puissant dispositif anti-mélancolique, une forme de résistance à cette mort du sujet qu’est la mélancolisation anesthésique de l’existence. Le corps partenaire est un partenaire, maltraité, fécalisé, “ laissé tombé ” par l’Autre, mais c’est un corps encore doté de capacités subjectives. Obscénité du corps dira t-on, et, il est vrai, que dire d’autre ? Mais aussi et bien plus encore, un corps qui n’est plus cette trique traversée par un souffle et ouverte à chaque extrémité, sans que se confondent les extrémités, c’est-à-dire les orifices, bref, un corps à qui manque l’instance qui fait coupure et lien, l’instance phallique. La négation de tout existant a le plus souvent marqué la vie de ces sujets. Nous ne pouvons lutter contre cette négation, en guérir le sujet, si nous la considérons comme totalement triomphante. Il est trop facile de “ dépolitiser ” Agamben, puis, en raison de cette lecture biaisée, mal inspirée et conventionnellement pathétique de thèses philosophiques et sociologiques, réduire tout à fait ces sujets à des sujets totalement “ sans ”. Notre clinique est aussi et avant tout celle de la résistance du sujet.

Comment les exclus se présentent à nos institutions, soignantes.

Plutôt que de faire du grand exclu le modèle absolu et donc allégorique de l’homme “ sans ” (“ sans abri ”, sans territoire, sans altérité) [7], il convient de situer comment des êtres humains en grande exclusion ne viennent pas à nous sans rien. En effet, ils fabriquent encore des montages entre leur corps et l’espace, se lovent au cœur de dispositifs topologiques pour lesquels seul compte le territoire rétréci mais hyper émotionnel et signifiant qui est, en quelque sorte, leur peau psychogéographique irréductible. Or une telle construction d’une topologie atypique et questionnante ne peut pas s’observer de n’importe quelle place. Un regard extérieur, anthropologique ou sociologique n’y suffit guère. Pour y comprendre quelque chose, il faut se détacher de toute vision essentialiste et retenir comme prépondérante dans l’observation de ces topologies l’inéluctable implication du chercheur et du clinicien dans la réalité locale au sein de laquelle il met en avant ses offres d’écoute, de recherche, voire de soin.

La clinique des exclus se verrait alors transformée. S’éloignant d’une position fascinée et impuissante devant le sujet “ nu ”, face à de nouvelles réalités des mondes urbains et de leur utilisation qu’en fait l’appareil psychique, le clinicien peut élaborer une clarification théorique et épistémologique sur la nature de la démarche clinique vis-à-vis de réalités psychiques et sociales largement inabordées par les actuels savoirs en psychopathologie, en psychologie clinique et en ethnopsychiatrie.

Une raison simple encourage à ce renouveau. Elle tient aux modifications des dispositifs de secteur. On s’en souvient peut-être, la politique de secteur visait à concilier la cité comme acteur dans la politique de santé mentale. Maintenant nous vivons une autre période. Notre époque récente et contemporaine est marquée par des tentatives gestionnaires intempestives de désenfermement à pas forcés [8] Dans le même temps, les dispositifs de santé peinent à s’adresser aux grands exclus. Or ce sont moins vers des sujets insérés dans la cité que notre clinique de la mélancolie du lien social ne nous porte que vers des sujets qui vivent dans l’ “a- cité ”.

Arrêtons nous un instant sur l’effet qu’ont les grands exclus sur des soignants qui sont partie prenante de la culture de secteur, culture bien mal en point aujourd’hui, et qui, en conséquence, ont des idéaux de résinsertion et de réhabilitation psychosociales dans la cité. Or ce que portent avec eux de jeunes errants ou de grands exclus c’est toute un part de la destruction de la cité, de cet espace de la cité qui est aussi comme un groupe interne, une communauté interne

