De la musique dans l’espace psychique des adolescents

Karima Lazali et Denis Collot échangent avec Olivier Douville sur les travaux de ce dernier

Résumé : Au cours d’un entretien, Olivier Douville considère diverses postions possibles de l’adolescent à l’écoute des composantes plurielles des musiques fortement consommés aujourd’hui par les jeunes. En travaillant sur les modèles du rap, de la techno et de la musique répétitive, considérés non seulement comme modes ou modèles sociologiques mais comme façon de se raccorder aux messages sonores extérieurs, il met en avant le lien entre consommation musicale et expérimentation des rythmicités corporelles.

Mots-clefs : Adolescence, Corps, Filiation, Jazz, Rap, Rythme, Techno

Karima Lazali, Denis Collot : Olivier Douville, psychanalyste, formation à l’anthropologie, Université Paris 10-Nanterre, Directeur de publication de Psychologie Clinique

Karima Lazali, Denis Collot : Pouvez-vous nous parler de la fonction qu’occupe l’univers sonore dans le processus adolescent ?

OD : L’adolescent retravaille les objets de la pulsion qui ont à voir avec la présence de l’autre, y compris la présence angoissante de l’autre – ces objets qui permettent la construction psychique du miroir : c’est à dire le regard et la voix.

Ce qui a pu être localisé de la voix dans la construction subjective va rejaillir sur le social, et cela de façon décisive lorsque la propre relation du sujet aux objets pulsionnels qui furent les premiers sédiments de sa subjectivité se fait troublée,

Pensons ici à la mue de la voix adolescente, mais aussi à son pouvoir d’appel d’un autre à venir, d’un autre sexué ; la façon dont l’ado s’approprie sa propre voix est une question clinique évidemment provoquée sans doute par tout ce que la mue des garçons peut entraîner de phobies mais c’est une question qui a une ouverture anthropologique et culturelle

DC : Que dire d’un usage de la musique de la part de certains adolescents comme refus du langage ?

OD : Je ne crois pas à la mise en opposition entre l’investissement dans la musique et le refus du langage. Je pense que s’il y a un vrai refus du langage, un refus du sens et du son, alors il n’est pas possible d’aller articuler sa pulsionnalité vocale dans un langage musical. Je pense en revanche que la musique permet le réveil et la mise en suspens d’un certain nombre de rapports du sujet à la culture et au langage. Souvent les jeunes créateurs de musique ont le sentiment qu’ils vont s’approprier ou qu’ils vont s’inventer un langage. Il s’agit donc moins d’un refus que d’une mise à l’écart.

Il y a plusieurs styles de musiques adolescentes et plusieurs façons adolescentes de consommer ces musiques diverses. On va aisément s’apercevoir qu’elles ont même, si c’est très sublimé, un rapport avec le bégaiement. Le rap a un rapport avec le bégaiement, c’est à dire que ça a un rapport avec l’intérêt érotique porté sur l’énergie d’expulsion de la voix, peut-être plus que sur le sens ou que, de toute façon, un sens ne peut être accordé à ces paroles que s’il y a une prime érotique qui est accordée à l’énergie d’expulsion de la voix. Il y a un ravissement du mot par sa propre découpe sonore, le mot se signe dans sa proximité d’avec le cri, nous retrouvons ici l’apport stylistique de l’art afro-américain, celui développé par les « blues shouters » (les crieurs de blues, par exemple, le chanteur de l’orchestre de Count Basie, Jimmy Rushing) et qui se situe à l’inverse de l’esthétique classique : celle qui unit la compétence de l’homme de l’art au savoir de l’homme de la science pour le plaisir averti de l’homme de goût.

Ça c’est un point qui est indéniable dans le rapport adolescent à la vocalisation du matériel musical ; cette nécessité de revenir au rythme et à la résonance, de revenir à cette énergie, en la canalisant par le rythme. Cela ne me semble pas être un refus du langage mais la tentative de créer une niche particulière, singulière, au sein du langage, une orientation.

DC : Que dire de cette distinction entre des adolescents créateurs et ceux qui sont en position d’auditeurs ?

KL : Est-ce qu’il est possible de dégager là des dynamiques psychiques particulières dans chaque situation ?

OD : Il faut effectivement supposer que tout mouvement musical ne survit que parce qu’il y a des auditeurs. Mais je refuse cette simplification qui mettrait en correspondance des dynamiques psychiques typiques selon lesdites situations... De plus, la césure entre créateurs et auditeurs n’est peut-être pas celle qui convient pour tenter de situer et de comprendre comment un adolescent crée ses niches sonores. En fait nous n’arrêtons pas jouer sur les mots (ou de glisser sur eux, entre le sens social de « créateur » et ce les psychanalystes depuis Sharpe et Winnicott tentent de cerner comme processus de création psychique. Si on ne distingue pas les plans, la confusion est garantie

KL, DC : Il y a des styles de musiques différents et donc des choix de rythmicité singuliers. Alors, comment s’oriente l’adolescent dans un style plutôt qu’un autre ?

OD : Là aussi je suis très réservé si on tente une stricte correspondance entre le matériel musical, rythmique, harmonique, mélodique de telle ou telle façon de faire de la musique et des positions psychologiques. Je refuse toute psychologisation rapide et vaine de « l’auditeur de rap », puis de « l’auditeur de techno » etc. Aussi je vous inviterai à dépasser l’opposition entre une musique « active » ou l’expression motrice est très investie, comme le rap, et une musique plus « passive » telle la techno. Évidemment, l’opposition est simpliste, mais elle rend compte de ces régimes très cycliques de la décharge et du retrait caractéristiques de la période adolescente.

Cela étant, soulignons que la capacité de se laisser passiver ne semble pas inquiétante et que pour certains ados, pouvoir érotiser la passivité de la pulsion c’est une véritable conquête. Il y a sans doute beaucoup de jeunes qui construisent de la musique sans pouvoir érotiser la passivité et des gamins qui construisent de l’audition et qui arrivent à érotiser la passivité. Je ne vois pas pourquoi je mettrais là une hiérarchie. Mais je rappelle que tout le monde ne peut pas être créateur. Ça se saurait !

KL : Dans la voix, peut-on distinguer ce qu’il en est du sens et ce qu’il en est du son ?

Oui, c’est évident, sauf que ce qui est intéressant musicalement c’est lorsque la voix chantée ou récitée dépasse ces antinomies et qu’elle fait surgir ce que d’aucun ont nommé « le miracle du signifiant ». C’est au fond cela un des points forts de la création artistique des artistes, que ce soit le sprechgesang, ce style de récitation à mi-chemin entre la déclamation parlée et le chant, inventé par Engelbert Humperdinck dans Königskinder, et surtout connu pour avoir été repris par Schönberg dans le Pierrot lunaire de Schoenberg ou le « scat », cette façon de chanter des onomatopées chère à Louis Armstrong ; Gertrude Saunders, Cab Calloway ou Elle Fitzgerald.

Je pense qu’une des tâches adolescentes est de prendre la parole et que prendre la parole c’est quelque chose de très risqué parce que prendre la parole c’est la prendre à l’autre et pas simplement la prendre devant l’autre ; et qu’un des enjeux à l’adolescence est de prendre la parole en donnant de sa voix.

Or, ce qui est intolérable pour beaucoup d’ados, c’est d’entendre que dans sa voix, il y a la voix du père ou de la mère. Alors, il y a cet investissement de la voix en tant que ça fait surgir du neuf ; seulement, le neuf radical il faut bien le référer à quelque chose. Ce qui surgit de moi avec la voix, si c’est radicalement sans antécédents, c’est également radicalement périlleux.

Or, il ne suffit pas d’un refus de la semblance entre notre objet pulsionnel et celui des parents pour avoir une garantie d’existence. Donc il faut bien que ce refus soit porté par une quête d’affiliation le rap fournit ses romans, ses codes, ses groupes d’affiliation, ses fratries imaginaires.