Je retourne ici au thème de l’ "a-cité ", indiquant par ce “ a ” privatif cet effondrement objectif et interne d’un agencement communautaire. Un point inaugural des prises en charge, une fois épuisées les déclarations à la fois vaines et nécessaires de “ bons sentiments ”, est la présence d’un affect de honte sur les soignants et la sidération dans laquelle cet affect les plonge. La souffrance psychique des soignants, voilà une expression qui n’est pas de simple abstraction ! Honte d’avoir en face de soi, dans un commerce de corps plus que de paroles des sujets qui sont, eux, dans un état d’éhontement. La honte dont je parle ici est comme l’envers de l'aspect impudique du social à tolérer l'insupportable. L’étayage pulsionnel est dans un état extrême d’épuisement. Je pense à cet errant de 35 ans qui se bouchait compulsivement tous les orifices avec un mélange de boue et de pitances pour animaux. Une forme de folie de corps dans laquelle les orifices doivent être uniformément ramenés à la même matière, évoquant ce que Cotard, puis Ségals désignaient comme un délire des négations. Et pourtant, après quelques soins, rudimentaires, rien d’un Cotard. Or, bon nombre de personnes, de femmes le plus souvent, se présentant à nous comme si elles vivaient un état d'éhontement sont, bien au contraire, dans une grande honte de leur propre densité corporelle (il ne s'agit pas seulement de leur image narcissique) qu'elles n'arrivent plus à soulever.

Les affects sont violents lorsque la vie bat encore son exigence, lorsque le sujet sait que la vie ne suffit pas à la vie, que le corps ne suffit pas au corps, que la mort ne suffit pas à la mort..

Honte et haine sont des affects qui escortent toute déclaration de soi et toute présentation de soi, dans le registre de la filiation. Y a-t-il pour le sujet une racine vivante de la filiation? Cette racine, cette réassurance tient en un acte. La possibilité de dire oui, au fait d'être vivant avec d'autres , c’est-à-dire mortel avec d'autres. La filiation comme situation subjectivante pour chacun, prend support dans la possibilité de dire qu'une dette de vie est respectée et honorée. Ce n'est pas une dette de “ survie ” En ce sens elle peut se faire en prenant la parole. Il ne s'agit pas de rembourser la dette de vie, mais de participer à ce qu'il faut de collectif pour affirmer que l'on est, au même titre que d'autres et avec d'autres, reconnus comme participant de cette dette. Il ne semble pas trop exagéré de prétendre que nous tenons là un des socles anthropologiques de l'articulation entre affiliation et filiation. La désaffiliation toucherait effectivement les sujets qui sont empêchés d'affirmer leur dignité d'avoir pu recevoir et reconnaître cette dette de vie. Ce point de vue pose aussi des questions sur notre modernité.

Vers une formalisation métapsychologique

Revenons encore à une formalisation métapsychologique afin d'immerger cette donnée anthropologique dans une autre, un peu plus préoccupante encore, puisqu'elle concerne certains aspects actuels du lien social. Il se produit, pour certains et à certains moments, de telles déceptions de rencontre, voire de tels risques concrets, réels, de rencontre que le sujet peut tout à fait supposer que ça ne vaut même plus le coup d'avoir une vie psychique. Essayons de travailler les modèles freudiens du psychisme. Selon le principe de réalité, l'appareil psychique peut décider si l'objet est, ou s'il n'est pas présent, c’est-à-dire être en mesure de proférer un “ oui ” ou un “ non ” à l'objet. Dans le principe de plaisir, comme la négation n'existe pas, seule demeure le “ oui ” qui est une acception proche de l'hallucination. Pour dépasser ce paradoxe, Freud a inventé le clivage de l'objet, et surtout, dans ses derniers textes, le clivage du moi.

Winnicott a inventé, quant à lui, la coexistence du oui et du non. L'objet transitionnel, par exemple, ce n'est pas le bon sein kleinien. Le refus est donc créateur. À ceci près toutefois et comme l'a parfaitement remarqué Winnicott, que du sein, on ne peut s'en détacher que s'il a été donné ; autrement, c'est sans fin la douleur d'un arrachement. À ce paradoxe, je me permettrais sinon d'en rajouter un du moins d'accentuer la lecture d'un de ses dysfonctionnements qui se marque dans le paradoxe de la mélancolisation, sachant que je pourrais définir la mélancolisation comme étant caractéristique de la situation du sujet qui va toujours mettre trop de son corps réel dans la participation de sa dette à la vie. Il va se jeter dans cette dette corps et biens. Les grands exclus nous introduisent à une forme particulière de la clinique et qui est la clinique d'un entre-deux particulier, soutenu par un paradoxe cruel et drastique. Nous connaissons donc le paradoxe cher à Winnicott et pour lequel le sujet est et n'est pas, l'objet est et n'est pas.

Il s'agit ici, dans cette psychopathologie, de pouvoir formuler un autre paradoxe. Je parle de celui, indialectisable où le sujet n'est ni vivant ni mort... Du paradoxe mélancolique vers le paradoxe propre à l'espace potentiel pourrait s'ouvrir le réel “ passage ”. Un passage entre deux “ entre-deux ” entre le paradoxe mélancoligène et le paradoxe potentiel. Un passage entre savoir et vérité.