Mais écoutons un peu les paroles de rap en y adjoignant ce que chantent les rapeuses dont Casey qui a un sens poétique indéniable et une voix d’une profondeur rare.

De quoi ça parle le rap ? Premier constat, le rappeur ou la rappeuse se place souvent dans une situation d’orphelin. Souvent le rap c’est le cri de l’orphelin ! C’est un peu la version pathétique du sans antécédents. On verra très souvent que les paroles de rap sont des paroles de deuil. Il y a quelque chose de très mélancolique dans le rap. Ce sont souvent des paroles soit sur l’orphelin, soit sur l’enfant mort. Ce sont vraiment des problématiques adolescentes qui concernent le rapport à l’ancestralité et à l’invention de l’humain. Les adolescents ont beaucoup à dire sur ce qu’est l’humain et l’inhumain. Du fait qu’ils arrachent la dimension de la filiation au strict univers domestique, ils se demandent ce qui les fonde comme sujet de l’espèce humaine et, surtout, ils théorisent plus qu’on ne le pense sur les façons qu’ont le social et la culture de prendre soin de l’humanité, de l’humain. C’est bien cela l’adolescence, le moment où le sujet se pose la question de ce qui fait l’humanité de l’homme.

L’adolescent du rap qui s’écoute dans les grandes concentrations urbaines, dites « banlieues », se constitue comme un orphelin qui rouvre ce qu’est une lignée humaine ; mais je dois aussi mentionner un autre aspect de ses « marques de fabrique » du rap, plutôt portées par les jeunes garçons, qui est l’appel aux communautarismes, ou plus exactement à une communauté qui pourrait enfin advenir : celle des jeunes mal accueillis par le social. Il y a un appel au grand ancêtre que l’adolescent ranimerait, remettrait en scène et en présence. C’est souvent vrai dans le rap afro-antillais qui fait émerger l’ancêtre marron et qui du reste le remet un peu dans la conscience politique puisque le marron c’est l’esclave qui a refusé, qui s’est affranchi, qui a réussi à quitter la plantation, certains du reste ont été de véritable insurgés et sont reconnus, à juste titre, comme des héros (d’autres, plus rares, monnayaient leur semi-liberté en dénonçant les autres marrons dont ils avaient connaissance -Il ne faut jamais idéaliser l’histoire et l’amnésie n’a grandi personne). Toujours est-il que le rap idéalise l’histoire et va chercher la figure d’un grand ancêtre. Et bien, tant mieux car cela remet en circulation, sous couvert du mythe, des éléments de notre histoire commune totalement occultés par les pouvoirs de refoulement des histoires officielles.

En d’autres termes, il y a dans le rap un roman historique, familial qui consiste à dire qu’on va se référer à un ancêtre qui tient debout alors que les parents n’ont pas réussi à tenir debout. Le rap est un excellent révélateur des débats actuels : quelle société pour l’adolescent ? Maintenant n’idéalisons rien : les groupes fachos ont aussi leur rap.

KL : Dans le rap, il y a un travail de mise en mots mais que se passe-t-il pour les adolescents auditeurs de musique sans mots ?

O.D : Au fur et à mesure de notre discussion il me semble bien que nous oubliions un peu vite que le rap, lorsqu’il se rattache à la culture « hip-hop » est lié à deux autres disciplines : la pratique du break dance (Dking ou B-Boying), et le « spray can art » ou graffiti. Aucune analyse strictement musicale du rap ne se révèle adéquate. Le rap est un mouvement d’exposition du corps et de ses traces. Nous ne sommes pas uniquement à l’étage d’une musique avec ou sans mots, mais bien davantage devant une forme de théâtralisation du corps qui indique qu’il survit et qu’il consiste. S’il me semble que les ados les plus exclus se rattrapent du côté du rap, je me permets d’insister : il n’y a pas une culture adolescente, il y a des ados qui ont des problèmes avec les cultures et qui se reconnaissent dans des produits culturels hautement commercialisés, qui peuvent charrier des idéologies assez diverses. Si l’idéologie du gangsta-rap, reste une idéologie de petits frimeurs phallocrates, elle ne résume pas à elle seule tout le rap, certaines musiques circulent en dehors des circuits commerciaux, il est vrai, il y aura toujours des circuits marginaux plus sympathiques.