Calé en deçà de ce passage, le sujet ne sait plus relier quoi que soit de ces objets pulsionnels. L'irrésolu dilemme du “ Suis-je mort ou vivant ?” accompagne sans fin le sujet, c'est la définition même de l'errance.

Il y a le savoir du Réel, celui qui dit l'éternisation d'un corps ni mort, ni vivant, apte à traverser l'écran des apparences et des contenances pour tenir le coup dans un monde d'au-delà de tout principe de plaisir. De ne pas y échapper, voilà bien la dynamique propre au trauma humain. Enfin, il y a la place de la vérité, soit cette élaboration qui fait la place au dévoilement, à la lecture et au bordage de ce réel. Entre savoir et vérité, une élaboration, une rencontre possible des possibilités expressives et curatives d'une parole de bonne foi. Cette bonne rencontre confirmerait que le chaos du monde n'aurait plus alors, avec lui, emporté tout ce qui fait tenir l'énonciation du monde.

L'extension clinique et psychopathologique de ce paradoxe mélancolique se tiendrait non pas dans la création de l'objet, mais, en deçà, dans un lien à la violence par quoi le corps comme incessamment donné à une machinerie de lecture ou de soin, le corps réel ne deviendrait que l'unique territoire du sujet, seule possession psychique, pellicule, peau, surface de cartographie, surface de trace.

En face de ce genre de patients nous ressentons comment la désespérance se traduit par des attaques (formes d'attente) envers l'évènement que constituent la musique, les scansions et le pouvoir d'évocation de la parole humaine. Réduit à la plus vive des solitudes, nul ne sait pas s'il est mort ou vivant. Il faut bien que se produise un accueil des signes de vie que donnent les grands exclus qui ne réduise pas ces manifestations à des expressions pathologiques ou déficitaires.

Du pulsionnel et du discours à venir

L’enseignement freudien est ici des plus nets puisque, à l'opposé d’un idéalisme naïf, Freud a formulé, avec sa théorie des pulsions, le principe de plaisir comme jamais auparavant on ne l'avait formulé, opérant une double refente : refente de l'hédonisme et refente de l'éthique. Car avant Freud, le plaisir toujours servait à définir le Bien, il était en lui-même satisfaction. Freud touche dans l'interrogation sur le plaisir la pointe de la Vérité du sujet et du sujet sexué. L'axe souffrance-plaisir ne peut plus alors être la simple et directe traduction au niveau mental de la circulation de la quantité d'énergie psychique dès lors qu'intervient le milieu du langage et de la culture, et que se désigne la signification symbolique et éthique de l'acte de penser dans un univers culturel et symbolique. Lorsque cet univers se délabre aux yeux du sujet réduit à un psychisme en souffrance les registres de la plausibilité de la demande sont radicalement abrasés par cette défaite du monde culturel commun.

Aujourd'hui, les nouvelles formes de psychopathologie, où dominent l'atteinte contre le réel du corps, la précarité - voire la ruine - des opérations de constitution du semblant, les mélancolisations, imposent de revenir à une métapsychologie de la pulsion. Les perspectives théoriques développées par Winnicott (la dimension de l'effondrement) et par Lacan (le fait que les pulsions ne soient jamais que des pulsions partielles) sont précieuses.

Ce dont la pulsion de mort ferait alors le tour dans le cas de ces grands délabrements psychiques et somatiques qu’entraînent les exclusions massives ne serait plus l'objet, mais deux catégories de vide : le vide de la Chose (le das Ding), forme de trou aspirant, et le vide de l'altérité, forme de non répondant absolu. C'est dans cette répétition de deux vides que la vie pulsionnelle alerte.

C'est alors, à reprendre les termes de Nathalie Zaltzman [9]son "anarchisation", exacerbant les coordonnées de la pulsion et l'érogène des bords, trouant les totalisations narcissiques closes, démembrant les tentations mortifères de l'identité unique et unitaire, qui vaut protestation vitale. Propre à contrarier l'État des lieux, les topos du corps érogène, phallique et orificiel. Si on prend au sérieux cette proposition : il y a un travail de déliaison particulièrement apte à permettre de la survie, soit le mode anarchiste de destin du pulsionnel, alors on va s'apercevoir, rapidement, que la vie du corps de l'être parlant, n'est pas ce qu'on s'imagine. Entre la jouissance déliée des pulsions et la jouissance réglée par le signifiant, il y a cette anarchisation de Thanatos, qui est bien un régime du pulsionnel, aux limites d'une déliaison car aux limites d'un univers de langage, et poussant "aux limites" les forces de liaison de l'organisme. C'est en ce point que la subjectivité intervient. La pulsion anarchique n'en est pas moins causée par la mise en jeu du désir ; s'y signe, ou du moins s'y signale, l'effraction de ce sujet qui ne veut pas mourir en tant qu'être du (et de) désir. C'est pourquoi il reste à interpréter les logiques anarchisantes que crée cette modalité pulsionnelle, et à accueillir les modifications des capacités subjectives et érogènes du corps qui s'y indexent sans faire répétition. Un Réel qui, par et dans son excès, serait non dans la répétition, mais dans le Neuf.