Quant à la musique techno, quel que soit son aspect soporifique, on peut lui reconnaître des sources esthétiques tout à fait académiques, intéressantes : c’est la musique répétitive, c’est la musique de John Adams, de Philipp Glass, de John Cage ou encore Steve Reich …pour citer les plus audibles. Je précise ici que la musique répétitive ne l’est pas à strictement parler, elle crée toujours de l’infini et de l’infinitésimale variation, de la nuance, Elle relance infiniment un rapport dérobé à la bonne forme à la phrase conclusive. Elle est aussi une métaphore du désir

Quant aux raves techno, il s’agit véritablement d’une espèce de banalisation d’un sentiment océanique qui renvoie à l’autre aspect ; ce serait l’aspect Éros, mais dans son côté non différencié ; l’autre aspect de l’adolescence, non pas celui qui se vise comme une exception mais celui qui vise à dissoudre le scandale de son existence subjective dans l’utopie océanique Envisagé au strict plan sociologique on peut décréter que les free party sont des actions militantes qui visent à déplacer les limites, et cela est parfaitement bien vu de même que certains sociologues voient dans l’errance un nomadisme subversif contrariant les assignations, Mais enfin c’est un peu court et le clinicien perçoit aussi que ce sont bien les limites de la psyché qui sont déplacés mais point par jeu ou risque ou stratégie, que vers une dépersonnalisation.

Question DC : Est-ce que tu penses que le rap ouvre à un travail d’historisation, à travers la violence ? Puisqu’on a tendance à entendre dans cette musique un cri de rage et une tentative de sortir de la violence par une autre violence.

OD : C’est poser là une perspective essentielle. Je pense que les jeunes qui s’intéressent au rap ont un rapport douloureux au bilinguisme. Ce n’est pas étonnant que ce soit les jeunes issus des immigrations C’est vrai en France mais pas uniquement. Et le lecteur pressé pourra penser que nous parlons de deux langues en présence alors que ce que je dis est plus simple en fait. Le rap comme autrefois les « dirty dozen » des ghettos américains, créent une distorsion de la langue conventionnelle d’usage, la tordant au point qu’elle semble parasitée par une autre scène de langue qui la bouscule et qui s’y révèle. L’argot noir des afro américains, le « jive » évidemment c’est de l’anglais mais un anglais scandé sur un ton, avec des codes et une rythmicité de corps tels que surgit la présence d’une autre langue, là où le ghetto se ressouvient des parlers africains évidemment fantasmés et de leur charge sexuelle. [

On pourrait dire que la techno ça va du discontinu au continu et que le rap fait voler le continu en donnant une valeur au discontinu ; et que très certainement, cette valeur du discontinu ne renvoie pas simplement à l’immédiate pulsionnalité du corps, mais qu’elle renvoie aussi à des histoires culturelles avec des ré-émergences de langue refoulée, de langue tue et de langue oubliée. Ce qui est intéressant dans une musique, c’est comment elle accueille le discontinu en créant de l’ouvert. Je pense que le rap accueille le discontinu en hébergeant, dans l’inflexion des voix, du rythme et des corps, une langue interdite de séjour. Le Rap donne séjour à ce qui serait interdit de séjour. C’est là où ça œuvre dans le discontinu.

KL : Quels liens peuvent se faire à partir de la position d’auditeur adolescent entre la trace, le corps et le rythme ?

La trace n’existe que si elle est lue. Sinon il n’y a pas de traces, il y a des marques, des encoches, des blessures sur le corps.

Toute la question est aussi de situer et de connaître la trace du nom qu’on porte. Beaucoup de textes de rap abordent la question : qu’est-ce que vaut le nom que je porte ? En dehors de la famille, dans la cité, dans la confrontation avec l’autre, avec les flics. C’est ça aussi un des grands thèmes de la culture adolescente qui, bien nécessairement, survient là où on parle des problèmes d’identité. Ce n’est pas la techno qui permet de parler de problèmes d’identité, ce n’est pas la musique non plus. La musique peut donner un sentiment de continuité ; ça ne suffit pas à faire de l’identité. C’est avec l’articulation du son et du sens, adressée à un autre, que vient la question de l’identité.

KL, DC : La musique vient toucher un corps bouleversé par le processus pubertaire mais, pour autant, y a-t-il une spécificité adolescente du rapport à la musique ?

Je m’intéresse à l’expérience du rap dans ce qu’il signifie, c’est à dire il faut un choc musical pour arriver à un au-delà de la musique ; mais moi, sur la musique, je ne suis pas sûr qu’on ait grand-chose à dire là-dessus. La musique établit un plan de projection du corps.

1er point : La musique c’est du corps qui donne naissance à un corps.

2ème point : ce plan de projection du corps est re-modélisé par la crise adolescente.

Mais de là à penser qu’il y a une spécificité adolescente du rapport à la musique, moi je ne peux pas aller si loin. KL : La musique permettrait à l’adolescent une lecture de ses propres traces, à travers un mouvement de trouvaille, retrouvailles de ses premières inscriptions ?

OD : Soyons plus simples, il me faut bien en tant que psychanalyste reconnaître que la musique permet aussi un recouvrement et un refoulement. Mais penchons-nous sur la fonction du rythme dans notre rapport au sonore et au langage. Le rythme c’est le signifiant. C’est la présence-absence.

Le rythme c’est la modalité première de l’inscription du signifiant, de l’érogène et de la trace.

Alors s’il n’y a pas de rythme, il n’y a pas de trace. Alors s’il n’y a pas de rythme, il n’y a pas le fait que la marque est déposée par quelqu’un qui peut la lire. Donc le rythme est primaire. Le tempo c’est la peau du temps.

La rupture adolescente ne peut prendre appui que sur ce qui a été construit comme rythme.

Toutes les arythmies de l’enfance flambent à l’adolescence. Ça c’est un problème clinique : les arythmies alimentaires, du sommeil, etc.… ou les hyper-rythmes.

Mais, par la suite, est ce que ça se transpose sur l’usage de la musique ? ça ne peut être une transposition mécanique, certaines musiques fonctionnent comme un "miroir sonore" elles proposent une image anticipée de sériation et de coordination des rythmes, et parce qu'elles anticipent, tout comme notre image unifiée dans le miroir anticipe nos coordinations motrices, elles peuvent participer de la construction d'un moi-idéal

Très certainement, un investissement de l’hyper rythmicité de la musique fabrique un corps de secours. Mais enfin, ce n’est pas parce qu’un gosse va écouter du rap pratiquement 12h/jour, en s’en mettant plein les oreilles dans un usage parfois autistique du sonore, qu’il va réussir à récupérer ses rythmes. Il peut tout à fait se brancher sur du continu et trouver en cela un support pour un narcissisme premier qui vient de la sensation physique d’être là existant, bercé, dans un monde non coupé par le silence.

Souvent des ados, au cours de leur psychanalyse, ne vont pas changer de goût musical, mais ils peuvent laisser chuter cette immersion dans un continu sonore. C’est aussi que leur rapport au silence a changé. Le silence peut leur apparaître comme le seuil et la promesse d’un engagement de parole de soi et de l’autre, ce n’est plus ce gouffre, ce cri muet qui engloutit. Parce que, après tout, on parle du continu et du discontinu de façon stylistique, un peu pour classer les musiques, mais en clinique, on fait la rencontre de jeunes qui peuvent avoir un usage continu du discontinu en n’écoutant que du rap. Une forme d’auto bercement où, bizarrement, l’excitation vient en place du pare-excitation. Il est possible que certains utilisent certaines musiques comme des berceuses ! Il y a des adolescents qui ont besoin de la musique pour être rassurés qu’il n’y ait pas un grand silence de l’Autre. Ce sont là des jeunes qui ont peur de l’écho de leur propre corps.