Un des problèmes majeurs de la prise en charge des sujets à la dérive et, plus spécifiquement, de ces adolescents en rupture puis en errance de lien, est de situer la remise en jeu d’une relation possible à un autre de bonne foi, un autre qui résiste au travail de la destruction. Pour bon nombre de ces adolescents, en effet, cette remise de leur être dans le maillage possible d’un contact prolongé, ne va pas sans susciter de vifs refus du lien, de vifs refus de la nouvelle donne relationnelle que nous voulons leur proposer.

Nous pourrions parler ici de résistance. Mais à une condition, celle de ne pas appliquer mécaniquement en ces circonstances et en ces cas le modèle de la résistance (et donc celui du transfert) propre à une cure de névrosé. Car il s’agit d’une angoisse redoutable, d’un effroi qui revient alors sur le sujet au moment où nous le convions à quitter ce statut qui était le sien. Ce qui peut expliquer pourquoi c’est souvent pour un autre et vers un autre que certains errants nous mènent ne pouvant nouer de lien avec nous qu’à mesure où nous nous occupons d’un autre, plus détruits encore qu’ils ne le sont eux-mêmes.

Cette dernière considération mène à tenir compte de ce qui subsiste de lien, donc d’attente de discours, entre des sujets en grande errance et/ou en grande exclusion. Les adolescents, qui ne sont pas réductibles au modèle du sujet “ Homo Sacer ” et dont les problématiques ne sont pas réduites par les modèles de a pathologie mentale, nous apportent ici des enseignements d’une richesse considérable[10].

Olivier Douville

Références

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[1] Les notations cliniques qui parsèmet ce chapitre proviennent de mon expérience professionnelle auprès d’adultes et d’adolescents en exclusion et en errance. Je travaille comme psychologue clinicien dans le 16° secteur de l’Établissement Public Spécialisé de Ville-Evrard, je suis, de loin en loin, mais assez régulièrement le travail du Réseau Souffrance Psychique et Précarité, Service du Dr X. Emmanuelli et j’ai participé à des “ maraudes ” de nuit à Paris. J’ai eu également cette expérience de contact de nuit avec des enfants et des adultes en grande exclusion en Afrique de l’Ouest, à Bamako et à Dakar, dans le cadre d’associations nationales de santé et de prévention.

[2] on remarque, de plus en plus, des hommes faire la manche en parcourant au pas de course des quais de métro et sans freiner leur élan pour saisir la pièce qui leur est tendue et qu’ils ne voient pas.

[3] Peu de documents accessibles au chercheur et a fortiori au jeune chercheur sont diffusés [3] encore de nos jours. des rapports de recherches existent, mais ils restent assez confidentiels. Des actes de colloques également (tout dernièrement et sous la direction de F. de Rivoyre, Psychanalyse et Malaise social chez Érès), des numéros de revue (Psychologie Clinique en 1999, L’Homme et la Société en 2001, toutes deux éditées par L’Harmattan)

[4] cf Psychologie Clinique, 7, 1999

[5] Ce terme d’opération adolescente est proposé, en contraste à “ processus adolescent ” par Jean-Jacques Rassial Sortir : l’opération adolescente

[6] Op. cit pages 19 à 33

[7] Je passe sur les autres effets mélodramatiques et convenus, d’une démagogie très usante, qui identifient si volontiers ces “ grandes victimes de la société ” aux déportés des camps de la mort, cette écœurante banalisation du nazisme irait-elle jusqu’à confondre ceux qui prennent en charge les exclus (voire les “ inclus ” en ratissant large avec les bourreaux nazis

[8] cf. Psychologie Clinique, hiver 2001

[9] cf Nathalie Zaltzman , 2000

[10] cf Rassial, 1997, 2000 ; Douville, 2002, 2003